Inaptitude : l’impossibilité de reclasser un salarié ne dispense pas l’employeur de consulter le CSE
L’employeur tenu de reclasser un salarié inapte peut parfois se trouver dans l’impossibilité d’y procéder. Les obstacles rencontrés ne le dispensent toutefois pas de recueillir l’avis de son CSE avant d’engager une procédure de licenciement. A défaut, il manquera à son obligation de reclassement et privera le licenciement notifié de cause réelle et sérieuse.
Reclassement du salarié inapte : l’avis du CSE doit être recueilli…
L’employeur ne peut procĂ©der au licenciement d’un salariĂ© inapte que s’il se trouve dans l’une des situations suivantes :Â
- expressément dispensé, par le médecin du travail, de l’obligation de reclasser le salarié ;
- impossibilité de procéder au reclassement du salarié ;
- refus, par le salariĂ©, de sa ou de ses offres de reclassement.Â
Notez le
Sauf cas de fraude ou de vice du consentement, un recours à la rupture conventionnelle peut être également envisagé (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767).
Pour mémoire, l’obligation de reclassement exige de l’employeur qu’il propose au salarié inapte un autre emploi :
- approprié à ses capacités ;
- aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de certaines mesures (ex : aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail) ;
- disponible au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant.
De même, il revient à l’employeur, pour soumettre une offre de reclassement avec sérieux et loyauté, de prendre en considération les conclusions écrites du médecin du travail ainsi que l’avis émis par son comité social et économique (CSE). C’est à la condition, bien entendu, qu’une telle instance soit instituée au sein de l’entreprise.
La consultation du comitĂ© doit ĂŞtre menĂ©e Ă un moment bien prĂ©cis. C’est-Ă -dire entre la dĂ©claration d’inaptitude du salarié et la transmission d’une proposition de reclassement Ă ce dernier.Â
A dĂ©faut de consultation, ou en cas de consultation irrĂ©gulière, l’employeur manque Ă son obligation de reclassement et prive, consĂ©quemment, le licenciement de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.Â
Important
Si l’entreprise dispose d’établissements distincts, l’employeur doit recueillir l’avis du CSE de l’établissement dans lequel travaille le salarié.
Mais qu’en est-il lorsque l’employeur constate, faute de poste disponible, qu’il est dans l’impossibilité de reclasser un salarié inapte ? Cette circonstance l’autorise-t-elle à engager une procédure de licenciement sans consulter au préalable le CSE ?
Ces questionnements, qui refont surface Ă intervalles rĂ©guliers, conduisent la Cour de cassation Ă rappeler rĂ©gulièrement sa position : non, cette situation ne libère pas l’employeur de cette formalitĂ© consultative.Â
… même si l’employeur est dans l’impossibilité de procéder au reclassement du salarié inapte
Dès lors que l’employeur n’est pas expressĂ©ment exemptĂ© de son obligation de reclassement et qu’un CSE est Ă©tabli dans l’entreprise, il doit procĂ©der Ă une consultation de l’instance. Et ce, mĂŞme s’il constate ne pas ĂŞtre en mesure de proposer un poste de reclassement au salariĂ©.Â
Dans cette situation, l’avis du comitĂ© doit ĂŞtre sollicitĂ© entre la dĂ©claration d’inaptitude du salariĂ© et sa convocation Ă l’entretien prĂ©alable au licenciement.Â
Ces solutions, solidement Ă©tablies en jurisprudence, ont Ă©tĂ© rappelĂ©es par la Cour de cassation Ă travers un arrĂŞt rendu le 5 mars 2025.Â
Dans la prĂ©sente affaire, un employeur n’était pas en capacitĂ© de proposer Ă un salariĂ© inapte un poste de reclassement n’impliquant aucune mobilitĂ© gĂ©ographique. Ce qui, en l’occurrence, contrevenait au souhait que ce dernier avait formulĂ© dans les jours suivant la reconnaissance de son inaptitude.Â
Estimant que la consultation des reprĂ©sentants du personnel avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e de manière irrĂ©gulière, principalement en raison de sa tardivetĂ©, le salariĂ© avait saisi le juge prud’homal.Â
A hauteur d’appel, les juges avaient considĂ©rĂ© que l’impossibilitĂ©, pour l’employeur, de soumettre une offre de reclassement conforme au vĹ“u du salariĂ© l’exemptait de toute consultation des reprĂ©sentants du personnel.Â
Un raisonnement logiquement censurĂ© par la Cour de cassation.Â
Il reste dorĂ©navant Ă dĂ©terminer si la tardivetĂ© de cette consultation rendait effectivement le licenciement irrĂ©gulier. Or sur ce sujet, une rĂ©ponse positive semble s’imposer dans la mesure oĂą l’avis du comitĂ© avait Ă©tĂ© recueilli le jour mĂŞme de la notification du licenciement.Â
Vous avez des interrogations relatives Ă l’inaptitude et Ă ses consĂ©quences sur la relation de travail ? Nous vous conseillons notre documentation « SantĂ© sĂ©curitĂ© au travail ACTIV » dans laquelle vous pourrez notamment retrouver la procĂ©dure interactive « GĂ©rer une procĂ©dure d’inaptitude ».Â
Cour de cassation, chambre sociale, 5 mars 2025, n° 23-13.802 (l'employeur doit consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement même s’il ne peut pas proposer un poste compatible avec les exigences géographiques du salarié)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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