Licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé : les motifs contrôlés par l'administration s'imposent au juge judiciaire

Publié le 18/02/2025 à 15:23
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Temps de lecture : 4 min

Lorsque le salarié protégé a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le conseil de prud’hommes ne peut plus prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail. Le juge ne peut pas non plus sanctionner les éventuels manquements de l'employeur invoqués par le salarié lorsque ces derniers ont été pris en considération dans le cadre de l’autorisation administrative de licencier.

Licenciement et résiliation judiciaire : articulation de deux modes de rupture distincts

La résiliation judiciaire permet à un salarié de saisir le conseil de prud’hommes afin de solliciter la rupture de son contrat de travail en raison de manquements suffisamment graves de son employeur :

  • si le juge fait droit Ă  sa demande, alors le contrat de travail sera rompu et produira les effets d’un licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse ou d’un licenciement nul ;
  • Ă  dĂ©faut, le contrat continuera de se poursuivre. 

Notez le

Les juges apprécient les manquements imputés à l’employeur au jour du jugement. 

Lorsqu'après avoir introduit une demande de résiliation judiciaire, le salarié est finalement licencié avant que le conseil de prud'hommes n'ait statué sur sa demande, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était fondée. 

Cette solution ne s’applique toutefois pas aux salariés protégés.

En effet, lorsqu’un salarié bénéficie d’un statut protecteur, du fait notamment de son mandat de représentant du personnel ou syndical, le licenciement est conditionné à une autorisation préalable de l’Inspection du travail.

Le juge prud'homal ne peut alors plus se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat. 

La jurisprudence estime que si le juge judiciaire se prononce sur le bien-fondé de la demande de résiliation judiciaire, alors qu’un licenciement autorisé par l’administration est intervenu entre-temps, alors le juge viole le principe de séparation des pouvoirs.

Rappel

En vertu du principe de la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire, certains litiges du travail échappent à la compétence du juge prud’homal.

La Cour de cassation vient encore de réaffirmer ce principe, dans un arrêt rendu le 5 février 2025, à propos d’un salarié protégé qui, après avoir sollicité une résiliation judiciaire, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Son licenciement ayant été autorisé par le ministre du Travail.

En revanche, le juge judiciaire reste, en principe, compétent pour apprécier les demandes de dommages-intérêts au titre du licenciement.

Qu’en est-il alors lorsque les manquements allégués par le salarié protégé devant le juge judiciaire, à l’appui de ses demandes indemnitaires, ont déjà été contrôlés par l’administration dans le cadre de la procédure d’autorisation de licencier ?

Licenciement pour inaptitude du salarié protégé : le pouvoir du juge judiciaire est limité

Le licenciement d’un salarié protégé pour inaptitude implique, au préalable, le respect de deux obligations :

  • l’obligation de reclassement, sauf si l’employeur en est expressĂ©ment dispensé ;
  • l’obligation de recueillir une autorisation administrative de licenciement. 

Dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement est motivée par son inaptitude, alors l’Inspection du travail doit vérifier la réalité et l’étendue de celle-ci, puis confirmer si l’inaptitude justifie le licenciement.

L’autorisation de licencier ne fait pas obstacle à ce que le salarié protégé saisisse le conseil de prud’hommes pour faire valoir des droits résultant de la faute de l’employeur, à l’origine, selon lui, de la cause du licenciement. Il en est ainsi lorsque le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail à la suite d’un processus de harcèlement moral.

Bon Ă  savoir

L’Inspection du travail saisi d'une demande d'autorisation de licencier pour inaptitude d'un salarié protégé n’a pas à apprécier les causes de l'inaptitude, cette compétence relevant du médecin du travail. L’administration est en revanche compétente pour apprécier l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat représentatif exercé par le salarié.

En l’espèce, le salarié demandait au juge judiciaire de dire le licenciement nul pour harcèlement moral et discrimination en raison de son mandat électif et pour violation du statut protecteur.

La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel qui a estimé le juge judiciaire incompétent en vertu du principe de séparation des pouvoirs. Elle retient que les manquements allégués au soutien des demandes indemnitaires (à savoir le comportement harcelant d’un supérieur hiérarchique et une rétrogradation discriminatoire), étaient les mêmes que ceux présentés devant l’administration. 

La décision du ministre du Travail autorisant le licenciement ayant déjà décidé que les faits allégués par le salarié n'étaient pas constitués et ayant expressément exclu tout lien entre le licenciement et le mandat représentatif, la Cour de cassation estime que le juge judiciaire n’est pas compétent pour statuer sur des demandes fondées sur les mêmes prétendus faits, qui ont été contrôlés par l’autorité administrative.

Pour en savoir plus sur les conséquences attachées à l’inaptitude d’un salarié, nous vous conseillons notre documentation « Santé sécurité au travail ACTIV ».


Cour de cassation, chambre sociale, 22 janvier 2025, n° 23-13.226 (les motifs par lesquels le ministre du Travail exclut tout lien avec le mandat pour autoriser le licenciement d'un salarié protégé sont le soutien nécessaire de sa décision et s'imposent, en vertu de la séparation des pouvoirs, au juge judiciaire)

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Tiphaine Mollier

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot

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