Inaptitude et dispense de reclassement : le médecin du travail peut désormais l’acter en employant une formule équivalente aux mentions prévues par le Code du travail

Publié le 13/02/2025 à 16:30·Modifié le 18/02/2025 à 14:32
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Temps de lecture : 4 min

Le médecin du travail peut dispenser l’employeur de son obligation de reclassement en indiquant, dans l’avis d’inaptitude, que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Mais à en croire une nouvelle décision de la Cour de cassation, cette exonération est également valable lorsque le médecin du travail emploie une formule jugée équivalente.

Inaptitude et dispense de reclassement : deux mentions mobilisables en principe

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur est, par principe, tenu de rechercher et, le cas échéant, de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités

Pour autant, cette obligation de reclassement peut être levée lorsque l’avis d’inaptitude mentionne expressément : 

  • que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement prĂ©judiciable Ă  sa santé » ;
  • ou bien que « l'Ă©tat de santĂ© du salariĂ© fait obstacle Ă  tout reclassement dans un emploi ».

Bon Ă  savoir

Lorsque que l’inaptitude du salarié résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le Code du travail remplace l’occurrence « dans un emploi » par « dans l’emploi ». Or comme nous le verrons plus loin, une confusion entre ces formulations n’a, en réalité, aucune incidence sur la validité de l’avis émis.

Pour matérialiser cette dispense, il suffira au médecin du travail de cocher, dans le formulaire de l’avis d’inaptitude, l’une de ces deux mentions. 

Mais en pratique, il n’est pas inhabituel que ce formalisme ne soit pas entièrement respecté (ex : utilisation d’une autre formule, case dédiée à la dispense de reclassement cochée et accompagnée de précisions sur le périmètre de cette dispense, etc.). 

Ce qui, en définitive, conduit assez régulièrement les juges à s’exprimer sur le sujet. Et pour cause, de la validité de la dispense accordée découlera la régularité du licenciement prononcé.

Rappel

L’employeur dispensé de son obligation de reclassement est en droit de procéder au licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. A l’inverse, tout licenciement prononcé en méconnaissance de l’obligation de reclassement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse (ex : absence de proposition de poste, non consultation du CSE, etc.).

Inaptitude et dispense de reclassement : le médecin du travail n’est pas tenu reprendre les mentions prévues par le Code du travail à l’identique

Jusqu’à présent, la Cour de cassation appréciait plutôt strictement les libellés employés dans les avis d’inaptitude. A titre d’illustration, elle a notamment considéré que l’employeur n’était pas exonéré de son obligation de reclassement lorsque l’avis indiquait que :

  • l’état de santĂ© du salariĂ© faisait obstacle sur le site Ă  tout reclassement dans un emploi ;
  • l'Ă©tat de santĂ© de la salariĂ©e faisait obstacle Ă  tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise.

En juin 2024, la Haute juridiction avait, en revanche, fait preuve d’un certain pragmatisme en considérant que l’employeur était bel et bien dispensé de son obligation de reclassement alors même que l’avis d’inaptitude, destiné à un salarié victime d’une maladie non professionnelle, indiquait que son état de santé faisait obstacle à « tout reclassement dans l'emploi » au lieu de la formule « dans un emploi ». 

Pas de quoi, cependant, laisser présager un infléchissement de sa position. 

Mais avec cette nouvelle décision rendue le 12 février 2025, la donne semble avoir changé. 

Appelée à se prononcer sur un avis d’inaptitude spécifiant que l’état de santé du salarié « ne permet[ait] pas de faire des propositions de reclassement au sein de l'entreprise filiale et holding compris et le rend[ait] inapte à tout poste », la Cour de cassation a retenu que cette formule :

  • quoique diffĂ©rente des mentions prĂ©vues par le Code du travail, Ă©tait toutefois équivalente à celles-ci ;
  • et que, de ce fait, elle dispensait effectivement l’employeur de son obligation de reclassement.  

Le salarié qui aspirait à ce que son licenciement soit requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, n’a donc pas obtenu gain de cause.

A n’en pas douter, les prochaines décisions de la Cour de cassation sur ce sujet seront scrutées de très près. Reste, dorénavant, à découvrir ce que la notion de « formule équivalente » recouvre plus concrètement encore. En cas de doute sur le contenu d'un avis d'inaptitude, nous vous conseillons vivement de vous tourner vers votre service de prévention et de santé au travail pour obtenir des précisions. 

Si vous avez des interrogations s’agissant de la déclaration d’inaptitude et de l’obligation de reclassement, nous vous suggérons notre documentation « Santé et sécurité au travail ACTIV ».

Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2025, n° 23-22.612 (la cour d'appel a exactement déduit que l'employeur était dispensé de rechercher un reclassement, la formule utilisée par le médecin du travail étant équivalente à la mention de l'article L. 1226-2-1 du Code du travail)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2
Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot

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