L'incitation à la grève : de nature à justifier le licenciement d’un salarié ?

Publié le 08/06/2023 à 10:30, modifié le 14/06/2023 à 15:11 dans Congé, absence et maladie.

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Sauf à constituer une faute lourde, un salarié ne peut être licencié sur la base d'un fait survenu durant l'exercice de son droit de grève. Dès lors, comment l’employeur doit-il considérer l’action d’un salarié ayant incité ses collègues à rejoindre le mouvement social ? La solution, déjà posée par la Cour de cassation, vient d’être rappelée par cette dernière.

La protection du salarié gréviste contre le licenciement : rappels

Le droit de grève est un droit fondamental protégé de multiples sources.

A cet égard, il vous est strictement défendu de procéder au licenciement d’un salarié ayant régulièrement exercé son droit de grève. En méconnaissant cette interdiction, vous vous exposez à une sanction systématique, celle de la nullité.

Ainsi, la nullité sera retenue pour tout licenciement prononcé en raison :

  • de la participation du salariĂ© Ă  un mouvement de grève ;

  • d’un fait commis par ce dernier au cours ou Ă  l’occasion de l’exercice de son droit de grève.

Seulement, la protection du salarié gréviste n’est pas absolue. Encore faut-il que ce dernier exerce normalement son droit, c’est-à-dire qu’il ne commette pas d’abus. En effet, si le salarié se rend coupable d’une faute lourde, et lourde seulement, son licenciement pourra être envisagé.

Notez le

La faute lourde est définie comme une faute dont la particulière gravité révèle une intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise et rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il en va notamment ainsi lorsque celui-ci :

  • se rend coupable d’actes de violence ou de sĂ©questration ;

  • dĂ©grade des biens de l’entreprise ;

  • entrave la libertĂ© du travail des salariĂ©s non-grĂ©vistes.

Dès lors, est-ce que le fait pour un salarié d’inciter ses collègues à faire grève peut être assimilé à une faute lourde de nature à justifier son licenciement ?

Cette question fait l’objet d’une réponse jurisprudentielle limpide. La Cour de cassation, y étant régulièrement confrontée, ne manque aucune occasion de la rappeler.

L'incitation à la grève : motif illicite de licenciement

Dans cette affaire, un salarié se retrouve, après le mouvement de grève auquel il aurait participé, mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave.

L’employeur lui reproche alors son attitude au cours de l’évènement. En effet, celui-ci aurait opportunément profité de l’occasion pour régler un conflit personnel avec sa direction. Il aurait, en outre, incité ses collègues à rejoindre le mouvement afin de justifier son action.

Le salarié sollicite la nullité de son licenciement. Et pour cause, d’après ce dernier, en lui opposant son attitude incitative, l’employeur a fondé sa décision sur un fait survenu à l’occasion de l’exercice régulier de son droit de grève.

Sa demande est cependant rejetée par les juges d’appels, ces derniers considérant le licenciement comme justifié.

Pour autant, cette analyse n’est pas suivie par la Cour de cassation.

Conformément à sa jurisprudence, la Haute juridiction rappelle que le fait d’inciter ses collègues à faire grève se rattache à l’exercice régulier du droit de grève. Dès lors, cela ne peut justifier, même en partie, le licenciement d’un salarié.

Constatant que la lettre de licenciement établissait un tel reproche, la nullité devait être prononcée. L’affaire devra donc être rejugée.

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Cour de cassation, chambre sociale, 1er juin 2023, n° 22-13.304 (en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir incité ses collègues à faire grève, ce dont il résultait que le licenciement avait pour partie été prononcé à l'occasion de l'exercice du droit de grève, la cour d'appel a violé le texte susvisé)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot