Le recours contre un avis d'inaptitude ne prive pas l'employeur de la possibilité de rompre le contrat de travail
L'avis d'inaptitude Ă©mis par le mĂ©decin du travail peut ĂŞtre contestĂ© dans les 15 jours suivant sa notification. En cas de saisine du juge prud'homal, l'employeur reste malgrĂ© tout en droit de rompre le contrat de travail du salariĂ©. C'est toutefois Ă ses risques et pĂ©rils : la substitution de l'avis initial par un avis d'aptitude est parfois vite arrivĂ©e.Â
Recours contre un avis d’inaptitude : les conclusions médicales peuvent diverger
Le mĂ©decin du travail qui constate l’inaptitude d’un salariĂ© doit formaliser ses conclusions au sein d’un avis qu’il remettra, ensuite, Ă l’employeur et au salariĂ©.Â
Cet avis doit mentionner que les parties disposeront, à compter de sa notification, d’un délai de 15 jours pour former un éventuel recours devant le conseil de prud’hommes.
Si la juridiction prud’homale est saisie, elle statuera selon une procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e. Sa dĂ©cision se substituera alors Ă l’avis initial.Â
Afin d’être éclairés sur tout ou partie des éléments ayant justifié l’émission de l’avis d’inaptitude, les juges pourront confier une mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent.
Aussi, il n’est pas rare que les conclusions rendues par ce dernier divergent de celles formulĂ©es par le mĂ©decin du travail et, qu’à ce titre, un avis d’aptitude se substitue Ă l’avis d’inaptitude originel.Â
A l’évidence, les consĂ©quences dĂ©coulant d’un tel revirement peuvent susciter des interrogations, particulièrement lorsque le contrat de travail du salariĂ© a d’ores et dĂ©jĂ Ă©tĂ© rompu au jour du prononcĂ© du jugement.Â
Recours contre un avis d’inaptitude : la rupture du contrat de travail peut intervenir avant la décision du juge
Dans un arrêt rendu le 19 mars 2025, la Cour de cassation a été amenée à rappeler sa position concernant :
- d’une part, l’attitude que pouvait adopter l’employeur confrontĂ© Ă la contestation d’un avis d’inaptitude par un salarié ;Â
- d'autre part, l’incidence d’une annulation a posteriori de l’avis d’inaptitude à l’égard d’un salarié licencié.
Dans cette affaire, se trouvait au centre des débats un avis d’inaptitude dispensant expressément l’employeur d’une obligation de reclassement.
LicenciĂ© dans les semaines suivant l’introduction de son recours, le salariĂ© avait finalement obtenu auprès des juges du fond : Â
- le remplacement de son avis médical initial par un avis d’aptitude ;
- un droit Ă ĂŞtre rĂ©intĂ©grĂ© dans l’entreprise.Â
Notez le
Pour fonder sa décision, le conseil de prud’hommes s’était appuyé sur les conclusions émises par le médecin inspecteur du travail, lesquelles indiquaient que le salarié était « apte à un poste administratif ou technique comportant une faible autonomie, avec un traitement séquentiel des opérations et des tâches d'une complexité modérée, avec un soutien constant ».
L’employeur contestant la solution adoptĂ©e par les juges du fond, il revenait Ă la Cour de cassation de rĂ©soudre deux interrogations :Â
- le recours formé par le salarié contre l’avis d’inaptitude privait-il l’employeur de la possibilité de procéder à la rupture de son contrat de travail ?
- si non, quels sont les droits du salariĂ© si, Ă l’issue de la procĂ©dure judiciaire, un avis d’aptitude succède Ă un avis d’inaptitude ?Â
A la première question, la Cour de cassation rĂ©pond que la rupture du contrat de travail n’était pas subordonnĂ©e Ă la dĂ©cision prĂ©alable du conseil de prud'hommes sur le recours formĂ© par le salariĂ©.Â
Dès lors que l’inaptitude est valablement constatĂ©e, l’employeur a toute libertĂ© de manĹ“uvre. Ce qui, fondamentalement, soulève un risque certain si l’avis d’inaptitude est contredit postĂ©rieurement. Â
Mais justement, qu’en est-il dans ce cas de figure ?Â
La solution dĂ©pendra, en rĂ©alitĂ©, des arguments prĂ©sentĂ©s et de la position adoptĂ©e par le salariĂ©.Â
Dans la prĂ©sente affaire, nous l’avons vu, les juges du fond avaient ordonnĂ© la rĂ©intĂ©gration du salariĂ© dans l’entreprise. Une dĂ©cision qui fait sens dans la mesure oĂą le salariĂ©, victime d’une discrimination en raison de son handicap, avait sollicitĂ© et obtenu la nullitĂ© de son licenciement.Â
En dehors de cette hypothèse de la nullité, la Cour de cassation estime que la substitution de l'avis d'inaptitude par un avis d’aptitude prive le licenciement notifié de cause réelle et sérieuse. De fait, le salarié se retrouve en droit :
- de solliciter sa réintégration dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ;
- d’obtenir, s’il ne souhaite pas ĂŞtre rĂ©intĂ©grĂ©, si sa rĂ©intĂ©gration n’est pas proposĂ©e par le juge ou que celle-ci est refusĂ©e par l’employeur, le versement d’une indemnitĂ© calculĂ©e conformĂ©ment au barème Macron.Â
Retrouvez plus d’informations sur le licenciement pour inaptitude et impossibilitĂ© de reclassement dans notre documentation « SantĂ© sĂ©curitĂ© au travail ACTIV ».Â
Cour de cassation, chambre sociale, 19 mars 2025, n° 23-19.813 (la rupture du contrat de travail en raison de l'inaptitude du salarié régulièrement constatée par le médecin du travail n'est pas subordonnée à la décision préalable du conseil de prud'hommes sur le recours formé contre l'avis de ce médecin)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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