Le recours contre un avis d'inaptitude ne prive pas l'employeur de la possibilité de rompre le contrat de travail

Publié le 24/03/2025 à 15:00
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Temps de lecture : 4 min

L'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail peut être contesté dans les 15 jours suivant sa notification. En cas de saisine du juge prud'homal, l'employeur reste malgré tout en droit de rompre le contrat de travail du salarié. C'est toutefois à ses risques et périls : la substitution de l'avis initial par un avis d'aptitude est parfois vite arrivée. 

Recours contre un avis d’inaptitude : les conclusions médicales peuvent diverger

Le médecin du travail qui constate l’inaptitude d’un salarié doit formaliser ses conclusions au sein d’un avis qu’il remettra, ensuite, à l’employeur et au salarié. 

Cet avis doit mentionner que les parties disposeront, à compter de sa notification, d’un délai de 15 jours pour former un éventuel recours devant le conseil de prud’hommes.

Si la juridiction prud’homale est saisie, elle statuera selon une procédure accélérée. Sa décision se substituera alors à l’avis initial. 

Afin d’être éclairés sur tout ou partie des éléments ayant justifié l’émission de l’avis d’inaptitude, les juges pourront confier une mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent.

Aussi, il n’est pas rare que les conclusions rendues par ce dernier divergent de celles formulées par le médecin du travail et, qu’à ce titre, un avis d’aptitude se substitue à l’avis d’inaptitude originel. 

A l’évidence, les conséquences découlant d’un tel revirement peuvent susciter des interrogations, particulièrement lorsque le contrat de travail du salarié a d’ores et déjà été rompu au jour du prononcé du jugement. 

Recours contre un avis d’inaptitude : la rupture du contrat de travail peut intervenir avant la décision du juge

Dans un arrêt rendu le 19 mars 2025, la Cour de cassation a été amenée à rappeler sa position concernant :

  • d’une part, l’attitude que pouvait adopter l’employeur confrontĂ© Ă  la contestation d’un avis d’inaptitude par un salarié ; 
  • d'autre part, l’incidence d’une annulation a posteriori de l’avis d’inaptitude Ă  l’égard d’un salariĂ© licenciĂ©.

Dans cette affaire, se trouvait au centre des débats un avis d’inaptitude dispensant expressément l’employeur d’une obligation de reclassement.

Licencié dans les semaines suivant l’introduction de son recours, le salarié avait finalement obtenu auprès des juges du fond :  

  • le remplacement de son avis mĂ©dical initial par un avis d’aptitude ;
  • un droit Ă  ĂŞtre rĂ©intĂ©grĂ© dans l’entreprise. 

Notez le

Pour fonder sa décision, le conseil de prud’hommes s’était appuyé sur les conclusions émises par le médecin inspecteur du travail, lesquelles indiquaient que le salarié était « apte à un poste administratif ou technique comportant une faible autonomie, avec un traitement séquentiel des opérations et des tâches d'une complexité modérée, avec un soutien constant ».

L’employeur contestant la solution adoptée par les juges du fond, il revenait à la Cour de cassation de résoudre deux interrogations : 

  • le recours formĂ© par le salariĂ© contre l’avis d’inaptitude privait-il l’employeur de la possibilitĂ© de procĂ©der Ă  la rupture de son contrat de travail ?
  • si non, quels sont les droits du salariĂ© si, Ă  l’issue de la procĂ©dure judiciaire, un avis d’aptitude succède Ă  un avis d’inaptitude ? 

A la première question, la Cour de cassation répond que la rupture du contrat de travail n’était pas subordonnée à la décision préalable du conseil de prud'hommes sur le recours formé par le salarié. 

Dès lors que l’inaptitude est valablement constatée, l’employeur a toute liberté de manœuvre. Ce qui, fondamentalement, soulève un risque certain si l’avis d’inaptitude est contredit postérieurement.  

Mais justement, qu’en est-il dans ce cas de figure ? 

La solution dépendra, en réalité, des arguments présentés et de la position adoptée par le salarié. 

Dans la présente affaire, nous l’avons vu, les juges du fond avaient ordonné la réintégration du salarié dans l’entreprise. Une décision qui fait sens dans la mesure où le salarié, victime d’une discrimination en raison de son handicap, avait sollicité et obtenu la nullité de son licenciement. 

En dehors de cette hypothèse de la nullité, la Cour de cassation estime que la substitution de l'avis d'inaptitude par un avis d’aptitude prive le licenciement notifié de cause réelle et sérieuse. De fait, le salarié se retrouve en droit :

  • de solliciter sa rĂ©intĂ©gration dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ;
  • d’obtenir, s’il ne souhaite pas ĂŞtre rĂ©intĂ©grĂ©, si sa rĂ©intĂ©gration n’est pas proposĂ©e par le juge ou que celle-ci est refusĂ©e par l’employeur, le versement d’une indemnitĂ© calculĂ©e conformĂ©ment au barème Macron. 

Retrouvez plus d’informations sur le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans notre documentation « Santé sécurité au travail ACTIV ». 

Cour de cassation, chambre sociale, 19 mars 2025, n° 23-19.813 (la rupture du contrat de travail en raison de l'inaptitude du salarié régulièrement constatée par le médecin du travail n'est pas subordonnée à la décision préalable du conseil de prud'hommes sur le recours formé contre l'avis de ce médecin)

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Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot

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