Harcèlement moral et obligation de prévention des risques professionnels : bien faire la distinction !
Temps de lecture : 3 min
Même si un salarié n’est pas reconnu victime de harcèlement moral suite à des faits qu’il dénonce, il peut bénéficier d’une indemnisation au titre d’un manquement à l’obligation de sécurité.
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L’obligation de sécurité et le harcèlement moral : quelques rappels sur les textes applicables
L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cela passe notamment par des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés (Code du travail, art. L.4121-1)
Tout manquement à cette obligation peut engager la responsabilité de l’employeur et ouvrir droit à des dommages et intérêts.
Dans le cadre de cette obligation de sécurité, il faut prévenir tous les risques professionnels y compris les risques psychosociaux dont le harcèlement moral.
Mais sur le sujet du harcèlement moral, il existe aussi des obligations spécifiques. Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (C. trav., art. L. 1152-1).
L’employeur doit également prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-4).
L’interdiction du harcèlement moral et sa prévention figurent donc dans des textes séparés de l’obligation de sécurité.
Les juges en déduisent qu’il faut les distinguer et que l’on ne peut donc pas se fonder uniquement sur l’absence de harcèlement pour analyser le respect de l’obligation de sécurité comme le rappelle une affaire récente.
L’absence de harcèlement ne permet pas d’écarter un manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels
En l’espèce, il s’agissait d’une salariée qui avait dénoncé par courrier les pressions exercées par son supérieur hiérarchique et la dégradation de ses conditions de travail.
Après la rupture de son contrat, elle avait demandé des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son l'obligation de sécurité. Mais la cour d’appel avait rejeté sa demande estimant que les éléments fournis par la salariée ne sont pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement, faute d’agissements répétés lui portant atteinte.
A tort ! Les juges du fond ont oublié de regarder s’il n’y avait pas manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels. Il fallait regarder, comme la salariée le demandait, si l'employeur avait mis en place des actions de prévention et pris des mesures à la suite de l’alerte de la salariée.
La Cour de cassation rappelle ainsi que l’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral.
Cela rejoint une précédente affaire dans laquelle la Cour de cassation avait jugé qu’en cas d’alerte sur une situation supposée de harcèlement moral, l’employeur doit diligenter une enquête pour ne pas manquer à son obligation de sécurité (voir notre article « L’obligation de sécurité demeure applicable en l’absence de harcèlement moral »).
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Cour de cassation, chambre sociale, 17 janvier 2024, n° 22-19.724 (l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des textes susvisés, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du Code du travail et ne se confond pas avec elle)
Juriste en droit social
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