Agissements d'un salarié dans un état psychique altéré : l'employeur doit réagir sans emprunter la voie disciplinaire
Le licenciement pour motif disciplinaire doit, pour être justifié, reposer sur des faits imputables au salarié. L'application de cet énoncé, aisée en apparence, est toutefois plus complexe lorsque le salarié met en avant que son état psychique était fortement altéré au moment des faits. Une réalité qui, pour autant, ne signifie pas que l'employeur doit laisser perdurer la situation.
Licenciement pour faute grave : les faits doivent être imputables au salarié
L’employeur bénéficie, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, d’une certaine latitude pour déterminer :
- si l’agissement d’un salarié doit être considéré comme fautif ;
- et, le cas Ă©chĂ©ant, la sanction qui mĂ©rite d’être appliquĂ©e.Â
Rappel
Pour valablement sanctionner un salarié, l’employeur se doit de respecter deux types d’exigences. La première tenant à la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire. La seconde se rapportant, quant à elle, à l’obligation de prononcer une sanction autorisée et proportionnée.
Ce faisant, l’employeur peut ĂŞtre amenĂ© Ă considĂ©rer que la faute commise par un salariĂ© est d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise. Ce qui, sur le plan de la sanction disciplinaire Ă adopter, pourra se traduire par le prononcĂ© d’un licenciement pour faute grave.Â
Mais attention, cela suppose toutefois que les faits reprochés au salarié lui soient effectivement imputables. Ce qui n’est pas nécessairement le cas lorsque l’état psychique de ce dernier était altéré au moment de la commission des faits.
Dans une affaire soumise à la Cour de cassation, un employeur avait mis à pied puis licencié, pour faute grave, un salarié coupable d’avoir envoyé une série de messages insultants, menaçants et dégradants à l’une de ses collègues.
S’estimant victime d’une discrimination en raison de son Ă©tat de santĂ©, ce dernier avait sollicitĂ© l’annulation de son licenciement.Â
Le salarié était bel et bien concerné par des troubles psychotiques sévères. Les documents médicaux attestant, en outre, qu’au moment des faits, celui-ci traversait une phase de décompensation psychiatrique et était en rupture de traitement depuis plusieurs mois. A noter, par ailleurs, que le salarié sera hospitalisé, sous contrainte, dans les jours suivants les évènements.
L’altération de l’état psychique et des facultés de discernement du salarié étant caractérisée, la cour d’appel de Toulouse et la Cour de cassation vont estimer :
- que les faits reprochés au salarié ne lui étaient pas imputables ;
- et que le licenciement était donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Agissements d'un salarié dont l'état psychique est altéré : l’employeur doit réagir
Les employeurs confrontĂ©s Ă une rĂ©alitĂ© identique ou similaire ne doivent pas mĂ©sinterprĂ©ter cette dĂ©cision. Celle-ci ne les invite, en rien, Ă faire preuve d’inertie et Ă laisser perdurer la situation.Â
Leur obligation de sĂ©curitĂ© leur commande, au contraire, de rĂ©agir avec cĂ©lĂ©ritĂ©. Dans cette affaire, le moyen de riposte mobilisĂ© par l’employeur n’était tout simplement pas appropriĂ©.Â
Comme le laissaient entendre les juges d’appel, ce dernier aurait pu actionner un autre levier, Ă savoir celui du licenciement pour motif non disciplinaire. Sa mesure aurait pu reposer, en effet, sur :Â
- l’inaptitude et l’impossibilité de reclassement du salarié : au jour de son licenciement, ce dernier était en arrêt maladie et avait formé une demande d’invalidité ;
- voire l’existence d’un trouble caractĂ©risĂ© au bon fonctionnement de l’entreprise : en raison d’éventuelles absences rĂ©pĂ©tĂ©es ou de l’absence prolongĂ©e du salariĂ©.Â
Notez le
En revanche, la mise Ă pied conservatoire dont a fait l’objet salariĂ© Ă©tait tout Ă fait justifiĂ©e. Sa mise en Ĺ“uvre, pour rappel, ne se dĂ©noue pas nĂ©cessairement par le prononcĂ© d’un licenciement, a fortiori pour motif disciplinaire.Â
Pour engager ou améliorer une démarche de prévention des risques psychosociaux en entreprise, nous vous recommandons la documentation « RPS et QVCT : le pas à pas d’une démarche à succès ».
Cour de cassation, chambre sociale, 5 mars 2025, n° 23-50.022 (la cour d’appel, après avoir relevé que le salarié se trouvait dans un état psychique fortement altéré au moment des faits, en a exactement déduit que les faits reprochés ne lui étaient pas imputables et qu'ainsi le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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