Application d'un APC : le salarié ne peut y échapper en se prévalant d'une incompatibilité avec son état de santé
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Le salarié protégé, en s'opposant à l'application d'un accord de performance collective (APC), autorise l'employeur à procéder à son licenciement. En va-t-il de même si son refus est fondé sur l'incompatibilité de son état de santé avec la nouvelle organisation du travail ? Affirmatif. Mais attention, la donne pourrait être différente si son inaptitude venait à être constatée.
Licenciement d'un salarié protégé suite à un APC : l'autorisation de l'Inspection du travail est requise
Institués par les ordonnances Travail, les accords de performance collective (APC) sont susceptibles d’être conclus :
- pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ;
- mais également en vue de préserver ou de développer l'emploi en son sein.
Ces stipulations, Ă mĂŞme d’impacter la rĂ©munĂ©ration, le temps de travail ou encore la mobilitĂ© gĂ©ographique et professionnelle des salariĂ©s, ont vocation Ă Â se substituer Ă toutes les clauses contraires et incompatibles figurant dans leur contrat de travail.Â
Cette substitution, pour ĂŞtre effective, suppose nĂ©anmoins que le salariĂ© ne s’y oppose pas.Â
Or, si ce dernier exprime, par écrit, son refus de voir son contrat de travail modifié, il s’exposera automatiquement à une mesure de licenciement. L’employeur conservant, cependant, toute latitude pour y procéder ou non.
Naturellement, si le salariĂ© est investi de fonctions reprĂ©sentatives, son licenciement ne pourra intervenir que sur autorisation de l’Inspection du travail.Â
Mais qu’en est-il si ce dernier argue que son refus Ă©tait lĂ©gitime car justifiĂ© par l’incompatibilitĂ© de son Ă©tat de santĂ© avec le contenu de l’accord ? Cette circonstance doit-elle conduire l’Inspection du travail Ă refuser de dĂ©livrer une autorisation de licenciement ?Â
Retour sur les rĂ©ponses formulĂ©es par le Conseil d’Etat qui, pour la première fois, a Ă©tĂ© appelĂ© Ă examiner ces questions.Â
Salarié refusant l’application d’un APC : quel poids accorder à l’incompatibilité de son état de santé ?
A travers une dĂ©cision du 4 avril 2025, le Conseil d’Etat est venu indiquer que l’inadĂ©quation entre l’état de santĂ© du salariĂ© et la nouvelle organisation du travail, telle que dĂ©clinĂ©e dans un APC, ne permettait pas :Â
- d’une part, au salariĂ© de lĂ©gitimer son refus de voir son contrat de travail modifié ;Â
- d’autre part, de faire obstacle à la délivrance d’une autorisation administrative de licenciement.
Et pour cause, comme indiquĂ© par le Conseil d’Etat, le fait qu’un salariĂ© accepte de se voir appliquer un APC n’a pas pour effet d’exonĂ©rer l’employeur de son obligation de sĂ©curitĂ©.Â
En cas d’incompatibilité présumée ou identifiée, il reviendra donc à ce dernier, sous peine de commettre un manquement, de prendre toutes les mesures d’adaptation nécessaires, en s’appuyant notamment des avis, indications et autres propositions formulés par le médecin du travail.
Illustration
Il était question, dans la présente affaire, d’un APC imposant à un salarié, qui travaillait alors en horaire de jour en raison de son état de santé, de repasser à un rythme de 2x8, alternativement en équipe du matin ou d’après-midi.
Une limite, prĂ©cisĂ©ment identifiĂ©e dans la suite de la dĂ©cision, doit cependant retenir l’attention des employeurs. Il s’agit, en effet, de l’inaptitude du salariĂ©. Car comme l’a dĂ©jĂ jugĂ© le Conseil d’Etat en 2023, l’Inspection du travail ne peut, lorsque l’inaptitude d’un salariĂ© a Ă©tĂ© reconnue au jour oĂą elle se prononce, autoriser son licenciement pour un motif autre. Le rĂ©gime de l’inaptitude, porteur d’une protection spĂ©cifique pour le salariĂ©, doit primer.Â
Aussi, la demande d’autorisation de licenciement présentée par l’employeur ne pourrait aboutir, puisque fondée sur le refus d’application d’un APC. Et ce, que l’inaptitude soit constatée avant ou après l’émission de ce refus.
Notez le
Les solutions portĂ©es par cette dĂ©cision ont vocation, Ă notre sens, Ă s’appliquer tant Ă l’égard des salariĂ©s protĂ©gĂ©s que des salariĂ©s ordinaires. La position de la Cour de cassation sur ces sujets est grandement attendue. Â
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Conseil d'Etat, 4e-1re chambres réunies, 4 avril 2025, n° 471490 (la circonstance alléguée par le salarié, relativement à son état de santé, ne fait pas obstacle à ce qu'il accepte la modification de son contrat de travail, dès lors qu'une telle acceptation ne délivre pas son employeur de l'obligation d'assurer sa sécurité et de protéger sa santé, le cas échéant en prenant en considération les avis ou propositions du médecin du travail)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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