Application d'un APC : le salarié ne peut y échapper en se prévalant d'une incompatibilité avec son état de santé

Publié le 17/04/2025 à 16:00·Modifié le 24/04/2025 à 09:49
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Temps de lecture : 4 min

Le salarié protégé, en s'opposant à l'application d'un accord de performance collective (APC), autorise l'employeur à procéder à son licenciement. En va-t-il de même si son refus est fondé sur l'incompatibilité de son état de santé avec la nouvelle organisation du travail ? Affirmatif. Mais attention, la donne pourrait être différente si son inaptitude venait à être constatée.

Licenciement d'un salarié protégé suite à un APC : l'autorisation de l'Inspection du travail est requise

Institués par les ordonnances Travail, les accords de performance collective (APC) sont susceptibles d’être conclus :

  • pour rĂ©pondre aux nĂ©cessitĂ©s liĂ©es au fonctionnement de l'entreprise ;
  • mais Ă©galement en vue de prĂ©server ou de dĂ©velopper l'emploi en son sein.

Ces stipulations, à même d’impacter la rémunération, le temps de travail ou encore la mobilité géographique et professionnelle des salariés, ont vocation à se substituer à toutes les clauses contraires et incompatibles figurant dans leur contrat de travail. 

Cette substitution, pour être effective, suppose néanmoins que le salarié ne s’y oppose pas. 

Or, si ce dernier exprime, par écrit, son refus de voir son contrat de travail modifié, il s’exposera automatiquement à une mesure de licenciement. L’employeur conservant, cependant, toute latitude pour y procéder ou non.

Naturellement, si le salarié est investi de fonctions représentatives, son licenciement ne pourra intervenir que sur autorisation de l’Inspection du travail. 

Mais qu’en est-il si ce dernier argue que son refus était légitime car justifié par l’incompatibilité de son état de santé avec le contenu de l’accord ? Cette circonstance doit-elle conduire l’Inspection du travail à refuser de délivrer une autorisation de licenciement ? 

Retour sur les réponses formulées par le Conseil d’Etat qui, pour la première fois, a été appelé à examiner ces questions. 

Salarié refusant l’application d’un APC : quel poids accorder à l’incompatibilité de son état de santé ?

A travers une décision du 4 avril 2025, le Conseil d’Etat est venu indiquer que l’inadéquation entre l’état de santé du salarié et la nouvelle organisation du travail, telle que déclinée dans un APC, ne permettait pas : 

  • d’une part, au salariĂ© de lĂ©gitimer son refus de voir son contrat de travail modifié ; 
  • d’autre part, de faire obstacle Ă  la dĂ©livrance d’une autorisation administrative de licenciement.

Et pour cause, comme indiqué par le Conseil d’Etat, le fait qu’un salarié accepte de se voir appliquer un APC n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de son obligation de sécurité. 

En cas d’incompatibilité présumée ou identifiée, il reviendra donc à ce dernier, sous peine de commettre un manquement, de prendre toutes les mesures d’adaptation nécessaires, en s’appuyant notamment des avis, indications et autres propositions formulés par le médecin du travail.

Illustration

Il était question, dans la présente affaire, d’un APC imposant à un salarié, qui travaillait alors  en horaire de jour en raison de son état de santé, de repasser à un rythme de 2x8, alternativement en équipe du matin ou d’après-midi.

Une limite, précisément identifiée dans la suite de la décision, doit cependant retenir l’attention des employeurs. Il s’agit, en effet, de l’inaptitude du salarié. Car comme l’a déjà jugé le Conseil d’Etat en 2023, l’Inspection du travail ne peut, lorsque l’inaptitude d’un salarié a été reconnue au jour où elle se prononce, autoriser son licenciement pour un motif autre. Le régime de l’inaptitude, porteur d’une protection spécifique pour le salarié, doit primer. 

Aussi, la demande d’autorisation de licenciement présentée par l’employeur ne pourrait aboutir, puisque fondée sur le refus d’application d’un APC. Et ce, que l’inaptitude soit constatée avant ou après l’émission de ce refus.

Notez le

Les solutions portées par cette décision ont vocation, à notre sens, à s’appliquer tant à l’égard des salariés protégés que des salariés ordinaires. La position de la Cour de cassation sur ces sujets est grandement attendue.  

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Conseil d'Etat, 4e-1re chambres réunies, 4 avril 2025, n° 471490 (la circonstance alléguée par le salarié, relativement à son état de santé, ne fait pas obstacle à ce qu'il accepte la modification de son contrat de travail, dès lors qu'une telle acceptation ne délivre pas son employeur de l'obligation d'assurer sa sécurité et de protéger sa santé, le cas échéant en prenant en considération les avis ou propositions du médecin du travail)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2
Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot

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