Etat du dialogue social en France : que retenir du 6e baromètre Syndex-Ifop ?

Publié le 21/03/2024 à 15:22 dans Fonctionnement des RP.

Temps de lecture : 6 min

L’Ifop a dévoilé, fin janvier, les résultats de sa sixième enquête sur l’état du dialogue social en France. Et au-delà de dresser des constats que vous pouvez partager, elle décline, par-dessus tout, des pistes d’amélioration que vous pourriez explorer.

Etat du dialogue social en France 2024 : les panels interrogés

Pour réaliser ce nouveau baromètre, l’Ifop a, comme pour les précédentes éditions, mené son enquête auprès de trois panels : salariés, représentants du personnel (RP), chefs d’entreprises et DRH.

L’opinion de ces derniers a ainsi été recueillie, entre octobre et novembre 2023, par l’intermédiaire :

  • d’un questionnaire auquel ont rĂ©pondu : 1300 salariĂ©s travaillant dans une entreprise de plus de 50 salariĂ©s, 1420 RP et 401 chefs d’entreprises et DRH d’entreprises d’au moins 50 salariĂ©s ;
  • d’un entretien tĂ©lĂ©phonique d’une heure avec 5 reprĂ©sentants du personnel.

Ce faisant, quels enseignements peuvent en être tirés ?

Quel est le climat général ?

S’agissant du climat général, le baromètre partage 4 constats.

Premièrement, les représentants du personnel connaissent un regain de motivation vis-à-vis de leur instance.

Pour preuve, le sentiment de détermination et de motivation est partagé par 67 % et 65 % des répondants. Ces progressions sont les plus fortes observées depuis la mise en place du CSE (+5 points et +9 points par rapport à 2022). De surcroît, on constate que le sentiment de déception connaît une sensible atténuation (-6 points) contrairement à celui d’inquiétude (51 %).

Bon Ă  savoir

Le baromètre évoque, comme piste de justification, un contexte social 2023 particulièrement « stimulant » (mobilisation contre la réforme des retraites, inflation, achèvement du premier cycle des CSE, etc.).

Deuxièmement, la perception, par les représentants du personnel, de l’état d’esprit des directions à l’égard du CSE a très faiblement évolué. Comme chaque année depuis 2020, les élus jugent majoritairement les directions comme « opportunistes » et « tendues ». Fait notable, les directions sont, depuis la crise sanitaire, perçues comme beaucoup plus tendues et moins satisfaites.

Troisièmement, l’expérience engrangée par les représentants du personnel commence à se heurter au renouvellement progressif de l’instance. Et pour cause, 54 % des élus réalisent actuellement leur dernier ou avant-dernier mandat. En matière de formation, l’enquête indique qu’une majorité d’élus a déjà suivi une formation en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (69 %) ainsi que sur les sujets économiques (60 %). Ces chiffres connaissent, cependant, une baisse significative face à l’arrivée d’une nouvelle génération d’élus en manque de formation.

Quatrièmement, les représentants du personnel maintiennent et intensifient leurs critiques s’agissant du fonctionnement de l’instance. Affaiblissement du poids des représentants du personnel face à celui de la direction, ordre du jour trop chargé, manque d'attractivité de la fonction en raison de la fusion des sujets, tels sont les écueils persistants identifiés par les élus.

Les CSE continuent d’améliorer leur image

Sur le plan, plus spécifique, de la connaissance du CSE, le baromètre retient que l’image de l’instance continue de s’améliorer auprès des salariés.

Un constat étayé par l’augmentation de 5 points du nombre de salariés ayant une « très bonne image » ou une « plutôt bonne image » du comité.

Bon Ă  savoir

Le baromètre associe plusieurs facteurs à cette conclusion. Parmi eux, la mobilisation contre la réforme des retraites, l’amélioration de la communication de l’instance ou encore le contexte d’élections professionnelles. L’occasion de rappeler que le taux de participation des salariés se maintient à hauteur de 59 %.

Une perception du dialogue social différente entre les représentants du personnel et les directions

Appelés à évaluer la qualité de leur dialogue social, représentants et directions se divisent et donnent des notes relativement éloignées (5,2 sur 10 contre 7,7 sur 10).

La notation des représentants du personnel se trouve principalement justifiée par des problématiques liées à la transmission et à la qualité des informations, la confiance entre les parties ainsi qu’à l’insuffisante prise en compte de leurs avis et recommandations.

Notez le

Le baromètre souligne, par extension, que l’engagement des élus est freiné par de multiples causes. Trois obstacles préoccupants sont à signaler :

  • l’engagement provoquĂ© par le mandat en termes de temps et d’énergie ;
  • le manque de considĂ©ration de la part de la direction ;
  • le dĂ©faut d’évolution professionnelle en raison de l’engagement.

Quels sont les sujets de préoccupation prioritaires des salariés et des représentants du personnel ?

Le panel de salariés et de représentants du personnel interrogés érige 3 sujets au rang de sujet prioritaire :

  • la santĂ© et les risques psychosociaux (79 %) ;
  • les conditions de travail (72 %) ;
  • le pouvoir d’achat et la rĂ©munĂ©ration (69 %).

Bon Ă  savoir

Beaucoup d’élus et de salariés estiment que leur direction n’a pas suffisamment conscience des problématiques relatives à la pénibilité et à l’usure professionnelle. Pour parer aux problématiques de rémunération, représentants et salariés aspirent à des dispositifs d’augmentation pérennes contrairement aux directions qui préféraient, quant à elles, actionner le volet variable de la rémunération mais aussi l’intéressement et la participation.

A noter, de plus, la faible considération donnée au thème de l’intelligence artificielle, prioritaire pour seulement 10 % des élus et 14 % des salariés.

L’étude dénote également la difficulté, pour la thématique environnementale, à s’implanter dans le dialogue social. Les représentants du personnel demeurent, en effet, trop mal informés et insuffisamment formés en la matière.

Abordant par la suite différents thèmes d’actualités à la volée, le baromètre en profite pour préciser :

  • sur le tĂ©lĂ©travail : que les salariĂ©s sont globalement satisfaits quant Ă  la prise en compte de leur situation mĂŞme si les reprĂ©sentants du personnel continuent d’alerter sur la nĂ©cessitĂ© d’amĂ©liorer la prise en compte des RPS ;
  • sur la semaine de 4 jours : que les salariĂ©s et les Ă©lus adhèrent Ă  une semaine de 4 jours contrairement aux employeurs plutĂ´t enclins Ă  la semaine en 4 jours ;
  • sur la situation des seniors : que les rĂ©elles actions d’amĂ©nagement et de valorisation de l’expĂ©rience sont rares.

Quelles sont les attentes des représentants du personnel ?

Cette dernière édition du baromètre Syndex-Ifop se conclut sur les attentes formulées par les élus pour les 5 années à venir.

Ce faisant, 9 pistes d’évolution sont évoquées :

  • renforcer le poids des avis Ă©mis par le CSE ;
  • renforcer le dialogue social de proximitĂ© ;
  • recentrer le sujet des rĂ©unions du CSE ;
  • renforcer l’accès des Ă©lus aux informations et Ă  l’expertise ;
  • renforcer la formation des Ă©lus ;
  • offrir du temps de dĂ©lĂ©gation et des moyens supplĂ©mentaires ;
  • organiser un agenda social articulant consultations et nĂ©gociations ;
  • renforcer la cogestion ;
  • dĂ©velopper le dialogue social sur la transition climatique.

Pour consulter l’étude dans son ensemble :

Etat du dialogue social en France, Le regard des représentant·es des salarié·es des directions et des salarié·es, 6e baromètre Syndex-Ifop, Janvier 2024

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot