Surveillance des salariés : la CNIL sanctionne lourdement les manquements au RGPD

Publié le 10/02/2025 à 15:32·Modifié le 12/02/2025 à 11:11
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Temps de lecture : 5 min

Attention, la surveillance excessive de vos salariés peut vous coûter cher. Salariés contrôlés au moyen de vidéosurveillance, logiciel paramétré pour comptabiliser les périodes d’inactivité, captures d’écran récurrentes : la CNIL réprimande sévèrement les manquements au RGPD. 

Des salariés sur site filmés et enregistrés en permanence

Le 19 décembre 2024, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a sanctionné une entreprise du secteur immobilier à une amende de 40 000 euros en raison d’une surveillance disproportionnée de ses salariés, constatant plusieurs manquements au RGPD.

Elle a également procédé à la publication de la sanction le 4 février 2025, “au regard de la gravité des manquements et afin d’informer toute personne soumise à de tels dispositifs”.

Retour sur les démarches à éviter.

Si votre pouvoir de direction à l’égard des salariés vous autorise à les contrôler pendant leur temps et sur leur lieu de travail, les dispositifs de contrôle doivent respecter le RGPD (Règlement général sur la protection des données).

Ainsi, vous ne pouvez pas installer des caméras dans les locaux de votre entreprise sans définir un objectif, qui doit être légitime et qui ne peut pas être raisonnablement atteint par un autre moyen. 

Pour ce faire, un système de vidéosurveillance :

  • doit ĂŞtre limitĂ© Ă  un objectif de protection des personnes, des biens et de prĂ©vention ;

  • doit ĂŞtre adĂ©quat, pertinent et limitĂ© Ă  ce qui est nĂ©cessaire au regard des finalitĂ©s poursuivies ;

  • ne doit pas porter une atteinte excessive au respect de la vie privĂ©e des salariĂ©s filmĂ©s.

Vous devez donc veiller au nombre de caméras, à leur orientation, aux heures de fonctionnement, ou encore à la nature des tâches accomplies par les personnes filmées.

 En effet, comme le précise la CNIL, les caméras :

  • ne doivent pas filmer les employĂ©s sur leur poste de travail sauf circonstances particulières (ex : manipulation d’argent mais la camĂ©ra doit davantage filmer la caisse que le caissier, entrepĂ´t stockant des biens de valeurs) ;

  • ne doivent pas filmer les zones de pause, ni les toilettes ;

  • ne doivent pas filmer les locaux des reprĂ©sentants du personnel, ni leur accès lorsqu'il ne mène qu’à ces seuls locaux. 

Ainsi, sauf cas exceptionnels, justifiés notamment au regard de la nature de la tâche, vous ne pouvez pas réaliser un contrôle permanent et systématique de vos salariés.

En l’espèce :

  • les salariĂ©s sur site Ă©taient filmĂ©s dans les locaux en continu (pendant leur temps de travail comme pendant leur temps de pause), avec un captage permanent de l’image et du son ;

  • le dispositif Ă©tait visualisable par les encadrants en temps rĂ©el via une application mobile.

L'argument avancé par l’employeur de la prévention des risques de vols  n’a pas convaincu la CNIL qui a retenu que de tels agissements portaient une atteinte excessive aux droits des salariés et était contraire au principe de minimisation des données.

De surcroît, la CNIL rappelle que :

  • la possibilitĂ© de regarder les images sur tablette ou tĂ©lĂ©phone ne doit pas conduire Ă  surveiller ses employĂ©s ;

  • l’accès Ă  distance doit ĂŞtre sĂ©curisĂ© ;

  • l’enregistrement du son, en plus des images, est rĂ©servĂ© Ă  des situations particulières et ne doit pouvoir ĂŞtre dĂ©clenchĂ© qu’à l’initiative d’un employĂ© en cas d’évĂ©nement le justifiant (en cas d’agression par exemple).

Notez le

Lors de l'installation d’un dispositif de surveillance, les salariés doivent être informés personnellement et le CSE, s’il existe, doit être impérativement informé et consulté. En l’espèce, aucune information écrite n’avait été réalisée, un simple panonceau mentionnant “espace sous vidéosurveillance” ne suffisant pas.

Des salariés en télétravail totalement contrôlés par un logiciel intrusif

Même lorsque vos salariés sont en distanciel, vous conservez votre pouvoir d’encadrer et contrôler l’exécution des tâches que vous leur avez confiées, à la condition, toujours, que ce contrôle soit strictement proportionné à l’objectif poursuivi et qu’il ne porte pas atteinte aux droits et libertés de vos salariés.

En l’espèce, l'activité des salariés en télétravail était surveillée au moyen d’un logiciel dont la finalité était de mesurer leur temps de travail et d’évaluer leur productivité. 

Le logiciel était notamment paramétré : 

  • pour comptabiliser des pĂ©riodes « d’inactivitĂ© », qui, Ă  dĂ©faut  d’être justifiĂ©es par les salariĂ©s ou rattrapĂ©s, pouvaient faire l’objet d’une retenue sur salaire par la sociĂ©tĂ© ;

  • pour effectuer des captures d’écran rĂ©gulières des ordinateurs, en comptabilisant le temps passĂ© sur certains sites web prĂ©alablement paramĂ©trĂ©s comme productifs ou non par la sociĂ©tĂ©.

Notez le

Les périodes pendant lesquelles le salarié n’utilise pas son ordinateur peuvent correspondre à du temps de travail effectif dans le cadre de ses missions (réunions ou appels téléphoniques par exemple). Un tel dispositif ne permet pas un décompte fiable des heures de travail, contrairement à sa finalité annoncée et peut être lourdement sanctionné.

Pour la CNIL, ce logiciel, tel que paramétré, constituait une surveillance particulièrement intrusive, d’autant qu’il pouvait conduire à la captation d’éléments d’ordre privé (courriels personnels, conversations de messageries instantanées ou mots de passe confidentiels par exemple). 

Aucune information écrite des salariés n’avait, ici encore, été réalisée par l’entreprise sur les traitements mis en œuvre par le logiciel de surveillance des postes de travail. L’information orale des salariés prétendue par l’entreprise n'était pas établie et ne remplissait en tout état de cause pas les conditions d’information légales.

Rappelons qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance (Code du travail, art. L1222-4).

Enfin, en permettant un accès partagé à un compte administrateur pour consulter les données issues du logiciel de surveillance, via une application web, la société a violé ses obligations en matière de sécurité des données.

Notez le

Les traitements de données personnelles susceptibles d'engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées doivent faire l’objet d’une analyse d’impact. Or, dans le cas d’espèce ce n’était pas le cas, ce qui a également été soulevé par la CNIL dans sa délibération.

Les traitements de surveillance de l’activité des salariés n’ont pas à faire l’objet d’une formalité préalable auprès de la CNIL, cependant nous ne pouvons que vous rappeler de les inscrire au registre des activités de  traitement.

CNIL, Délibération SAN-2024-021 du 19 décembre 2024

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Tiphaine Mollier

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot

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