Loi vigilance sanitaire : les dispositions conformes à la Constitution ont été publiées

Publié le 15/11/2021 à 12:00, modifié le 19/11/2021 à 12:50 dans Sécurité et santé au travail.

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La loi vigilance sanitaire a été soumise au Conseil constitutionnel. Les dispositions qu’il a jugé conformes à la Constitution viennent d’être publiées. Tel est le cas de la prorogation jusqu’au 31 juillet 2022 des régimes d’état d’urgence sanitaire et de gestion de la sortie de crise sanitaire (qui inclut le recours au pass sanitaire). L’habilitation du Gouvernement à adopter par ordonnance certaines mesures relevant du droit du travail est en revanche écartée.

Vigilance sanitaire : prorogation du régime d’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022

L’article 1er de la loi vigilance sanitaire proroge jusqu'au 31 juillet 2022 le cadre juridique du régime d'état d'urgence sanitaire.

Certains députés considèrent que les mesures qui découlent de ce régime portent atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis (notamment la liberté d'aller et de venir et d'entreprendre).

La prorogation de ce régime rend selon eux ces atteintes disproportionnées au regard des nécessités sanitaires et des élections prévues durant la période de prorogation.

Ils contestaient par ailleurs le processus d’instauration de ce régime, par le biais de l’adoption de lois.

Le Conseil constitutionnel constate que la loi vigilance sanitaire n’instaure ni ne prolonge l’état d’urgence sanitaire. Il reporte simplement le terme des dispositions qui organisent le cadre juridique de l’état sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022, alors qu’elles devaient s’achever le 31 décembre 2021.

Il considère en tout état de cause que la Constitution n’exclut pas la possibilité d’instaurer un régime d’état d’urgence sanitaire par le biais de lois votées par le Parlement. Il doit toutefois concilier l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé avec le respect des droits et libertés de ceux qui résident sur le territoire français.

Il relève à cet égard que l’état d’urgence sanitaire ne peut être déclaré qu'« en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population », et ce, par décret en Conseil des ministres, lequel peut être contesté devant le juge administratif.

Il peut par ailleurs être prorogé uniquement par une loi, prise après avis du Conseil scientifique, qui peut pour sa part être soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.

D’autre part, les mesures susceptibles d’être prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne peuvent l’être qu’aux fins de garantir la santé publique. Elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Le juge est chargé de s'assurer que ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu'elles poursuivent.

Au regard de ces éléments, le Conseil constitutionnel considère que le cadre juridique organisant l’état d’urgence sanitaire peut être maintenu jusqu’au 31 juillet 2022 en conformité avec la Constitution.

Vigilance sanitaire : prorogation du régime de sortie de crise sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022

Le Premier ministre peut réglementer la circulation sur le territoire et l’accès aux lieux et établissements recevant du public. Il peut à cet égard imposer le recours au pass sanitaire.

L’article 2 de la loi vigilance sanitaire proroge jusqu’au 31 juillet 2022 la période durant laquelle le Premier ministre peut agir ainsi.

Certains députés et sénateurs soutiennent à cet égard que le contexte sanitaire ne justifie pas de proroger ce régime pendant 8 mois.

Le Conseil constitutionnel considère toutefois qu’il ne lui appartient pas de remettre en cause l’appréciation du Parlement, fondée sur l’avis du Conseil scientifique du 6 octobre 2021, selon lequel le risque de propagation de l’épidémie à l’échelle nationale persisterait jusqu’au 31 juillet 2022, celle-ci n’apparaissant pas manifestement inadéquate en l'état des connaissances.

Les contestations portaient également sur le fait que le Parlement ne pourrait pas intervenir à nouveau durant les 8 mois de la prorogation de ce régime.

Le Conseil constitutionnel rappelle que le Parlement doit être informé sans délai des mesures prises par le Gouvernement, que deux rapports pouvant faire l’objet de débats devront lui être déposés et que la loi vigilance sanitaire ne prive pas le Parlement de son droit de se réunir, de contrôler l’action du Gouvernement et d’adopter des lois.

Selon les requérants, il y aurait par ailleurs un déséquilibre entre l’objectif de protection de la santé et les droits et libertés susceptibles d'être affectés (notamment la liberté d’aller et venir, d’entreprendre).

Le Conseil constitutionnel a néanmoins constaté que les mesures susceptibles d'être prononcées ne peuvent être prises que dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19.

Ces mesures doivent par ailleurs être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Le juge est chargé de s'assurer que de telles mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu'elles poursuivent.

Certains députés et sénateurs considèrent qu’il résulterait également de cette prorogation une méconnaissance du droit d’expression collective des idées et des opinions, les mesures permises par ce régime pouvant affecter le déroulement des élections qui doivent se tenir d’ici juillet 2022.

Le Conseil constitutionnel indique à cet égard que si ces mesures peuvent intervenir en période électorale, la présentation du pass sanitaire ne peut être exigée pour l'accès aux bureaux de vote ou à des réunions et activités politiques.

Il ajoute qu’elles peuvent faire l'objet d'un référé-liberté de nature à assurer le respect par le pouvoir réglementaire du droit d'expression collective des idées et des opinions.

Il est également invoqué une méconnaissance de la séparation des pouvoirs, argument également rejeté par le Conseil constitutionnel, qui déclare ces dispositions conformes à la Constitution.

Vigilance sanitaire : inconstitutionnalité de l’habilitation du Gouvernement à adopter certaines mesures par ordonnance

L'article 13 de la loi vigilance sanitaire habilite le Gouvernement, jusqu'au 31 juillet 2022, à prendre, par ordonnance, toute mesure relevant du domaine de l’article L. 1226-1-1 du Code du travail, visant à rétablir, à adapter ou à compléter ces dispositions.

Cet article permet lorsque la protection de la santé publique le justifie, en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, d’adapter les conditions de versement de l’indemnité complémentaire par l’employeur en cas d’arrêt maladie.

L’article 14 habilite également le Gouvernement, jusqu'à cette même date, à prendre, par ordonnance des mesures d'adaptation des dispositions relatives à l'activité réduite pour le maintien en emploi (aussi dénommée activité partielle de longue durée [APLD]).

Les sénateurs considèrent que la procédure d'adoption de ces dispositions ne serait pas conforme à l'article 38 de la Constitution. Selon eux, ces mesures, adoptées en première lecture par l'Assemblée nationale, puis supprimées par le Sénat, ne pouvaient être rétablies, en nouvelle lecture, par des amendements parlementaires.

Le Conseil constitutionnel indique qu’aux termes du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution, seul le Gouvernement peut demander au Parlement l'autorisation de prendre de telles ordonnances. Or, les dispositions contestées, supprimées en première lecture, ont été rétablies en nouvelle lecture par voie d'amendements parlementaires. Elles n'ont donc pas été adoptées à la demande du Gouvernement.

Ces dispositions de la loi vigilance sanitaire sont donc inconstitutionnelles et ne seront pas applicables.

Notez-le
La loi vigilance sanitaire a été publiée au Journal officiel du 11 novembre 2021.


Décision n° 2021-828 DC du 9 novembre 2021

Loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, Jo du 11

Amélie Gianino

Juriste en droit social