Inaptitude et dispense de reclassement : vers un assouplissement des mentions imposées par le Code du travail ?
En cas d’inaptitude, la dispense à la recherche d’un reclassement est très encadrée par la loi. En principe, le médecin du travail doit expressément énoncer, dans son avis, les mentions prévues par le Code du travail. La Cour de cassation semble assouplir cette disposition et accepter des mentions équivalentes.
Inaptitude et dispense de reclassement : deux mentions mobilisables en principe
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur est, par principe, tenu de rechercher et, le cas échéant, de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités
Pour autant, cette obligation de reclassement peut ĂŞtre levĂ©e lorsque l’avis d’inaptitude mentionne expressĂ©ment :Â
- que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ;
- ou bien que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Bon Ă savoir
Lorsque que l’inaptitude du salarié résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le Code du travail remplace l’occurrence « dans un emploi » par « dans l’emploi ». Or comme nous le verrons plus loin, une confusion entre ces formulations n’a, en réalité, aucune incidence sur la validité de l’avis émis.
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Inaptitude et dispense de reclassement : deux mentions mobilisables en principe
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur est, par principe, tenu de rechercher et, le cas échéant, de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités
Pour autant, cette obligation de reclassement peut ĂŞtre levĂ©e lorsque l’avis d’inaptitude mentionne expressĂ©ment :Â
- que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ;
- ou bien que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Bon Ă savoir
Lorsque que l’inaptitude du salarié résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le Code du travail remplace l’occurrence « dans un emploi » par « dans l’emploi ». Or comme nous le verrons plus loin, une confusion entre ces formulations n’a, en réalité, aucune incidence sur la validité de l’avis émis.
Pour matĂ©rialiser cette dispense, il suffira au mĂ©decin du travail de cocher, dans le formulaire de l’avis d’inaptitude, l’une de ces deux mentions.Â
Mais en pratique, il n’est pas inhabituel que ce formalisme ne soit pas entièrement respectĂ© (ex : utilisation d’une autre formule, case dĂ©diĂ©e Ă la dispense de reclassement cochĂ©e et accompagnĂ©e de prĂ©cisions sur le pĂ©rimètre de cette dispense, etc.).Â
Ce qui, en définitive, conduit assez régulièrement les juges à s’exprimer sur le sujet. Et pour cause, de la validité de la dispense accordée découlera la régularité du licenciement prononcé.
Rappel
L’employeur dispensé de son obligation de reclassement est en droit de procéder au licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. A l’inverse, tout licenciement prononcé en méconnaissance de l’obligation de reclassement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse (ex : absence de proposition de poste, non consultation du CSE, etc.).
Inaptitude et dispense de reclassement : le médecin du travail peut employer une formule équivalente
Jusqu’à présent, la Cour de cassation appréciait très strictement les libellés employés dans les avis d’inaptitude. A titre d’illustration, elle a notamment considéré que l’employeur n’était pas exonéré de son obligation de reclassement lorsque l’avis indiquait que :
- l’état de santé du salarié faisait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi ;
- l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise.
En juin 2024, la Haute juridiction avait, en revanche, fait preuve d’un certain pragmatisme en considĂ©rant que l’employeur Ă©tait bel et bien dispensĂ© de son obligation de reclassement alors mĂŞme que l’avis d’inaptitude, destinĂ© Ă un salariĂ© victime d’une maladie non professionnelle, indiquait que son Ă©tat de santĂ© faisait obstacle à « tout reclassement dans l'emploi » au lieu de la formule « dans un emploi » .Â
Pas de quoi, cependant, laisser prĂ©sager un inflĂ©chissement de sa position.         Â
Mais avec cette nouvelle dĂ©cision rendue le 12 fĂ©vrier 2025, la donne semble avoir complètement changĂ©.Â
Appelée à se prononcer sur un avis d’inaptitude spécifiant que l’état de santé du salarié « ne permet[ait] pas de faire des propositions de reclassement au sein de l'entreprise filiale et holding compris et le rend[ait] inapte à tout poste », la Cour de cassation a retenu que cette formule :
quoique différente des mentions prévues par le Code du travail, était toutefois équivalente à celles-ci ;
et que, de ce fait, elle dispensait effectivement l’employeur de son obligation de reclassement.Â
Le salarié qui aspirait à ce que son licenciement soit requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, n’a donc pas obtenu gain de cause.
A n’en pas douter, les prochaines décisions de la Cour de cassation sur ce sujet seront scrutées de très près. Reste, dorénavant, à découvrir ce que la notion de « formule équivalente » recouvre plus concrètement encore.
Si vous avez des interrogations s’agissant de la déclaration d’inaptitude et de l’obligation de reclassement, nous vous suggérons notre documentation « Santé et sécurité au travail ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2025, n° 23-22.612 (la cour d'appel a exactement déduit que l'employeur était dispensé de rechercher un reclassement, la formule utilisée par le médecin du travail étant équivalente à la mention de l'article L. 1226-2-1 du Code du travail)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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