Quand la prévention n’empêche pas la reconnaissance d’une maladie professionnelle

Publié le 12/04/2023 à 07:04 dans Maladie professionnelle.

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Un employeur qui respecte les dispositions légales en matière de prévention des risques d’exposition aux vibrations mécaniques expose-t-il tout de même ses salariés à un risque de maladie professionnelle ?

Obligation de prévention

Dans le cadre de son obligation de santé et de sécurité de ses salariés, l’employeur doit mettre en place la prévention des risques professionnels. Pour ce faire, il doit au préalable évaluer l’ensemble des risques au sein de sa société et les consigner dans un document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP). Charge à lui de définir ensuite des actions visant à éviter ces risques.

En matière d’exposition aux vibrations mécaniques, les articles R. 4443-1 et R. 4443-2 du Code du travail imposent des seuils légaux d’exposition journalière (5 m/s2 pour les vibrations transmises aux mains et aux bras ; 1,15 m/s2 pour les vibrations transmises à l'ensemble du corps) ainsi que la mise en place d’actions de prévention en cas de dépassement.

En conséquence, l’employeur qui met tout en œuvre pour respecter ces seuils d’exposition s’assure-t-il de l’absence d’exposition de ses salariés à une maladie professionnelle ?

C’est en tout cas l’argumentation qu’a porté récemment un employeur devant la Cour de cassation.

La prévention n’évite pas le danger

Un grutier s’est vu reconnaitre la qualification de maladie professionnelle au titre du tableau 97 pour une sciatique par hernie discale L5 S1. Or, la condition tenant à l’exposition au risque du tableau 97 des maladies professionnelles, définie comme suit, faisait débat :

« Travaux exposant habituellement aux vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier ».

L’employeur considérait en effet que l’appréciation de cette condition devait être effectuée au regard des seuils d’exposition aux vibrations déterminés par les articles R. 4443-1 et R. 4443-2 du Code du travail.

Suivant l’analyse de la cour d’appel, la Haute Cour a toutefois rappelé, dans sa décision du 16 mars 2023, que le tableau 97 exigeait uniquement une exposition aux vibrations sans aucune notion de seuil, peu important que l’employeur fournisse un rapport d’expertise concluant à des valeurs d’exposition inférieures aux normes de sécurité imposées par le Code du travail.

En conséquence, si un salarié développe tout de même une maladie professionnelle dans ces conditions, doit-on en conclure que les seuils de prévention légaux sont insuffisants ?

En réalité, la question est bien plus complexe. Il convient en effet de rappeler que la prévention ne conduit malheureusement pas à l’éviction de tous les risques dans la mesure où certains d’entre eux ne peuvent être évités. Les actions de prévention visent alors, dans ces situations, à réduire ces risques inévitables.

En conséquence, malgré tous les efforts de prévention, le risque est toujours présent pour le salarié, d’où la possibilité de se voir reconnaître une telle maladie professionnelle.

Notez le

Pour tenir compte de la pénibilité, la reconnaissance de la maladie professionnelle prévue au tableau 97 ouvre la possibilité d’un départ anticipé à la retraite dans le cadre du compte personnel de prévention.

L’exposition personnelle n’empêche pas la reconnaissance d’une maladie professionnelle

Dans notre affaire, l’expertise fournie aux débats mentionnait non seulement une exposition inférieure aux seuils du droit du travail mais également une exposition personnelle bien plus intense. En effet, le rapport démontrait que le salarié était bien plus exposé aux vibrations lors de la conduite de sa voiture personnelle que lors de la conduite de sa grue.

Or, nous dit le juge, l’exposition au risque dans la sphère privée ne remet pas en cause l’exposition dans la sphère professionnelle.

En conclusion, la simple exposition aux vibrations suffit donc à considérer que la condition du tableau 97 des maladies professionnelles est remplie.

Pour plus de détails sur les obligations des entreprises en matière de prévention des risques, les Editions Tissot vous conseillent la documentation « Santé sécurité au travail ACTIV ».


Cour de cassation, 2e chambre civile, 16 mars 2023, n° 21-16.217 (le tableau n° 97 des maladies professionnelles exige uniquement une exposition aux vibrations)

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Aurore Joly-Aulon

Juriste spécialisée en droit de la protection sociale, Aurore a rapidement pris la responsabilité d’un service juridique au sein du Groupe CRIT. En charge des contentieux liés aux accidents du …