Inscription d’une maladie professionnelle au compte spécial : l’exigence d’employeurs distincts en cas d’expositions multiples
Lorsqu’un salarié a été exposé au risque de contracter une maladie professionnelle dans plusieurs entreprises, ladite maladie est imputée sur un compte spécial. Mais qu’en est-il lorsque ces entreprises multiples dépendent d’un seul et même employeur ?
Inscription d’une maladie professionnelle au compte spécial : rappels
Le compte spĂ©cial est un compte sur lequel sont imputĂ©es certaines maladies professionnelles qui remplissent des conditions spĂ©cifiques. Elles sont alors exclues du calcul des taux AT/MP des employeurs concernĂ©s.Â
L’objectif est de ne pas pĂ©naliser l’entreprise actuelle du salariĂ© qui n’est pas Ă l’origine de la maladie dĂ©clarĂ©e.Â
Conseil
L'employeur a dès lors tout intérêt à vérifier ses comptes employeur afin de s'assurer que les maladies professionnelles pouvant bénéficier d'une imputation au compte spécial n’y apparaissent pas.
L’arrêté du 16 octobre 1995 sur la tarification des risques AT/MP précise, dans son article 2, les différentes situations justifiant l’inscription d’un sinistre professionnel au compte spécial. Celle qui nous intéresse ici concerne la succession d’expositions et est définie au point 5 comme suit :
« 5° La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie. »
Ainsi, selon cet article, l’inscription au compte spécial repose sur deux conditions essentielles :
- une exposition du salarié dans plusieurs établissements appartenant à des entreprises distinctes ;
- l’impossibilité d’identifier précisément l’établissement où l’exposition au risque a déclenché la maladie.
Inscription au compte spécial et exposition multiples : l’entreprise exposante doit être un employeur direct de la victime ?
S’appuyant sur cette dĂ©finition, un employeur avait demandĂ© l’imputation d’une maladie au compte spĂ©cial.Â
Il faisait valoir que sa salariée, agent de propreté, avait été exposée au risque de développer une maladie professionnelle liée à sa pathologie dans plusieurs entreprises distinctes, et ce, de manière simultanée. En effet, cette salariée était affectée à trois établissements appartenant à différentes entreprises.
Logiquement, la cour d’appel d’Amiens avait fait droit à cette argumentation. Elle a estimé que l’arrêté exigeait uniquement une exposition dans des établissements d’entreprises différentes, sans imposer que ces entreprises soient également des employeurs distincts.
La cour d’appel a ainsi prĂ©cisĂ© que lorsqu’un salariĂ© intervient dans plusieurs entreprises, il peut ĂŞtre exposĂ© au risque dans plusieurs Ă©tablissements relevant d’entreprises diffĂ©rentes.Â
Dès lors, constatant que la salariée avait bien été exposée successivement dans plusieurs établissements, sans qu’il soit possible de déterminer précisément où la maladie avait été contractée, elle avait ordonné l’imputation des coûts au compte spécial.
Mais la Cour de cassation en a décidé autrement. En modifiant subtilement l’interprétation du texte, elle a introduit une condition absente de la rédaction initiale de l’arrêté :
« Il appartient à l’employeur qui sollicite l’inscription au compte spécial de rapporter la preuve que l’affection déclarée par la victime est imputable aux conditions de travail au sein des établissements des entreprises différentes qui l’ont employée, sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie. »
Selon cette lecture, pour que l’article 2 de l’arrĂŞtĂ© s’applique, les entreprises exposantes ne doivent pas seulement ĂŞtre diffĂ©rentes : elles doivent aussi avoir Ă©tĂ© les employeurs directs du salariĂ©.Â
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Inscription d’une maladie professionnelle au compte spécial : rappels
Le compte spĂ©cial est un compte sur lequel sont imputĂ©es certaines maladies professionnelles qui remplissent des conditions spĂ©cifiques. Elles sont alors exclues du calcul des taux AT/MP des employeurs concernĂ©s.Â
L’objectif est de ne pas pĂ©naliser l’entreprise actuelle du salariĂ© qui n’est pas Ă l’origine de la maladie dĂ©clarĂ©e.Â
Conseil
L'employeur a dès lors tout intérêt à vérifier ses comptes employeur afin de s'assurer que les maladies professionnelles pouvant bénéficier d'une imputation au compte spécial n’y apparaissent pas.
L’arrêté du 16 octobre 1995 sur la tarification des risques AT/MP précise, dans son article 2, les différentes situations justifiant l’inscription d’un sinistre professionnel au compte spécial. Celle qui nous intéresse ici concerne la succession d’expositions et est définie au point 5 comme suit :
« 5° La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie. »
Ainsi, selon cet article, l’inscription au compte spécial repose sur deux conditions essentielles :
- une exposition du salarié dans plusieurs établissements appartenant à des entreprises distinctes ;
- l’impossibilité d’identifier précisément l’établissement où l’exposition au risque a déclenché la maladie.
Inscription au compte spécial et exposition multiples : l’entreprise exposante doit être un employeur direct de la victime ?
S’appuyant sur cette dĂ©finition, un employeur avait demandĂ© l’imputation d’une maladie au compte spĂ©cial.Â
Il faisait valoir que sa salariée, agent de propreté, avait été exposée au risque de développer une maladie professionnelle liée à sa pathologie dans plusieurs entreprises distinctes, et ce, de manière simultanée. En effet, cette salariée était affectée à trois établissements appartenant à différentes entreprises.
Logiquement, la cour d’appel d’Amiens avait fait droit à cette argumentation. Elle a estimé que l’arrêté exigeait uniquement une exposition dans des établissements d’entreprises différentes, sans imposer que ces entreprises soient également des employeurs distincts.
La cour d’appel a ainsi prĂ©cisĂ© que lorsqu’un salariĂ© intervient dans plusieurs entreprises, il peut ĂŞtre exposĂ© au risque dans plusieurs Ă©tablissements relevant d’entreprises diffĂ©rentes.Â
Dès lors, constatant que la salariée avait bien été exposée successivement dans plusieurs établissements, sans qu’il soit possible de déterminer précisément où la maladie avait été contractée, elle avait ordonné l’imputation des coûts au compte spécial.
Mais la Cour de cassation en a décidé autrement. En modifiant subtilement l’interprétation du texte, elle a introduit une condition absente de la rédaction initiale de l’arrêté :
« Il appartient à l’employeur qui sollicite l’inscription au compte spécial de rapporter la preuve que l’affection déclarée par la victime est imputable aux conditions de travail au sein des établissements des entreprises différentes qui l’ont employée, sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie. »
Selon cette lecture, pour que l’article 2 de l’arrĂŞtĂ© s’applique, les entreprises exposantes ne doivent pas seulement ĂŞtre diffĂ©rentes : elles doivent aussi avoir Ă©tĂ© les employeurs directs du salariĂ©.Â
Vers une nécessaire évolution de la jurisprudence ?
L’histoire pourrait s’arrêter là pour les sociétés de nettoyage et les entreprises de travail temporaire plaçant leurs salariés auprès de plusieurs entreprises distinctes.
Cependant, le dĂ©cret du 5 juillet 2024, instaurant un partage Ă©quitable des coĂ»ts des AT/MP entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice, vient bouleverser la donne.Â
Une question cruciale se pose alors : comment la Cour de cassation se positionnera-t-elle face Ă une exposition multiple au sein de diffĂ©rentes entreprises utilisatrices, lorsqu’il est impossible de dĂ©terminer prĂ©cisĂ©ment oĂą la maladie a Ă©tĂ© contractĂ©e ?Â
Attribuer arbitrairement la moitiĂ© du coĂ»t de la maladie Ă une entreprise utilisatrice soulèverait une Ă©vidente injustice, d’autant plus en l’absence de critères clairs. Il est donc souhaitable que la position de la Cour de cassation Ă©volue afin d’assurer une imputation plus juste, notamment en recourant au compte spĂ©cial.Â
Vous avez des questions concernant la tarification des AT/MP ? Les Editions Tissot vous proposent leur documentation « SantĂ© sĂ©curitĂ© au travail ACTIV ».Â
Cour de cassation, 2e civile, 27 mars 2025, n° 24-17.710, n° 24-17.711 et n° 24-17.712 (les conditions de l'inscription au compte spécial ne sont pas réunies dans le cas où la victime a été exposée à un risque dans des entreprises clientes qui n'étaient pas, ni n'avaient été, ses employeurs)
Juriste spécialisée en droit de la protection sociale, Aurore a rapidement pris la responsabilité d’un service juridique au sein du Groupe CRIT. En charge des contentieux liés aux accidents du …
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