Obligation de sécurité du salarié : un management déviant et excessif peut justifier un licenciement pour faute grave
L’obligation de sécurité n’est pas que l’affaire de l’employeur. Les salariés sont eux aussi concernés. Tant et si bien qu’en cas de manquement, ces derniers pourront être sanctionnés. Illustration à travers l’exemple d’un responsable ayant adopté, à l’égard de ses collaboratrices, un mode de management déviant et excessif.
Obligation de sécurité : les salariés sont également concernés
L’obligation de sécurité est une notion juridique qui, lorsqu’elle est évoquée, renvoie très souvent et très naturellement à la personne de l’employeur.
Mais attention, cette attraction spontanĂ©e ne doit pas occulter le fait que les salariĂ©s sont, eux aussi, Ă leur niveau, tenus Ă une telle obligation.Â
Plus concrètement, il incombe à ces derniers de prendre soin de leur santé et de leur sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par leurs actes ou leurs omissions au travail (Code du travail, art. L. 4122-1).
Aussi, en cas de manquement Ă cette obligation, le salariĂ© s’exposera tout logiquement Ă une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Mais encore faut-il, pour cela, caractĂ©riser la rĂ©alitĂ© et la gravitĂ© d’un tel manquement.Â
Notez le
La responsabilité pénale voire civile du salarié peuvent être également mises en cause dans certaines circonstances (ex : mise en danger d’autrui, harcèlement moral, etc.).
Manquement du salarié à son obligation de sécurité : de nature à justifier un licenciement disciplinaire
Pour dĂ©terminer si un salariĂ© a effectivement manquĂ© Ă son obligation de sĂ©curitĂ©, il convient de se rĂ©fĂ©rer :Â
- Ă son niveau de formation ;Â
- Ă ses possibilitĂ©s (ex : qualification, anciennetĂ©, expĂ©rience, etc.) ;Â
- Ă son attitude vis-Ă -vis des instructions fournies par son employeur.
La gravitĂ© du manquement sera apprĂ©ciĂ©e, plus classiquement, au regard de diffĂ©rentes variables comme les circonstances entourant l’évènement, les consĂ©quences de l’agissement du salariĂ©, son anciennetĂ© ou encore ses potentiels prĂ©cĂ©dents disciplinaires.Â
Mise en situation avec une affaire jugée le 26 février 2025 par la Cour de cassation.
En l’espèce, un responsable d’agence, en poste depuis près de 10 ans, avait Ă©tĂ© licenciĂ© pour faute grave.Â
L’employeur ayant estimĂ©, sur la base de multiples tĂ©moignages, que ce cadre avait commis un manquement Ă son obligation de sĂ©curitĂ© en adoptant, Ă l'Ă©gard des collaboratrices placĂ©es sous son autorité :Â
- un comportement lunatique, injustement menaçant, malsain et agressif ;
- un mode de management maladroit et empreint d'attitude colérique.
Bon Ă savoir
L’employeur ne faisait toutefois pas état d’une d’une situation de harcèlement moral.
Les juges d’appel vont toutefois considérer qu’un tel manquement n’était pas caractérisé dans la mesure où l’employeur :
- ne justifiait d’aucun courrier de reproche envers le salarié ;
- ne faisait état d’aucun arrêt de travail des salariées ou d'alerte émanant de la médecine du travail ou de l’Inspection du travail.
Mais pour la Cour de cassation, les motifs retenus par la cour d’appel ne permettaient pas d’écarter l’existence d’un manquement du salarié à son obligation de sécurité.
Au contraire, les Ă©lĂ©ments prĂ©sentĂ©s par l’employeur Ă©taient, justement, de nature Ă caractĂ©riser l’existence d’un tel manquement et Ă justifier l’impossibilitĂ© de poursuivre la relation de travail. L’affaire devra donc ĂŞtre rejugĂ©e.Â
Pour en savoir davantage sur l’obligation de sĂ©curitĂ© de l’employeur et du salariĂ©, les Editions Tissot vous proposent leur documentation « SantĂ© sĂ©curitĂ© au travail ACTIV ».Â
Cour de cassation, chambre sociale, 26 février 2025, n° 22-23.703 (l’adoption, par un manager, d’un comportement lunatique, injustement menaçant, malsain et agressif à l’égard de ses subordonnées est de nature à constituer un manquement à son obligation de sécurité et à rendre impossible la poursuite du contrat de travail)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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