Discrimination liée à la santé : gare au cas du salarié licencié pour faute alors qu’il est malade…

Publié le 30/01/2024 à 16:04 dans Obligations de l’employeur.

Temps de lecture : 3 min

Un licenciement doit être complétement étranger à l’état de santé du salarié sinon il y a discrimination. Or, une affaire récente nous rappelle que ce n’est pas si simple dès lors que le salarié souffre d’une grave maladie qui a pu altérer son comportement…

Etat de santé et discrimination

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de son état de santé (Code du travail, art. L. 1132-1)

Si un licenciement intervient et qu’un lien avec l’état de santé apparait, le licenciement est nul. Dans une telle situation, le salarié peut demander sa réintégration. Il a droit également au paiement d’une somme, en réparation du préjudice subi, égale aux salaires dont il a été privé avant sa réintégration.

Bon Ă  savoir

La maladie ne peut jamais être un motif de licenciement. En revanche, l’absence prolongée ou répétée qui perturbe le fonctionnement de l’entreprise et rend nécessaire le remplacement définitif du salarié peut justifier un licenciement. Une inaptitude avec impossibilité de reclassement aussi.

S’il ne demande pas sa réintégration ou que cette dernière est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (Code du travail, art. L. 1235-3-1).

En cas de litige, c’est d’abord au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Il reviendra ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Illustration avec le cas d’une salariée atteinte d’une tumeur

Dans une affaire récente, une salariée avec presque 15 ans d’ancienneté est licenciée. Alors qu’elle n’avait jamais été sanctionnée durant 11 ans, son comportement lui a valu un avertissement en avril 2014, puis une mise à pied en septembre 2014. En octobre 2014, elle se fait opérer d’une tumeur cérébrale et envoie une lettre d’excuse à son employeur expliquant par son état de santé son comportement ; la tumeur cérébrale dont elle souffrait l'empêchait de voir la réalité de ses faits et gestes. Plusieurs certificats médicaux en ce sens suivront. En avril 2015 elle est licenciée pour faute grave.

Elle demande la nullité de son licenciement s’estimant victime d’une discrimination liée à son état de santé.

Sa demande est rejetée par la cour d’appel qui estime qu’il n’y a pas d'éléments suffisants laissant à penser que les comportements à l'origine des sanctions prononcées aient pu avoir pour origine la pathologie dont souffrait la salariée.

Mais la Cour de cassation rétablit l’ordre des choses. La salariée a bien présenté des éléments laissant supposer une discrimination en raison de son état de santé, l’employeur reconnaissant avoir reçu la lettre de la salariée l’informant de sa pathologie qui pourrait altérer son comportement.

Dès lors c’était à lui de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. L’affaire sera donc rejugée…


Cour de cassation, chambre sociale, 17 janvier 2024, n° 22-13.144 (lorsqu’un salarié présente des éléments laissant supposer une discrimination en raison de son état de santé, il appartient alors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination)

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social