Salarié protégé refusant l’application d’un APC : peut-il se prévaloir d’une incompatibilité avec son état de santé ?

Publié le 25/04/2025 à 08:33
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Temps de lecture : 3 min

L’employeur peut licencier un salarié protégé lorsque celui-ci refuse de se voir appliquer un accord de performance collective (APC). Mais qu’en est-il si ce dernier invoque une incompatibilité entre la nouvelle organisation du travail, telle que portée par l’accord, et son état de santé ? L’Inspection du travail peut-elle refuser d’autoriser le licenciement ?

Salarié protégé refusant l’application d’un APC : son licenciement doit être autorisé par l'Inspection du travail

Institués par les ordonnances Travail, les accords de performance collective (APC) sont susceptibles d’être conclus :

  • pour rĂ©pondre aux nĂ©cessitĂ©s liĂ©es au fonctionnement de l'entreprise ;
  • mais Ă©galement en vue de prĂ©server ou de dĂ©velopper l'emploi en son sein.

Ces stipulations, à même d’impacter la rémunération, le temps de travail ou encore la mobilité géographique et professionnelle des salariés, ont vocation à se substituer à toutes les clauses contraires et incompatibles figurant dans leur contrat de travail. 

Mais pour ce faire, encore faut-il que le salarié ne s’y oppose pas.

Pour autant, si ce dernier exprime, par écrit, son refus de voir son contrat de travail modifié, il s’exposera automatiquement à une mesure de licenciement. L’employeur conservant, cependant, toute latitude pour y procéder ou non.

Naturellement, si le salarié est investi de fonctions représentatives, son licenciement ne pourra intervenir que sur autorisation de l’Inspection du travail. 

Mais qu’en est-il si ce dernier argue que son refus était légitime car justifié par l’incompatibilité de son état de santé avec le contenu de l’accord ? Cette circonstance doit-elle conduire l’Inspection du travail à refuser de délivrer une autorisation de licenciement ? 

Retour sur les réponses formulées par le Conseil d’Etat qui, pour la première fois, a été appelé à examiner ces questions. 

Salarié protégé refusant l’application d’un APC : son état de santé ne peut faire obstacle à la délivrance d’une autorisation de licenciement

A travers une décision du 4 avril 2025, le Conseil d’Etat a indiqué que l’inadéquation entre l’état de santé du salarié et la nouvelle organisation du travail, telle que déclinée dans un APC, ne permettait pas : 

  • d’une part, au salariĂ© de lĂ©gitimer son refus de voir son contrat de travail modifié ;
  • d’autre part, de faire obstacle Ă  la dĂ©livrance d’une autorisation administrative de licenciement.

Et pour cause, comme le précise par le Conseil d’Etat, le fait qu’un salarié accepte de se voir appliquer un APC n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de son obligation de sécurité. 

En cas d’incompatibilité présumée ou identifiée, il reviendra donc à ce dernier, sous peine de commettre un manquement, de prendre toutes les mesures d’adaptation nécessaires, en s’appuyant notamment des avis, indications et autres propositions formulés par le médecin du travail.

Illustration

Il était question, dans la présente affaire, d’un APC imposant à un salarié, qui travaillait alors  en horaire de jour en raison de son état de santé, de repasser à un rythme de 2x8, alternativement en équipe du matin ou d’après-midi.

Une limite, précisément identifiée dans la suite de la décision, doit cependant retenir l’attention des employeurs. Il s’agit, en effet, de l’inaptitude du salarié. Car comme l’a déjà jugé le Conseil d’Etat en 2023, l’Inspection du travail ne peut, lorsque l’inaptitude d’un salarié a été reconnue au jour où elle se prononce, autoriser son licenciement pour un motif autre. Le régime de l’inaptitude, porteur d’une protection spécifique pour le salarié, doit primer. 

Aussi, la demande d’autorisation de licenciement présentée par l’employeur ne pourrait aboutir, puisque fondée sur le refus d’application d’un APC. Et ce, que l’inaptitude soit constatée avant ou après l’émission de ce refus.

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Conseil d'Etat, 4e-1re chambres réunies, 4 avril 2025, n° 471490 (la circonstance alléguée par le salarié, relativement à son état de santé, ne fait pas obstacle à ce qu'il accepte la modification de son contrat de travail, dès lors qu'une telle acceptation ne délivre pas son employeur de l'obligation d'assurer sa sécurité et de protéger sa santé, le cas échéant en prenant en considération les avis ou propositions du médecin du travail)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2
Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot

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