Nouvelle demande d’autorisation de licenciement du salarié protégé inapte : comment l’administration du travail prend-elle sa décision ?
L’employeur ne peut licencier un salariĂ© protĂ©gĂ© inapte sans autorisation prĂ©alable de l’Inspection du travail. Cette protection a notamment pour objectif de permettre de s’assurer que la dĂ©cision envisagĂ©e par l’employeur n’est pas en rapport avec l’exercice du mandat par le salariĂ©. Mais comment est apprĂ©ciĂ©e l’existence d’un tel rapport ?Â
Licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé : le rôle de l’administration
Dès lors qu’un salarié protégé est déclaré inapte, l’employeur doit, sauf dispense expresse, procéder à une recherche loyale et sérieuse de reclassement. En cas d’impossibilité de reclassement, l’employeur devra alors solliciter l’Inspection du travail d’une demande d’autorisation de licenciement.
Après avoir constaté qu’aucune partie n’a contesté l’avis d’inaptitude et que l’employeur a bien satisfait à son obligation de reclassement, l’office de l’administration consiste à contrôler :
que la réalité de l’inaptitude au poste de travail est bien établie et qu'elle justifie le licenciement ;
qu’il n’existe aucun rapport entre la demande d’autorisation de licencier et les fonctions reprĂ©sentatives normalement exercĂ©es par l'intĂ©ressĂ© ou avec son appartenance syndicale.Â
Sur ce dernier point, l'existence d'un tel rapport conduira l'autorité administrative à faire obstacle à la demande d’autorisation de licencier même si le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement.
plus prĂ©cisĂ©ment, l’administration ne doit pas rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas oĂą la faute invoquĂ©e rĂ©sulte d'un harcèlement moral ou d'une discrimination syndicale.Â
plus savamment, l’administration sanctionnera par un refus d’autorisation le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives. A juste titre car il y aurait alors un rapport entre le mandat exercé et la demande d’autorisation de licencier formulée.
Notez le
L'autorisation administrative de licenciement délivrée ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations.
Licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé : l’articulation entre anciens et nouveaux mandats
Quels sont les Ă©vènements et mandats Ă prendre en compte pour apprĂ©cier l’existence d’un rapport entre licenciement envisagĂ© et exercice du mandat reprĂ©sentatif ?Â
Qu’en est-il si l’un d’entre eux n’est plus existant au jour de la demande d’autorisation de licencier ?Â
Le Conseil d’Etat est venu confirmer sa position sur le sujet dans une décision du 2 décembre 2024.
En l’espèce, une salariée occupant des mandats de représentante du personnel entre 2007 et 2011, est déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise en 2012.
L’employeur saisit alors l’administration d’une demande d’autorisation de licencier laquelle lui a été refusée pour manquement à son obligation de reclassement. Au terme de différents recours, l’autorisation de licencier fut finalement délivrée en décembre 2017 alors que l'intéressée n’exerçait désormais plus qu’un mandat de conseiller du salarié depuis 2015.
En 2018, la salariée forme un recours hiérarchique à l’encontre de cette décision qui est annulée au motif que l’inaptitude serait la résultante d’une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives occupées entre 2007 et 2011.
Les juridictions du fond considèrent que s’il n’est pas contestĂ© que des difficultĂ©s aient Ă©tĂ© rencontrĂ©es dans l'exercice de ses mandats occupĂ©s entre 2007 et 2011, Ă les supposer en lien avec la dĂ©gradation de son Ă©tat de santĂ©, il n’est nullement Ă©tabli que celles-ci auraient perdurĂ© jusqu'Ă la date Ă laquelle la ministre du travail a autorisĂ© le licenciement en 2018.Â
Pour le Conseil d’Etat, les juridictions n’ont commis aucune erreur de droit en se prononçant de la sorte, à la lumière :
de l'ensemble des mandats dĂ©tenus, y compris ceux dĂ©tenus après l'avis d'inaptitude ;Â
et des obstacles qui auraient pu ĂŞtre mis par l'employeur Ă leur exercice,Â
et non au regard des seules difficultés rencontrées dans l'exercice des mandats dont la salariée était titulaire à la date de cet avis délivré en 2012.
Ainsi, en pareille situation, si après qu'une première demande d'autorisation de licenciement d'un salarié a été refusée par l'administration, celle-ci est à nouveau saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licencier le même salarié, il lui appartient d'apprécier cette nouvelle demande compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle elle prend sa nouvelle décision.
Conseil d’Etat, 2 décembre 2024, n° 470513 (si après qu'une première demande d'autorisation de licenciement d'un salarié a été refusée par l'administration, celle-ci est à nouveau saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licencier le même salarié, il lui appartient d'apprécier cette nouvelle demande compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle elle prend sa nouvelle décision)
Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés
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