Nouvelle demande d’autorisation de licenciement du salarié protégé inapte : comment l’administration du travail prend-elle sa décision ?

Publié le 07/02/2025 à 10:12
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Temps de lecture : 4 min

L’employeur ne peut licencier un salarié protégé inapte sans autorisation préalable de l’Inspection du travail. Cette protection a notamment pour objectif de permettre de s’assurer que la décision envisagée par l’employeur n’est pas en rapport avec l’exercice du mandat par le salarié. Mais comment est appréciée l’existence d’un tel rapport ? 

Licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé : le rôle de l’administration

Dès lors qu’un salarié protégé est déclaré inapte, l’employeur doit, sauf dispense expresse, procéder à une recherche loyale et sérieuse de reclassement. En cas d’impossibilité de reclassement, l’employeur devra alors solliciter l’Inspection du travail d’une demande d’autorisation de licenciement.

Après avoir constaté qu’aucune partie n’a contesté l’avis d’inaptitude et que l’employeur a bien satisfait à son obligation de reclassement, l’office de l’administration consiste à contrôler :

  • que la rĂ©alitĂ© de l’inaptitude au poste de travail est bien Ă©tablie et qu'elle justifie le licenciement ;

  • qu’il n’existe aucun rapport entre la demande d’autorisation de licencier et les fonctions reprĂ©sentatives normalement exercĂ©es par l'intĂ©ressĂ© ou avec son appartenance syndicale. 

Sur ce dernier point, l'existence d'un tel rapport conduira l'autorité administrative à faire obstacle à la demande d’autorisation de licencier même si le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement.

  • plus prĂ©cisĂ©ment, l’administration ne doit pas rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas oĂą la faute invoquĂ©e rĂ©sulte d'un harcèlement moral ou d'une discrimination syndicale. 

  • plus savamment, l’administration sanctionnera par un refus d’autorisation le fait que l'inaptitude du salariĂ© rĂ©sulte d'une dĂ©gradation de son Ă©tat de santĂ©, elle-mĂŞme en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur Ă  l'exercice de ses fonctions reprĂ©sentatives. A juste titre car il y aurait alors un rapport entre le mandat exercĂ© et la demande d’autorisation de licencier formulĂ©e.

Notez le

L'autorisation administrative de licenciement délivrée ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations.

Licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé : l’articulation entre anciens et nouveaux mandats

Quels sont les évènements et mandats à prendre en compte pour apprécier l’existence d’un rapport entre licenciement envisagé et exercice du mandat représentatif ? 

Qu’en est-il si l’un d’entre eux n’est plus existant au jour de la demande d’autorisation de licencier ? 

Le Conseil d’Etat est venu confirmer sa position sur le sujet dans une décision du 2 décembre 2024.

En l’espèce, une salariée occupant des mandats de représentante du personnel entre 2007 et 2011, est déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise en 2012.

L’employeur saisit alors l’administration d’une demande d’autorisation de licencier laquelle lui a été refusée pour manquement à son obligation de reclassement. Au terme de différents recours, l’autorisation de licencier fut finalement délivrée en décembre 2017 alors que l'intéressée n’exerçait désormais plus qu’un mandat de conseiller du salarié depuis 2015.

En 2018, la salariée forme un recours hiérarchique à l’encontre de cette décision qui est annulée au motif que l’inaptitude serait la résultante d’une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives occupées entre 2007 et 2011.

Les juridictions du fond considèrent que s’il n’est pas contesté que des difficultés aient été rencontrées dans l'exercice de ses mandats occupés entre 2007 et 2011, à les supposer en lien avec la dégradation de son état de santé, il n’est nullement établi que celles-ci auraient perduré jusqu'à la date à laquelle la ministre du travail a autorisé le licenciement en 2018. 

Pour le Conseil d’Etat, les juridictions n’ont commis aucune erreur de droit en se prononçant de la sorte, à la lumière :

  • de l'ensemble des mandats dĂ©tenus, y compris ceux dĂ©tenus après l'avis d'inaptitude ; 

  • et des obstacles qui auraient pu ĂŞtre mis par l'employeur Ă  leur exercice, 

  • et non au regard des seules difficultĂ©s rencontrĂ©es dans l'exercice des mandats dont la salariĂ©e Ă©tait titulaire Ă  la date de cet avis dĂ©livrĂ© en 2012.

Ainsi, en pareille situation, si après qu'une première demande d'autorisation de licenciement d'un salarié a été refusée par l'administration, celle-ci est à nouveau saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licencier le même salarié, il lui appartient d'apprécier cette nouvelle demande compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle elle prend sa nouvelle décision.


Conseil d’Etat, 2 décembre 2024, n° 470513 (si après qu'une première demande d'autorisation de licenciement d'un salarié a été refusée par l'administration, celle-ci est à nouveau saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licencier le même salarié, il lui appartient d'apprécier cette nouvelle demande compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle elle prend sa nouvelle décision)

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Florent Schneider

Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés

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