Licenciement d’un salarié protégé : répartition du contentieux entre le juge administratif et le juge judiciaire
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Lorsqu’un salarié protégé conteste son licenciement pour motif économique notifié après l’obtention d’une autorisation administrative, le juge judiciaire n’est pas compétent pour se prononcer sur le caractère réel et sérieux de ce motif. Certains aspects du contentieux lui restent néanmoins dévolus, par exemple celui de la responsabilité de l’employeur et de l’indemnisation du préjudice du salarié.
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Incompétence du juge judiciaire sur le motif du licenciement
En vertu du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire, certains litiges du travail échappent à la compétence du juge prud’homal. Un arrêt récemment rendu par la Cour de cassation a donné une illustration de la répartition du contentieux entre les deux ordres.
Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour motif économique en raison de la cessation complète et définitive de l’activité de la société qui l’employait. Ce salarié bénéficiant d’un statut protecteur du fait de l’exercice d’un mandat, l’employeur avait au préalable sollicité l’inspection du travail, laquelle avait accordé une autorisation de procéder au licenciement. Après contestation de cette décision devant le juge administratif, elle était devenue définitive. Le salarié avait alors saisi la juridiction prud’homale. Cette dernière avait estimé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et alloué une indemnisation au salarié à ce titre. A tort selon la Cour de cassation : le licenciement ayant été prononcé en application d’une décision administrative, le juge judiciaire n’était pas compétent pour remettre en cause son bien-fondé. Une telle prérogative est réservée aux juges de l’ordre administratif, seuls à même de se prononcer sur la validité de l’acte émanant d’une autorité administrative.
Si le juge judiciaire est incompétent pour statuer sur le caractère réel et sérieux du licenciement, tout le contentieux du licenciement d’un salarié protégé ne lui échappe cependant pas.
Compétences résiduelles du juge judiciaire
La Cour de cassation prend soin de préciser que dans cette affaire le juge de l’ordre judiciaire pouvait, le cas échéant, se prononcer sur la responsabilité de l'employeur et la demande du salarié en réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi. En effet, le juge judiciaire est le juge de l’indemnisation, peu important qu’une décision administrative soit intervenue dans la procédure de licenciement contestée. Cette décision ne manque pas de logique, l’imputabilité de la rupture du contrat de travail et la responsabilité de l’employeur dans la cessation d’activité n’ayant pas été recherchées par l’inspection du travail sollicitée d’une demande d’autorisation de licenciement.
A plusieurs reprises ces derniers mois, la Cour de cassation a statué pour expliquer comment doit être réparti le contentieux entre le juge administratif et le juge judiciaire. Par exemple :
- dans les situations de transfert partiel d’entreprise, l’inspection du travail saisie d’une demande de transfert du contrat de travail d’un salarié protégé contrôle la matérialité du transfert partiel, l'applicabilité des dispositions légales ou conventionnelles invoquées dans la demande d'autorisation de transfert et si le salarié concerné exécute effectivement son contrat de travail dans l'entité transférée, ainsi que l'absence de lien avec le mandat ou l'appartenance syndicale. En revanche, elle ne porte pas d'appréciation sur l'origine de l'opération de transfert. Dès lors, le juge judiciaire peut être sollicité pour se prononcer sur l’existence d’une fraude aux dispositions légales applicables aux transferts d’entreprise et ordonner le versement de dommages et intérêts au salarié dont le transfert avait pourtant été autorisé (Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 21-11.776) ;
- l'autorisation administrative de licenciement pour motif disciplinaire ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire examine certains faits antérieurs au licenciement qui n’avaient pas été soumis au contrôle de l’inspection du travail. Le salarié peut donc faire valoir le caractère systématique ou injustifié de sanctions devant le juge judiciaire au titre d'éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral (Cass. soc., 1er juin 2023, n° 21-19.649) ;
- le juge judiciaire peut statuer sur la rétractation du licenciement d’un salarié protégé, quand bien même un licenciement ultérieur aurait été autorisé par l’autorité administrative (Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 20-19.961).
Cour de cassation, chambre sociale, 20 septembre 2023, n° 22-13.494 (le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique. Il peut seulement se prononcer, lorsqu'il en est saisi, sur la responsabilité de l'employeur et la demande du salarié en réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi)
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