Défense des salariés grévistes en justice : une action syndicale limitée
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En tant qu’organisation dont le rĂ´le est la dĂ©fense de la profession qu’il reprĂ©sente, un syndicat bĂ©nĂ©ficie du droit d’agir en justice pour celle-ci. Cependant, toutes les demandes ne sont pas permises. Dans quelles conditions un syndicat est-il fondĂ© Ă agir au soutien de salariĂ©s grĂ©vistes ?Â
La recevabilité de l’action des syndicats : une défense de l’intérêt collectif de la profession
L’article L. 2132-3 du Code du travail encadre les conditions de l’action en justice des syndicats professionnels et prévoit que les organisations peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
Un syndicat est donc recevable Ă agir :
- pour dénoncer une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ;
- pour dénoncer une irrégularité de l’employeur au regard du principe d’égalité de traitement ;
- pour demander des dommages-intérêts pour réparer le préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession ;
- pour demander la cessation d’une l’irrégularité commise par l’employeur.
S’agissant des intĂ©rĂŞts individuels de chaque salariĂ©, le syndicat n’est en principe pas recevable Ă agir.Â
Qu’en est-il des revendications syndicales pouvant s’élever dans le cadre d’une grève ? Correspondent-elles à la défense des intérêts collectifs du syndicat ou bien aux intérêts individuels des salariés ?
La recevabilité de l’action des syndicats : qu’en est-il des contestations liées à un mouvement de grève ?
Le syndicat qui agit dans l'intérêt collectif de la profession ne peut pas demander au juge de régulariser la situation individuelle de salariés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. Et ce, même en cas de grève menée à cause du comportement fautif de l’employeur, et reconnu comme tel.
C’est ce qu’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 janvier 2025.
Mais qu’en est-il des dommages et intérêts tendant à réparer le préjudice subi du fait du comportement fautif de l’employeur ayant conduit à la grève ?
Dans cette affaire, les salariĂ©s d’une sociĂ©tĂ© portugaise implantĂ©e en France avaient, Ă la suite d’un projet de restructuration, exercĂ© leur droit de grève.Â
Les salariĂ©s grĂ©vistes et un syndicat ont estimĂ© que la grève Ă©tait consĂ©cutive Ă une faute de l’employeur ,qui avait refusĂ© de fournir aux reprĂ©sentants du personnel les informations nĂ©cessaires sur les dangers pesant sur la succursale française. Â
Ils ont  assigné l’employeur devant le tribunal judiciaire aux fins de lui ordonner la régularisation de la situation, en versant notamment aux salariés les salaires et primes dont ils avaient été privés du fait de leur participation à la grève.
Le syndicat réclamait également des dommages et intérêts au titre de l’intérêt collectif de la profession, au motif que des salariés se trouvaient dans une situation contraignante telle qu'ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations.
La Cour de cassation :
- confirme la décision de la cour d’appel qui a logiquement rejeté la demande du syndicat relative au paiement des salaires des salariés grévistes car cette demande tendait à régulariser la situation individuelle des salariés ;
- infirme la décision de la cour d’appel qui n’avait pas fait droit à la demande du syndicat concernant le paiement de dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
En effet, pour la Cour de cassation, constitue bien une action engagée dans l’intérêt collectif de la profession, l'action engagée afin de faire juger que des salariés se trouvaient dans une situation contraignante telle qu'ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par suite d'un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations.
Le syndicat était ainsi bien fondé à obtenir, à ce titre, la condamnation de l'employeur à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts.
Si vous souhaitez plus d’informations quant au rôle des syndicats dans la défense des intérêts des salariés, les Editions Tissot vous recommandent leur documentation « CSE ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 22 janvier 2025, n° 23-17.782 (un syndicat peut défendre l’intérêt collectif des salariés mais pas les intérêts individuels dont la défense n’appartient qu’aux concernés)
Juriste et autrice en droit social
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