Discrimination : rattacher les cheveux à l’apparence physique

Publié le 07/03/2024 à 16:26 dans Contrat de travail.

Temps de lecture : 4 min

L’Assemblée nationale examinera à la fin du mois de mars une proposition de loi visant à reconnaitre et à sanctionner la discrimination capillaire. Couleur, longueur, texture et coupe de cheveux devraient ainsi compléter le critère discriminatoire de l’apparence physique dans le Code du travail et le Code pénal.

Discrimination : principe

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de son sexe ou de son apparence physique (Code du travail, art. L. 1132-1 ).

Les restrictions sont toutefois admises mais elles doivent :

  • ĂŞtre justifiĂ©es par la nature de la tâche Ă  accomplir ;

  • ĂŞtre proportionnĂ©es au but recherchĂ© ;

  • rĂ©pondre Ă  une exigence professionnelle essentielle et dĂ©terminante. C’est-Ă -dire ĂŞtre dictĂ©es par la nature ou les conditions d’exercice objectives de l’emploi. Par exemple, il peut ĂŞtre imposĂ© aux salariĂ©s en contact avec la clientèle de porter un uniforme afin qu’ils puissent ĂŞtre identifiĂ©s par les clients.

Concernant la coupe de cheveux des salariés, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer sur ce sujet dans un arrêt du 23 novembre 2022. L’affaire portait sur l’interdiction faite au personnel masculin, de compagnie aérienne, de porter des tresses. Le manuel de port de l'uniforme des personnels navigants commerciaux posait les règles suivantes :

  • les cheveux doivent ĂŞtre coiffĂ©s de façon extrĂŞmement nette. LimitĂ©es en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitĂ©e dans la nuque au niveau du bord supĂ©rieur du col de la chemise pour les hommes ;

  • le port de tresses africaines nouĂ©es en chignon est autorisĂ© pour le personnel fĂ©minin.

Pour la Cour de cassation, interdire les tresses pour les stewards ne constitue pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes. La coiffure n’est pas une partie de l’uniforme.

Discrimination : l’apparence physique c’est aussi les cheveux

Dans cette affaire, on était sur une différence de traitement entre les hommes et les femmes. Cela ne permet pas de protéger tous les salariés victimes de discriminations liées à la texture de leurs cheveux, leur couleur ou leur style capillaire.

L’objectif de la proposition de loi est de compléter le critère de discrimination lié à l’apparence physique en précisant que cela peut porter notamment sur la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux.

Ainsi, les salariés pourraient porter le cheveu naturel ou la coiffure qu’ils souhaitent dès lors que cela ne fait pas obstacle à une exigence essentielle et déterminante propre à l’exercice de leurs fonctions.

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, les députés indiquent qu’une étude réalisée en Grande-Bretagne, en 2009, montrait qu’une femme blonde sur trois se colorait les cheveux en brun afin d’augmenter ses chances professionnelles et d’« avoir l’air plus intelligente » en milieu professionnel.

Une autre étude menée par Dove et LinkedIn aux États‑Unis, montre que 2/3 des femmes afro‑descendantes changent de coiffure avant un entretien d’embauche. Leurs cheveux sont 2,5 fois plus susceptibles d’être perçus comme non professionnels.

Aux États-Unis, 20 États ont adopté des législations afin de lutter contre les discriminations capillaires.

La proposition de loi sera discutée devant l’Assemblée nationale les 27 et 28 mars prochains.

Pour en savoir davantage sur la lutte contre les discriminations en milieu professionnel, les Editions Tissot vous proposent de télécharger leur dossier spécial :

Proposition de loi n°1640 visant à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire déposée le 12 septembre 2023
Cour de cassation, chambre sociale, 23 novembre 2022, n° 21-14.060 (les exigences liées à l’exercice de la profession de steward ne justifient pas d’interdire aux hommes une coiffure autorisée aux femmes. La coiffure n’est pas une partie de l’uniforme)
Dove, Linkedin, Crown 2023 Workplace Research Study, 2023

Isabelle VĂ©nuat

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot