Actualités sociales du printemps : 10 nouveautés à connaître et y faire face

Publié le 29/05/2023 à 08:00, modifié le 01/06/2023 à 16:38 dans Contrat de travail.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus Ă  jour.

Plusieurs nouveautés sociales importantes ont émergé ces dernières semaines comme l’assimilation de l’abandon de poste à la démission ou le nouveau formulaire CERFA à utiliser pour le contrat d’apprentissage. Des décisions de justice particulièrement intéressantes sont aussi à noter comme la possibilité de verser une prime à l’embauche sous condition de remboursement à un salarié. Nous zoomons pour vous sur 10 actualités fortes à retenir, et vous proposons plusieurs modèles de documents utiles (CDD multi-remplacement, mise en demeure abandon de poste, etc.) pour faire face à ces nouveautés.

Les nouveautés issues du Journal officiel

1/ L’abandon de poste est assimilé à une démission

Le Code du travail prévoit désormais que tout salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de le faire est présumé démissionnaire. Sauf s’il produit un motif légitime dans le délai exigé (situation de danger, état de santé notamment). Vous devez accorder à votre salarié un délai de 15 jours minimum.

Pour utiliser cette procédure, il faut donc mettre en demeure son salarié.

Nous vous proposons à cette fin un modèle de courrier que vous n’avez plus qu’à personnaliser :

Important

Afin d’apporter la preuve de la bonne réalisation de la procédure légale permettant de qualifier un abandon de poste en démission, il est important d’adresser la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception.

2 / Le CDD multi-remplacement est autorisé dans certains secteurs

Vous pouvez conclure un CDD pour le remplacement d’un salarié absent. Jusqu’il y a peu, un CDD ne pouvait permettre de remplacer qu’un seul salarié absent. Mais certains secteurs sont désormais autorisés à titre expérimental (du 13 avril 2023 au 13 avril 2025) à conclure un seul CDD (ou contrat de mission) pour remplacer plusieurs salariés. Plus de 60 conventions collectives sont concernées notamment la branche de la plasturgie, de la boulangerie-pâtisserie ou encore des transports routiers.

Nous vous proposons un modèle utile pour conclure un tel CDD multi-remplacement

3/ Une coupure possible de l’eau chaude

Vous devez mettre à disposition des travailleurs un certain nombre d’installations sanitaires notamment des lavabos à eau potable. L'eau est à température réglable et est distribuée à raison d'un lavabo pour 10 travailleurs au plus.

Par exception, un décret permet de supprimer l’eau chaude sanitaire des lavabos dans les bâtiments à usage professionnel. C’est possible jusqu’au 30 juin 2024 dans un but de sobriété énergétique.

Vous pouvez ainsi mettre à disposition des travailleurs, sur leur lieu de travail, de l'eau dont la température n'est pas réglable (sauf exceptions), mais :

  • après avoir demandĂ© l’avis du CSE ;
  • et sous rĂ©serve que l’évaluation des risques, mise Ă  jour prĂ©alablement, n'ait rĂ©vĂ©lĂ© aucun risque pour la sĂ©curitĂ© et la santĂ© des travailleurs du fait de l'absence d'eau chaude sanitaire et en tenant compte des besoins liĂ©s Ă  l'activitĂ© Ă©ventuelle de travailleurs d'entreprises extĂ©rieures. Concrètement, il faut donc remettre Ă  jour le document unique de l’entreprise.

Pour mettre en œuvre cette possibilité, voici une note d’information :

4/ Un nouveau formulaire CERFA pour le contrat d’apprentissage

Le contrat d’apprentissage est nécessairement écrit et comporte un certain nombre de mentions obligatoires comme la date de début de contrat, le diplôme ou titre préparé, ou encore l’effectif de l’entreprise.

Ce contrat doit être conclu en 3 exemplaires : 1 pour vous, 1 pour l'apprenti et 1 pour l'organisme en charge du dépôt du contrat (l’OPCO).

Pour rédiger un contrat d’apprentissage, un CERFA type à compléter est disponible.

Vous pouvez utiliser ce CERFA en version papier ou le remplir en ligne sur le portail de l’alternance.

Sachant qu’un nouveau CERFA est paru le 20 avril dernier, le n° 10103*10.

Notez que la notice d’utilisation a également été mise à jour. Elle précise que pour les contrats conclus depuis le 1er janvier 2023 le CERFA doit être conservé par l’employeur (original signé par les parties) et l’opérateur de compétences pendant 5 ans à compter de sa conclusion.

5/ Du nouveau concernant les congés pour événements familiaux

Le cadre du congé sur l’annonce d'une pathologie chronique ou un cancer d’un enfant a été précisé. Si ce congé s’applique depuis une loi du 17 décembre 2021 s’agissant d’un cancer, un décret manquait en cas de pathologie chronique et empêchait la mise en œuvre. La liste des maladies chroniques a enfin été fixée par décret et ce dispositif s’applique donc depuis le 30 mars 2023.

En pratique cela concerne :

  • les maladies particulièrement coĂ»teuses et nĂ©cessitant un traitement long (prises en charge au titre des articles D. 160-4 et R. 160-12 du Code de la SĂ©curitĂ© sociale), comme par exemple la mucoviscidose, le diabète type 1 et type 2, l’épilepsie grave ou tumeur maligne, ;
  • les maladies rares rĂ©pertoriĂ©es dans la nomenclature Orphanet ;
  • les allergies sĂ©vères donnant lieu Ă  la prescription d'un traitement par voie injectable.

Il s’agit d’un congé pour événement familial. Ce type de congé n'entraîne donc aucune réduction de la rémunération et est également assimilé à du temps de travail effectif pour la durée des congés payés.

Pour en bénéficier un salarié doit vous en faire la demande et présenter un justificatif. Le congé doit en principe être pris au moment des événements en cause.

Notez que plusieurs propositions de loi sont en cours et pourraient allonger certaines durées des congés pour événements familiaux (pour maladie ou décès d’un enfant) et créer un nouveau cas en cas de fausse couche.

Les décisions de justice à noter

6/Télétravail imposé en cas d’inaptitude

Commençons par une décision rendue toute fin mars sur le télétravail.

La Cour de cassation a considéré que dès lors que le médecin du travail précise qu’un salarié déclaré inapte pourrait occuper un poste en télétravail à son domicile avec aménagement de poste, cet aménagement doit être réalisé dès lors que les tâches du salarié sont réalisables pour l’essentiel à domicile. A défaut, l'employeur ne remplit pas son obligation de reclassement.

7/ Prime d’arrivée

Si certaines clauses du contrat de travail sont indispensables (qualification, rémunération, durée du travail, etc.) des clauses facultatives peuvent s’envisager dès lors qu’elles ne sont pas contraires à l’ordre public.

C’est le cas de la clause fixant un prime d’arrivée ou un bonus de bienvenue (parfois appelée « golden hello »).

Une difficulté particulière de recrutement ou la volonté d’attirer un bon profil peut en effet vous pousser à verser une prime lors de l’embauche.

Mais peut-on assortir cette prime d’arrivée à une condition de présence dans l’entreprise pendant une certaine durée pour fidéliser le salarié ?

Oui répond la Cour de cassation. Pour les juges, une clause destinée à fidéliser le salarié avec lequel on veut collaborer dans la durée peut subordonner une prime d’arrivée à une condition de présence (et prévoir un remboursement au prorata du temps qui n’aura pas été passé dans l’entreprise du fait de la démission) sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail.

Vous êtes intéressé par cette clause ? Voici un modèle :

8/ Cumul d’emplois irrégulier

Le dépassement de la durée maximale du travail rend le cumul d’emplois irrégulier. Mais cela ne justifie pas à lui seul le licenciement du salarié. La Cour de cassation considère que dans le cadre du cumul d’emplois, le salarié commet une faute de nature à justifier son licenciement uniquement :

  • s’il refuse de rĂ©gulariser sa situation ;
  • ou s’il refuse de transmettre Ă  son employeur les documents lui permettant d’apprĂ©cier le respect des durĂ©es maximales de travail.

Sachez qu’il est possible d’interdire à votre salarié d’exercer une autre activité professionnelle en insérant une clause d’exclusivité dans son contrat de travail. Une telle clause d’exclusivité ne peut trouver à s’appliquer que sous certaines conditions, notamment si votre salarié est à temps plein au sein de votre entreprise.

Vous pouvez télécharger notre modèle de clause d'exclusivité ci-dessous.

9/ Dénonciation du harcèlement moral

Un salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral est en principe protégé contre toute sanction. Mais jusqu’à présent, les juges exigeaient que le salarié ait bien qualifié les faits de harcèlement moral pour appliquer cette protection. La Cour de cassation vient de changer d’avis ! Elle considère désormais que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif (sauf mauvaise foi), peu important qu'il n'ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation.

10/ TĂ©moignage anonyme

Vous pouvez demander à vos salariés ou à un tiers de remplir une attestation dans la perspective d’un éventuel prud’hommes, par exemple pour attester du comportement violent ou d’actes de harcèlement du salarié que vous souhaitez sanctionner.

Une telle attestation doit remplir certaines conditions pour être valable. Un modèle officiel prévoit notamment que cette attestation soit écrite, datée et signée par le témoin lui-même.

Néanmoins une attestation anonyme peut quand même être utile. La Cour de cassation considère que le droit à un procès équitable suppose que le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes. Mais il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est néanmoins connue par l'employeur. Il faut pour cela que ces témoignages soient corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence.

Vous avez apprécié ces différents modèles et souhaitez en avoir davantage ? Découvrez la documentation « Gérer le personnel ACTIV ».


Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié, Jo du 18 avril 2023 (Code du travail, art. R. 1237-13)
Décret n° 2023-310 du 24 avril 2023 relatif à la faculté de déroger jusqu'au 30 juin 2024 à l'obligation de mettre à disposition des travailleurs de l'eau à température réglable sur les lieux de travail, Jo du 27
Décret n° 2023-263 du 12 avril 2023 définissant les secteurs autorisés à mettre en œuvre l'expérimentation prévue par la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi sur le remplacement de plusieurs salariés par un seul salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, Jo du 13
Décret n° 2023-215 du 27 mars 2023 fixant la liste des pathologies ouvrant droit à un congé spécifique pour les parents lors de l'annonce de la maladie chronique de leur enfant, Jo du 29
Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2023, n° 21-25.136 (une clause dont l'objet est de fidéliser le salarié dont l'employeur souhaite s'assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l'acquisition de l'intégralité d'une prime d'arrivée, indépendante de la rémunération de l'activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l'entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n'aura pas passé dans l'entreprise avant l'échéance prévue)
Cour de cassation, chambre sociale, 29 mars 2023, n° 21-15.472 (l’employeur ne respecte pas son obligation de reclassement en n’aménageant pas le poste de travail d’un salarié dès lors que le médecin du travail avait précisé, dans l'avis d'inaptitude puis en réponse aux questions de l'employeur, que le salarié pourrait occuper un poste en télétravail à son domicile avec aménagement de poste approprié)
Cour de cassation, 19 avril 2023, chambre sociale, n° 21-21.053 (il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu'il n'ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce)
Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2023, n° 21-20.308 et n° 21-20.310 (si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés lorsque ceux-ci sont corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence)
Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2023, n° 21-24.238 (la seule circonstance que, du fait d'un cumul d'emplois, un salarié dépasse la durée maximale d'emploi ne constitue pas en soi une cause de licenciement. Seul le refus du salarié de régulariser sa situation ou de transmettre à son employeur les documents lui permettant de vérifier que la durée totale de travail n'excède pas les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires constitue une faute)

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social