Abandon de poste : qu’est-ce que vous pouvez vraiment faire aujourd’hui ?

Publié le 29/06/2023 à 09:38, modifié le 17/07/2023 à 09:54 dans Rupture du contrat de travail.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus Ă  jour.

Les pouvoirs publics ont créé une présomption de démission en cas d’abandon de poste de façon à ce que le salarié qui quitte son poste sans justification ne soit pas indemnisé. Seulement, en réalité, l’abandon de poste n’est pas toujours subi par l’employeur et se fait parfois d’un commun accord comme l’atteste une étude récente de l’UNEDIC. Concrètement aujourd’hui est-il encore possible d’envisager un abandon de poste suivi d’un licenciement pour absence injustifiée ou faut-il nécessairement passer par la présomption de démission ?

Quelques chiffres Ă©clairants

La DARES nous avait déjà livré une étude montrant que l’abandon de poste est le motif de licenciement pour faute grave ou lourde le plus utilisé.

Cette fois c’est l’UNEDIC qui vient nous éclairer sur l’ampleur du phénomène. En 2022, elle nous apprend que 82 000 personnes ayant abandonné leur poste ont ouvert un droit à l’Assurance chômage (soit 5 % des ouvertures de droit), principalement à la suite d’un licenciement pour faute grave. Dans la grande majorité des cas (82 %) cela concerne des personnes de moins de 40 ans.

Si les raisons sont diverses (souhait de se reconvertir, mal-être, conditions de travail, etc.) il est à souligner que la plupart du temps l’abandon de poste est précédé par un refus de l’employeur d’une rupture conventionnelle. Plus flagrant : la moitié des abandons de poste sont réalisés en accord avec l’employeur voir même suggérés par lui (dans 23 % des cas).

Mais les choses vont-elles vraiment changer avec la nouvelle présomption de démission ?

Que dit exactement le Code du travail désormais ?

Le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un certain délai est présumé démissionnaire (Code du travail, art. L. 1237-1-1).

Un décret nous apprend que lorsque l’employeur constate que le salarié a abandonné son poste et « entend » faire valoir la présomption de démission, il le met en demeure de justifier son absence et reprendre son poste dans un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours (C. trav., art. R. 1237-13).

La lecture des textes ne mentionne nulle part :

  • que vous avez l’obligation d’y recourir ;
  • que cette possibilitĂ© exclut dĂ©sormais tout recours au licenciement pour absence injustifiĂ©e.

Ce n’est pourtant pas l’interprétation du ministère du Travail. Dans un questions-réponses publié le 18 avril il a précisé que si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. Il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute.

Ce qui a d’emblée fait vivement réagir. Difficile en effet de comprendre en droit comment le recours au licenciement pour faute pourrait être exclu dans la mesure où le Code du travail ne prévoit pas cette exclusion. Et sachant que les QR du ministère du Travail constituent un droit souple sans valeur contraignante.

Le QR en question a dans la foulée fait l’objet de plusieurs recours en annulation devant le Conseil d’Etat…

Aujourd’hui il ne figure plus sur le site du ministère du Travail, ce dernier ayant choisi de le retirer.

La position initiale du ministère du Travail s’explique sans doute par les sommes considérables mises en jeu. L’UNEDIC estime en effet que les économies réalisées grâce à la présomption de démission seraient à terme comprises entre 380 M€ et 670 M€ sur une année.

Mais d’un point de vue purement juridique, à notre sens, vous avez aujourd’hui le choix d’utiliser la présomption de démission ou de recourir au licenciement pour faute. Il n’est d’ailleurs pas juste de dire que l’utilisation de la présomption de démission est forcément moins risquée qu’un licenciement, le salarié pouvant contester son utilisation.

Dans tous les cas, il est nécessaire de recueillir les explications du salarié sur son absence et de lui demander de reprendre le travail avant d’envisager la moindre action.

Si vous souhaitez utiliser la présomption de démission, pensez bien à fixer le délai maximal pendant lequel le salarié peut reprendre son poste sans que son absence puisse être qualifiée de démission.

Il est également utile de préciser les conséquences du refus du salarié de reprendre son poste dans le délai fixé à savoir qu’il sera considéré comme démissionnaire (en précisant à quelle date et comment ça se passe pour le préavis) ainsi que le fait qu’il n’aura pas droit à l’assurance chômage.

Nous vous proposons à cette fin un modèle de courrier extrait de la documentation « Modèles commentés pour la gestion du personnel » que vous n’avez plus qu’à personnaliser :

Bon Ă  savoir

Si le salarié reprend son travail dans les délais requis, vous ne pourrez pas utiliser la présomption de démission. Une sanction est en revanche envisageable pour absence non justifiée et là il n’y a pas de débat (!).

Les abandons de poste et l'Assurance chĂ´mage, UNEDIC, 13 juin 2023

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social