Stop à la course à l’engagement

Publié le 07/02/2024 à 07:56 dans Risques psychosociaux.

Temps de lecture : 3 min

Tous les moyens sont bons pour booster l’engagement des collaborateurs : formation des managers, enquĂȘte auprĂšs des collaborateurs, multiplication des exhortations orales
 Mais les croyances concernant l’engagement au travail, en plus d’ĂȘtre souvent trompeuses, pourraient bien s’avĂ©rer contre-productives, voire toxiques.

« Plus on met en avant le positif, plus les collaborateurs s’engagent »

Cette croyance s’illustre particuliĂšrement lors de la mise en place de projets de transformation. L’encadrement et les services de communication de l’entreprise se focalisent exclusivement sur tous les aspects positifs, afin de persuader les salariĂ©s du bien-fondĂ© du changement et de la nĂ©cessitĂ© pour tous d’Ɠuvrer Ă  son succĂšs.

Mais cela ne fonctionne pas auprĂšs de tous les collaborateurs. Au contraire, cette dĂ©marche risque mĂȘme de braquer encore davantage les salariĂ©s les plus mĂ©fiants. Et plus on insiste sur le positif, plus ils insistent sur le nĂ©gatif.

Ce phĂ©nomĂšne se nomme l’effet rebond (ou « rĂ©actance ») : l’état d’esprit initial d’une personne que l’on essaie de convaincre se renforce au lieu de se modifier. Cet effet est d’autant plus puissant que l’individu perçoit qu’on le manipule en le poussant Ă  faire ou Ă  croire quelque chose.

« Plus les membres d’une Ă©quipe sont engagĂ©s, mieux l’équipe fonctionne »

L’engagement des collaborateurs se traduit le plus souvent par une productivitĂ© accrue et une Ă©mulation positive dans l’équipe. Mais lorsque tout le monde est trĂšs engagĂ©, et que l’esprit de compĂ©tition est, par exemple, entretenu par un systĂšme de primes sur objectif, des rivalitĂ©s conflictuelles peuvent naĂźtre. En dĂ©gradant l’ambiance de travail, ces rivalitĂ©s peuvent finalement nuire Ă  la productivitĂ© gĂ©nĂ©rale.

MĂȘme si cela peut sembler contre intuitif Ă  premiĂšre vue, les membres les moins engagĂ©s du groupe sont en rĂ©alitĂ© un facteur d’équilibre dans une Ă©quipe : d’abord parce qu’ils prennent les contrariĂ©tĂ©s du quotidien moins Ă  cƓur, ensuite parce que les limites qu’ils posent en terme d’horaires, d’implication personnelle, etc. peuvent servir d’exemple Ă  ceux que l’épuisement guette du fait de leur zĂšle inconditionnel.

« Plus les salariés sont engagés, plus ils sont productifs »

La mĂ©diatisation du thĂšme de l’épuisement professionnel permet aujourd’hui au plus grand nombre d’avoir conscience que l’engagement excessif – pour prouver sa valeur, pour compenser un vide personnel, ou tout simplement par passion pour son mĂ©tier – est l’ingrĂ©dient principal du burn-out.

Mais lĂ  n’est pas le seul problĂšme. Demander toujours plus d’engagement conduira fatalement Ă  se mettre Ă  dos les Ă©lĂ©ments les plus motivĂ©s. En effet, il est logique, lorsque l’on demande aux collaborateurs de prendre Ă  leur propre compte les exigences de l’entreprise, que ceux-ci exigent en retour toujours plus de rĂ©tribution. Et si l’entreprise ne peut pas, ou ne veut pas, soutenir le rythme, les collaborateurs finiront par se dĂ©sengager afin d’établir un Ă©quilibre qui leur semblera plus juste entre ce qu’ils donnent et ce qu’on leur rend, ou bien ils quitteront le navire pour trouver un emploi qui les satisfera davantage.

La surenchĂšre, qu’elle concerne les Ă©changes commerciaux, l’énergie ou la consommation, est devenue un problĂšme majeur pour nos sociĂ©tĂ©s, qui rivalisent de mesures pour tenter de rĂ©guler ce phĂ©nomĂšne. Comment croire que cet enjeu ne se pose pas Ă©galement au sein du personnel qui compose une sociĂ©tĂ© ? LĂ  aussi, il faudra apprendre, ou rĂ©apprendre, Ă  substituer la notion d’équilibre Ă  celle de rentabilitĂ©, seul moyen pour une sociĂ©tĂ© de maintenir sa productivitĂ© Ă  long terme.

Aidez les salariés à prendre conscience de leurs difficultés psychologiques dans le cadre du travail grùce aux « Fascicules Bien vivre son travail : Préserver sa santé psychologique ».

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Emma Pitzalis

Psychologue clinicienne - Consultante

Née en 1992 à Enghien-les-Bains, Emma Pitzalis est psychologue clinicienne (Paris X), diplÎmée en thérapies brÚves et stratégiques de l'Institut Gregory Bateson. Emma a débuté sa carriÚre au sein de