Santé mentale au travail : les entreprises doivent davantage se saisir du sujet

Publié le 11/03/2025 à 11:00
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Temps de lecture : 5 min

Érigée au rang de Grande cause nationale, la santé mentale est un sujet brûlant qui, malheureusement, peine encore à franchir la porte des entreprises. Une réalité fort dérangeante à l’heure où l’Ifop nous rappelle que ce sujet outrepasse largement la sphère de la vie privée et influe, à de multiples niveaux, la vie des entreprises.

Cette étude réalisée par l’Ifop pour Moka.Care et le GHU Paris a été menée entre le 21 janvier et le 29 janvier 2025 sur un échantillon de 2238 salariés, dont 413 salariés travaillant au sein d’un département dédié aux ressources humaines. 

Le travail représente le premier facteur susceptible d’impacter la santé mentale

Cette nouvelle enquête de l’Ifop nous apprend, en tout premier lieu, que le travail constitue le premier facteur d’influence sur la santé mentale des individus. Un constat particulièrement partagé par les cadres qui considèrent, à 77 %, que le travail a un impact élevé ou moyen sur leur santé mentale.

Le travail se place ainsi devant d’autres vecteurs d’influence comme la famille, la vie sentimentale ou encore le contexte économique et politique actuel.

Bon Ă  savoir

Cette centralité de la vie professionnelle s’observe également au regard de l’importance que les salariés accordent aux relations qu’ils entretiennent avec leur manager. 

Face à ce constat, l’étude souligne que le travail se mue donc en un véritable facteur de risque pour la santé mentale des salariés dès lors que ces derniers sont exposés à un environnement de travail dégradé. Et sur ce point, l’Ifop expose des données relativement alarmantes : 

  • 50 % des salariĂ©s interrogĂ©s ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© tĂ©moin d’une situation nĂ©gative au travail (burn-out, violences verbales ou physiques, harcèlement moral ou sexuel, suicide au travail, etc.) ; 
  • et 34 % d’entre eux en ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© victimes.

Surtout, l’enquête révèle que la réalité de ce risque est d’ores et déjà démontrée, et bien ancrée, dans la mesure où 74 % des répondants déclarent avoir déjà ressenti un trouble de santé mentale lié au travail au cours de ces 5 dernières années (ex : troubles du sommeil, fatigue chronique, irritabilité, agressivité, etc.).

Notez le

Les femmes sont davantage concernées par les troubles de santé mentale liés au travail. Pour ne citer que quelques chiffres éloquents : 

  • 45 % des femmes ont dĂ©jĂ  ressenti un stress chronique Ă  cause du travail (contre 26 % chez les hommes) ; 
  • 35 % des femmes dĂ©clarent avoir dĂ©jĂ  fait un burn-out Ă  cause du travail (contre 21 % chez les hommes).

A l’inverse, l’Ifop note que les salariés de plus de 50 ans sont moins sujets à ces troubles de santé mentale (-6 points d’exposition en moyenne). 

L’exposition à des troubles de santé mentale emporte de multiples conséquences sur la vie professionnelle des salariés

L’étude de l’Ifop met également en avant que les troubles de santé mentale ont des impacts multiples sur la vie professionnelle des salariés, tant au regard de leur capacité de travail que de la pérennité de leur emploi. 

Et pour cause, parmi les salariés interrogés : 

  • 47 % d’entre eux indiquent avoir Ă©tĂ© confrontĂ©s au fait de ne plus pouvoir travailler autant ou moins efficacement ;
  • 36 % dĂ©clarent avoir Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s quelques jours ;
  • 26 % rĂ©vèlent avoir pris des congĂ©s non prĂ©vus ; 
  • et 16 % indiquent avoir dĂ©missionnĂ©.

A souligner également qu’une évolution du rythme de travail, via notamment un passage à temps partiel, a été sollicitée par plus d’un salarié sur dix.

Ce besoin de prendre du recul avec le travail est davantage exprimé par les jeunes travailleurs, c’est-à-dire les travailleurs âgés de moins de 35 ans. L’Ifop remarque, en effet, que ces derniers, plus sensibilisés aux questions de santé mentale, conditionnent davantage leur niveau d’engagement professionnel à ce sujet. A titre d’exemple : 

  • 56 % d’entre eux dĂ©clarent qu’ils ont Ă©tĂ© amenĂ©s Ă  travailler moins ou moins efficacement (contre 47 % en moyenne) ; 
  • ils sont 2 fois plus Ă  avoir indiquĂ© qu’ils avaient Ă©tĂ© amenĂ©s Ă  dĂ©missionner. 

La perception de la santé mentale : un tabou qui se déconstruit peu à peu ?

L’enquête nous rappelle, sans surprise aucune, que la santé mentale reste un sujet tabou gangréné par de nombreux stéréotypes. 

Une tendance qui se vérifie notablement auprès des hommes et des managers. Par exemple, à la question de savoir si, oui non, les troubles de santé mentale devraient être considérés comme un signe de faiblesse, ont répondu par l’affirmative :

  • 29 % des hommes interrogĂ©s (contre 17 % pour les femmes) ;
  • et 28 % des managers interrogĂ©s (contre 18 % pour les non managers).

L’enracinement des tabous liés à la santé mentale se manifeste aussi, selon l’Ifop, à travers le décalage persistant qui existe entre la manière dont les salariés perçoivent leur état de santé mentale et la réalité de celle-ci. En effet, alors que 85 % des interrogés autoévaluent positivement leur état de santé mentale, il s’avère que seulement 70 % d’entre eux seraient, en réalité, véritablement en bonne santé mentale. Un écart non négligeable. D’autant que celui-ci s’exprime de manière plus prononcée auprès des femmes interrogées (81 % et 62 %). 

Pour autant, l’enquête fait état de signaux positifs et évoque même l’idée, chiffres à l’appui, d’un estompement des tabous sur la santé mentale puisque :

  • 86 % des interrogĂ©s jugent que la santĂ© mentale est un enjeu de sociĂ©tĂ© et souhaitent que leur employeur mette des mesures en place pour protĂ©ger la santĂ© mentale ;
  • 40 % des interrogĂ©s ont dĂ©jĂ  consultĂ© un psychiatre ou un psychologue. 

La prévention de la santé mentale en entreprise doit être améliorée

Comme nous venons de le voir, les salariés hésitent de moins en moins à consulter les professionnels de la santé mentale. 

Au niveau des entreprises toutefois, l’enquête signale que la prise en compte de la santé mentale constitue une piste d’amélioration pour bon nombre d’entre elles. 

En effet, même si les témoignages des salariés révèlent que plus de 2/3 des entreprises ont déjà mis en place un dispositif de protection de la santé mentale, il ressort que : 

  • les politiques d’entreprises sont encore trop centrĂ©es sur la rĂ©action face aux situations d’alerte (ex : signalement, rĂ©fĂ©rent harcèlement, etc.) plutĂ´t que sur la prĂ©vention de l’apparition des risques psychosociaux (ex : formation, permanences psychologiques, etc.) ; 
  • les mesures de prĂ©vention mises en place manquent encore de visibilitĂ©. 

Beaucoup de voies restent donc à explorer pour prévenir un risque dont la réalité n’est plus à démontrer.

Pour engager ou améliorer une démarche de prévention des risques psychosociaux en entreprise, nous vous recommandons la documentation « RPS et QVT : le pas à pas d’une démarche à succès ».

Grande Enquête Santé Mentale : moka.care x Ifop x GHU Paris, février 2025

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Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot

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