Santé mentale au travail : les entreprises doivent davantage se saisir du sujet
Érigée au rang de Grande cause nationale, la santé mentale est un sujet brûlant qui, malheureusement, peine encore à franchir la porte des entreprises. Une réalité fort dérangeante à l’heure où l’Ifop nous rappelle que ce sujet outrepasse largement la sphère de la vie privée et influe, à de multiples niveaux, la vie des entreprises.
Cette Ă©tude rĂ©alisĂ©e par l’Ifop pour Moka.Care et le GHU Paris a Ă©tĂ© menĂ©e entre le 21 janvier et le 29 janvier 2025 sur un Ă©chantillon de 2238 salariĂ©s, dont 413 salariĂ©s travaillant au sein d’un dĂ©partement dĂ©diĂ© aux ressources humaines.Â
Le travail représente le premier facteur susceptible d’impacter la santé mentale
Cette nouvelle enquête de l’Ifop nous apprend, en tout premier lieu, que le travail constitue le premier facteur d’influence sur la santé mentale des individus. Un constat particulièrement partagé par les cadres qui considèrent, à 77 %, que le travail a un impact élevé ou moyen sur leur santé mentale.
Le travail se place ainsi devant d’autres vecteurs d’influence comme la famille, la vie sentimentale ou encore le contexte économique et politique actuel.
Bon Ă savoir
Cette centralitĂ© de la vie professionnelle s’observe Ă©galement au regard de l’importance que les salariĂ©s accordent aux relations qu’ils entretiennent avec leur manager.Â
Face Ă ce constat, l’étude souligne que le travail se mue donc en un vĂ©ritable facteur de risque pour la santĂ© mentale des salariĂ©s dès lors que ces derniers sont exposĂ©s Ă un environnement de travail dĂ©gradĂ©. Et sur ce point, l’Ifop expose des donnĂ©es relativement alarmantes :Â
- 50 % des salariĂ©s interrogĂ©s ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© tĂ©moin d’une situation nĂ©gative au travail (burn-out, violences verbales ou physiques, harcèlement moral ou sexuel, suicide au travail, etc.) ;Â
- et 34 % d’entre eux en ont déjà été victimes.
Surtout, l’enquête révèle que la réalité de ce risque est d’ores et déjà démontrée, et bien ancrée, dans la mesure où 74 % des répondants déclarent avoir déjà ressenti un trouble de santé mentale lié au travail au cours de ces 5 dernières années (ex : troubles du sommeil, fatigue chronique, irritabilité, agressivité, etc.).
Notez le
Les femmes sont davantage concernĂ©es par les troubles de santĂ© mentale liĂ©s au travail. Pour ne citer que quelques chiffres Ă©loquents :Â
- 45 % des femmes ont dĂ©jĂ ressenti un stress chronique Ă cause du travail (contre 26 % chez les hommes) ;Â
- 35 % des femmes déclarent avoir déjà fait un burn-out à cause du travail (contre 21 % chez les hommes).
A l’inverse, l’Ifop note que les salariĂ©s de plus de 50 ans sont moins sujets Ă ces troubles de santĂ© mentale (-6 points d’exposition en moyenne).Â
L’exposition à des troubles de santé mentale emporte de multiples conséquences sur la vie professionnelle des salariés
L’étude de l’Ifop met Ă©galement en avant que les troubles de santĂ© mentale ont des impacts multiples sur la vie professionnelle des salariĂ©s, tant au regard de leur capacitĂ© de travail que de la pĂ©rennitĂ© de leur emploi.Â
Et pour cause, parmi les salariĂ©s interrogĂ©s :Â
- 47 % d’entre eux indiquent avoir été confrontés au fait de ne plus pouvoir travailler autant ou moins efficacement ;
- 36 % déclarent avoir été arrêtés quelques jours ;
- 26 % rĂ©vèlent avoir pris des congĂ©s non prĂ©vus ;Â
- et 16 % indiquent avoir démissionné.
A souligner également qu’une évolution du rythme de travail, via notamment un passage à temps partiel, a été sollicitée par plus d’un salarié sur dix.
Ce besoin de prendre du recul avec le travail est davantage exprimĂ© par les jeunes travailleurs, c’est-Ă -dire les travailleurs âgĂ©s de moins de 35 ans. L’Ifop remarque, en effet, que ces derniers, plus sensibilisĂ©s aux questions de santĂ© mentale, conditionnent davantage leur niveau d’engagement professionnel Ă ce sujet. A titre d’exemple :Â
- 56 % d’entre eux dĂ©clarent qu’ils ont Ă©tĂ© amenĂ©s Ă travailler moins ou moins efficacement (contre 47 % en moyenne) ;Â
- ils sont 2 fois plus Ă avoir indiquĂ© qu’ils avaient Ă©tĂ© amenĂ©s Ă dĂ©missionner.Â
La perception de la santé mentale : un tabou qui se déconstruit peu à peu ?
L’enquĂŞte nous rappelle, sans surprise aucune, que la santĂ© mentale reste un sujet tabou gangrĂ©nĂ© par de nombreux stĂ©rĂ©otypes.Â
Une tendance qui se vérifie notablement auprès des hommes et des managers. Par exemple, à la question de savoir si, oui non, les troubles de santé mentale devraient être considérés comme un signe de faiblesse, ont répondu par l’affirmative :
- 29 % des hommes interrogés (contre 17 % pour les femmes) ;
- et 28 % des managers interrogés (contre 18 % pour les non managers).
L’enracinement des tabous liĂ©s Ă la santĂ© mentale se manifeste aussi, selon l’Ifop, Ă travers le dĂ©calage persistant qui existe entre la manière dont les salariĂ©s perçoivent leur Ă©tat de santĂ© mentale et la rĂ©alitĂ© de celle-ci. En effet, alors que 85 % des interrogĂ©s autoĂ©valuent positivement leur Ă©tat de santĂ© mentale, il s’avère que seulement 70 % d’entre eux seraient, en rĂ©alitĂ©, vĂ©ritablement en bonne santĂ© mentale. Un Ă©cart non nĂ©gligeable. D’autant que celui-ci s’exprime de manière plus prononcĂ©e auprès des femmes interrogĂ©es (81 % et 62 %).Â
Pour autant, l’enquête fait état de signaux positifs et évoque même l’idée, chiffres à l’appui, d’un estompement des tabous sur la santé mentale puisque :
- 86 % des interrogés jugent que la santé mentale est un enjeu de société et souhaitent que leur employeur mette des mesures en place pour protéger la santé mentale ;
- 40 % des interrogĂ©s ont dĂ©jĂ consultĂ© un psychiatre ou un psychologue.Â
La prévention de la santé mentale en entreprise doit être améliorée
Comme nous venons de le voir, les salariĂ©s hĂ©sitent de moins en moins Ă consulter les professionnels de la santĂ© mentale.Â
Au niveau des entreprises toutefois, l’enquĂŞte signale que la prise en compte de la santĂ© mentale constitue une piste d’amĂ©lioration pour bon nombre d’entre elles.Â
En effet, mĂŞme si les tĂ©moignages des salariĂ©s rĂ©vèlent que plus de 2/3 des entreprises ont dĂ©jĂ mis en place un dispositif de protection de la santĂ© mentale, il ressort que :Â
- les politiques d’entreprises sont encore trop centrĂ©es sur la rĂ©action face aux situations d’alerte (ex : signalement, rĂ©fĂ©rent harcèlement, etc.) plutĂ´t que sur la prĂ©vention de l’apparition des risques psychosociaux (ex : formation, permanences psychologiques, etc.) ;Â
- les mesures de prĂ©vention mises en place manquent encore de visibilitĂ©.Â
Beaucoup de voies restent donc à explorer pour prévenir un risque dont la réalité n’est plus à démontrer.
Pour engager ou améliorer une démarche de prévention des risques psychosociaux en entreprise, nous vous recommandons la documentation « RPS et QVT : le pas à pas d’une démarche à succès ».
Grande Enquête Santé Mentale : moka.care x Ifop x GHU Paris, février 2025
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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