Conflit au travail : comment s’en faire un allié ?
D’un point de vue systémique, la gestion des situations complexes et le conflit peuvent devenir un baromètre fiable pour établir le niveau de santé de son organisation. Un conflit qui s’aggrave ou perdure est un livre ouvert, exposant des dysfonctionnements organisationnels qui peuvent nous alerter mais aussi nous outiller.
Sans une histoire personnelle qui attise le sentiment d’injustice et qui, parfois, conduit à une quête de pouvoir et à la volonté d’avoir raison, le conflit n’existerait pas. Faire valoir un point de vue, persister jusqu’à accuser, se dire victime d’une posture de quelqu’un, tout ceci n’existerait pas si nous naissions le matin même du conflit. Nous serions complètement détachés d’un passé qui exacerbe ces sentiments de ne pas être entendu, écouté, respecté. Ce sont nos émotions qui donnent une force argumentaire à une confrontation et qui attisent le conflit : l’évènement en soi, s’il n’y avait pas d’histoire, serait traité avec une objectivité ou un détachement presque absolu – en abordant le problème de front et avec le désir commun de trouver des solutions. La gestion d’un conflit ne dépend donc pas tant de la situation que des protagonistes qui sont impliqués.
Une vérité n’est jamais plus vraie parce que plus de gens y croient
Lorsqu’un conflit dĂ©gĂ©nère, c’est que son passif est grandissant. Plus le temps passe entre le dĂ©but du conflit et sa rĂ©solution, plus il y a de passif qui s’ajoute aux ressentis personnels de chaque partie et plus il devient difficile de cerner l’objet premier Ă l’origine du diffĂ©rend. Et un conflit qui dĂ©gĂ©nère occasionne de nombreux dommages. Dès lors que le conflit devient aggravĂ©, le risque de perte de contrĂ´le est probant car les jours qui s’écoulent permettent aux belligĂ©rants de chercher des appuis qui viendront conforter les prises de position des uns et des autres.Â
Mais il faut se rappeler qu’une vérité n’est jamais plus vraie parce que plus de gens y croient. Ce qui n’empêche pas les clans de se former, chacun ayant besoin de se conforter dans ses positions et enfin « trouver justice » même si cette fin est toujours illusoire et une satisfaction de très courte durée.
Se confronter aux autres, c’est une façon de grandir
Au travail, nous ne choisissons pas nos collègues. Il est normal qu’il y ait des confrontations d’idées, des manières de faire, de penser, de réagir qui sont divergentes, voire parfois opposées. Si l’on ajoute l’exposition au stress et des situations négatives qui stagnent, un contexte favorable aux tensions va se créer. C’est l’usure qui agit. Surtout si le climat de travail est lui aussi déjà tendu. Il suffit d’un petit changement exigeant une nouvelle adaptation pour alimenter la fatigue, laquelle va se transposer en une nervosité que l’on pourrait qualifier de volatile pour déclencher un contentieux qui peut s’aggraver très rapidement.
Puisque le conflit n’est pas toujours évitable, parce que nous restons humains et imparfaits, il peut toutefois être utile. Il peut nous apprendre de nous-mêmes et des autres. Il peut aussi lever des tabous, faire la lumière sur des non-dits qui ont été à la source des désaccords et au final, nous rapprocher des autres. Dès lors que nous sortons du jugement, quand bien même le retour sur expérience n’est pas toujours très confortable, il reste nécessaire pour comprendre et se donner de meilleurs outils afin d’éviter la duplication.
Que l’on soit partie prenante ou non, chacun a une responsabilitĂ© face Ă une situation dĂ©gradĂ©e, et la première est d’agir afin de ne pas laisser les divergences mener la danse et conduire Ă une dĂ©tĂ©rioration avĂ©rĂ©e des relations.Â
Si nous apprenons à y faire face, si nous acceptons qu’une partie de ce que l’on défend, ce que l’on demande, ce que l’on condamne, vient de notre propre histoire et de la tentative d’une justice réparatrice, alors le conflit devient un outil fabuleux, car il peut nous faire grandir ensemble. Non seulement nous verrons cette opposition différemment mais nous pourrons, avec le temps, la vivre davantage comme une opportunité plus qu’une contrainte.
Québécoise au parcours atypique, d’abord psychologue clinicienne dans une large institution de santé, j’ai été rapidement saisie par l’impact du climat de travail sur les comportements, et, au même …
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