Branche AT/MP : l’ANI du 15 mai 2023

Publié le 31/05/2023 à 07:04 dans Accident du travail.

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Après 10 mois de longs travaux, les partenaires sociaux ont présenté le 15 mai dernier un accord national interprofessionnel (ANI) sur le fonctionnement de l’Assurance maladie-risques professionnels. Si les constats réalisés ne peuvent qu’emporter l’unanimité, les propositions des syndicats peuvent quant à elles être débattues.

Constats des partenaires sociaux

L’accord constate des manquements au sein des trois missions complémentaires qu’assure la branche AT/MP :

  • la prĂ©vention des risques professionnels : seul 2 % du montant total du budget de la branche y est consacrĂ©. Sans compter qu’il existe de nombreux dĂ©fauts de coordination entre les acteurs, une absence de communication efficiente, une absence d’accompagnement des publics visĂ©s ;
  • la rĂ©paration des victimes : les partenaires sociaux considèrent qu’elle n’est pas assez qualitative. Ils dĂ©plorent entre autres le dĂ©faut d’actualisation des barèmes, les sous-dĂ©clarations de sinistres professionnels, le manque d’information des salariĂ©s victimes et la faiblesse des dispositifs d’accompagnement. Selon l’accord, de nombreuses pathologies professionnelles seraient prises en charge au titre de la maladie en raison de sous-dĂ©claration et de sous reconnaissance par les CPAM ;
  • la gouvernance de la branche : la gestion actuelle par une commission de la CNAM n’est pas effective ni cohĂ©rente avec les modes de fonctionnement de gouvernance dans les autres branches de la SĂ©curitĂ© sociale.

Des propositions transposables ?

Les partenaires sociaux réclament une transposition législative fidèle et indissociable de l’ensemble de l’accord. Or, les propositions sont-elles toutes, sans exception, réalisables ?

Sans surprise, celles-ci s’articulent autour des trois grands axes précités : prévention, réparation et gouvernance.

La prévention, au cœur de la branche AT/MP, doit se doter d’un budget digne de ce nom : 100 millions d’euros supplémentaires chaque année. Avec une augmentation des ressources humaines, de belles actions seront possibles (développer les référentiels de prévention opérationnels, faire évoluer la politique d’octroi de subventions et d’incitations financières, renforcer la prévention de la désinsertion et de l’usure professionnelle,).

Côté gouvernance, il est proposé la création d’un conseil d’administration paritaire et autonome afin d’assurer une gestion optimale de la branche.

C’est en revanche sur le volet réparation que les propositions peuvent parfois poser question :

  • favoriser la rĂ©solution amiable des litiges notamment par la possibilitĂ© pour les commissions de Recours Amiables (CRA) de statuer sur une dĂ©cision rendue après avis d’un CRRMP : s’agirait-il de donner le pouvoir Ă  la CRA de recourir Ă  l’avis d’un second CRRMP Ă  l’instar du juge ? (cf article R. 142-17-2 du Code de la SĂ©curitĂ© sociale). En tout Ă©tat de cause, il est Ă©vident qu’il convient de rendre effectif le rĂ´le des CRA (pas seulement dans ce cadre de CRRMP) puisque l’on constate malheureusement des rejets quasi systĂ©matiques (implicites ou explicites) qui traduisent leur inefficacitĂ© et qui conduisent Ă  un engorgement des tribunaux ;
  • un abaissement du taux d’IPP prĂ©visible Ă  20 % permettant la saisine d’un CRRMP (au lieu de 25 % actuellement) lorsque la maladie n’est pas dĂ©signĂ©e dans un tableau : cette proposition apparait peu utile dans la mesure oĂą le taux prĂ©visible est systĂ©matiquement indiquĂ© Ă  25 % (sans aucune nĂ©cessitĂ© de justification et sans possibilitĂ© de contestation) pour que le dossier soit Ă©tudiĂ© par le comitĂ©, peu important que le taux final accordĂ© soit bien infĂ©rieur ;
  • faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles : les partenaires sociaux ne semblent pas satisfaits de la rĂ©forme de l’instruction issue du dĂ©cret du 23 avril 2019 et souhaitent une simplification des reconnaissances. A cet effet, ils souhaitent la mise Ă  jour des tableaux de maladies professionnelles et la crĂ©ation de nouveaux tableaux tenant compte des nouveaux risques professionnels. Il parait toutefois difficile d’opĂ©rer une simplification, Ă©tant entendu que toute maladie peut dĂ©jĂ  ĂŞtre reconnue d’origine professionnelle aujourd’hui, qu’elle figure ou non dans un tableau, via la transmission au CRRMP. La lĂ©gitimitĂ© de la place dĂ©sormais centrale du CRRMP peut d’ailleurs ĂŞtre remise en cause Ă  bien des Ă©gards : aucune audition des parties, composition la plupart du temps incomplète, teneur du dossier soumis discutable, nombre de dossiers excessifs, absence de communication des avis aux intĂ©ressĂ©s…

On saluera en revanche la baisse du taux d’accès à la prestation complémentaire pour tierce personne, l’amélioration des dispositifs médicaux visés par le 100 % santé ou encore l’intégration de l’extension de la prévoyance complémentaire dans les réflexions à venir.

A ce jour, le texte est ouvert à la signature des organisations syndicales en vue d’une transposition législative et réglementaire.

Pour tout savoir des règles actuelles de reconnaissances des AT-MP les Editions Tissot vous conseillent la documentation « Santé-sécurité au travail ACTIV ».

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Aurore Joly-Aulon

Juriste spécialisée en droit de la protection sociale, Aurore a rapidement pris la responsabilité d’un service juridique au sein du Groupe CRIT. En charge des contentieux liés aux accidents du …