Accident du travail mortel : le rapport d’autopsie désormais protégé par le secret médical

La Cour de cassation a récemment renforcé le principe du secret médical au détriment du principe du contradictoire. Après avoir statué sur les certificats médicaux de prolongation et sur l’audiogramme, c'est maintenant le rapport d'autopsie qui est considéré comme un document médical non transmissible. Ce nouveau revirement mérite une analyse approfondie.
Accident du travail mortel : les conditions de recours à l’autopsie
Lorsqu’un accident du travail mortel survient, notamment en cas de malaise mortel, les causes du dĂ©cès peuvent ĂŞtre incertaines.Â
Pour pallier cette absence d’information, le code de la SĂ©curitĂ© sociale dispose, en son article L. 441-3, que la CPAM « est tenue de faire procĂ©der aux constatations nĂ©cessaires ».Â
Aussi, l’article L. 442-4 prévoit que la caisse doit « demander au tribunal judiciaire de faire procéder à une autopsie » si :
- les ayants droit de la victime le sollicitent ;
- ou si, avec l’accord de ces derniers, elle l'estime utile à la manifestation de la vérité.
Notez le
Si les ayants droit s'opposent à la réalisation de cette autopsie, il leur incombe d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'accident et le décès.
Ainsi, lorsque les causes du dĂ©cès sont inconnues et qu’aucune autopsie n’a Ă©tĂ© sollicitĂ©e par la famille, la caisse doit mettre en Ĺ“uvre une autopsie avec l’accord des ayants droit de la victime.Â
En tout état de cause, lorsqu’une autopsie est réalisée, elle constitue un élément central de l’enquête de la CPAM qui s’appuiera nécessairement sur ses conclusions pour statuer sur la prise en charge du sinistre mortel au titre de la législation professionnelle.​ Se pose alors la question de sa mise à disposition dans le dossier d’instruction consultable par l’employeur.
Communication du rapport d’autopsie : la difficile conciliation entre le secret médical et le principe du contradictoire
Pendant plus de 20 ans, la Cour de cassation estimait que, conformément au principe du contradictoire, l’employeur devait avoir accès à l’ensemble des éléments recueillis à son encontre avant la décision de prise en charge, en ce compris le rapport d’autopsie en cas de sinistre mortel.
Mais cette approche s’est heurtĂ©e Ă une volontĂ© accrue de la Haute juridiction de renforcer la protection du secret mĂ©dical.Â
Dans son revirement du 3 avril 2025, la Cour de cassation considère désormais que le rapport d’autopsie est un document médical protégé par le secret médical et ne peut donc être communiqué à l’employeur.
Elle motive sa dĂ©cision en rappelant que le secret mĂ©dical est un principe consacrĂ© par la loi, et que sa divulgation ne peut ĂŞtre autorisĂ©e que par une disposition lĂ©gislative expresse. Or, aucune disposition ne prĂ©voit la communication du rapport d’autopsie Ă l’employeur.Â
En effet, le code de la Sécurité sociale limite l’initiative de l’autopsie à la caisse et aux ayants droit de la victime. Quant au code de la Santé publique, s’il dresse une liste exhaustive des personnes autorisées à accéder aux informations médicales d’un défunt, l’employeur n’y figure pas.
En conclusion, la Cour de cassation estime que l’équilibre entre le respect du secret médical et le droit de l’employeur à une procédure contradictoire est préservé dans la mesure où il peut engager un contentieux médical devant la Commission médicale de recours amiable (CMRA) afin d’accéder aux constats médicaux nécessaires sans violer le secret médical. L’employeur conserve également la possibilité de demander la désignation d’un expert judiciaire auprès du juge.
Un revers pour l’employeur
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Accident du travail mortel : les conditions de recours à l’autopsie
Lorsqu’un accident du travail mortel survient, notamment en cas de malaise mortel, les causes du dĂ©cès peuvent ĂŞtre incertaines.Â
Pour pallier cette absence d’information, le code de la SĂ©curitĂ© sociale dispose, en son article L. 441-3, que la CPAM « est tenue de faire procĂ©der aux constatations nĂ©cessaires ».Â
Aussi, l’article L. 442-4 prévoit que la caisse doit « demander au tribunal judiciaire de faire procéder à une autopsie » si :
- les ayants droit de la victime le sollicitent ;
- ou si, avec l’accord de ces derniers, elle l'estime utile à la manifestation de la vérité.
Notez le
Si les ayants droit s'opposent à la réalisation de cette autopsie, il leur incombe d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'accident et le décès.
Ainsi, lorsque les causes du dĂ©cès sont inconnues et qu’aucune autopsie n’a Ă©tĂ© sollicitĂ©e par la famille, la caisse doit mettre en Ĺ“uvre une autopsie avec l’accord des ayants droit de la victime.Â
En tout état de cause, lorsqu’une autopsie est réalisée, elle constitue un élément central de l’enquête de la CPAM qui s’appuiera nécessairement sur ses conclusions pour statuer sur la prise en charge du sinistre mortel au titre de la législation professionnelle.​ Se pose alors la question de sa mise à disposition dans le dossier d’instruction consultable par l’employeur.
Communication du rapport d’autopsie : la difficile conciliation entre le secret médical et le principe du contradictoire
Pendant plus de 20 ans, la Cour de cassation estimait que, conformément au principe du contradictoire, l’employeur devait avoir accès à l’ensemble des éléments recueillis à son encontre avant la décision de prise en charge, en ce compris le rapport d’autopsie en cas de sinistre mortel.
Mais cette approche s’est heurtĂ©e Ă une volontĂ© accrue de la Haute juridiction de renforcer la protection du secret mĂ©dical.Â
Dans son revirement du 3 avril 2025, la Cour de cassation considère désormais que le rapport d’autopsie est un document médical protégé par le secret médical et ne peut donc être communiqué à l’employeur.
Elle motive sa dĂ©cision en rappelant que le secret mĂ©dical est un principe consacrĂ© par la loi, et que sa divulgation ne peut ĂŞtre autorisĂ©e que par une disposition lĂ©gislative expresse. Or, aucune disposition ne prĂ©voit la communication du rapport d’autopsie Ă l’employeur.Â
En effet, le code de la Sécurité sociale limite l’initiative de l’autopsie à la caisse et aux ayants droit de la victime. Quant au code de la Santé publique, s’il dresse une liste exhaustive des personnes autorisées à accéder aux informations médicales d’un défunt, l’employeur n’y figure pas.
En conclusion, la Cour de cassation estime que l’équilibre entre le respect du secret médical et le droit de l’employeur à une procédure contradictoire est préservé dans la mesure où il peut engager un contentieux médical devant la Commission médicale de recours amiable (CMRA) afin d’accéder aux constats médicaux nécessaires sans violer le secret médical. L’employeur conserve également la possibilité de demander la désignation d’un expert judiciaire auprès du juge.
Un revers pour l’employeur
En pratique malheureusement, le recours dont dispose l’employeur devant la CMRA, censé garantir ses droits, se révèle largement limité. Le plus souvent, il doit en effet se contenter d’une décision implicite de rejet, et ce, sans qu’aucune sanction ne soit prévue en cas de non-communication des pièces médicales.
Par ailleurs, il revient au juge d’apprécier l’opportunité d’ordonner ou non une mesure d’instruction, telle qu’une expertise. Cette décision n’est donc pas automatique : si la demande de l’employeur est jugée insuffisamment étayée, notamment en l’absence de documents médicaux, le juge peut la rejeter. Ainsi, un employeur contestant une décision médicale peut se voir refuser tout accès au rapport médical, même devant le juge.
Privé de la possibilité de connaître les causes exactes du décès de son salarié, l’employeur se trouve alors dans l’impossibilité matérielle d’apporter ne serait-ce qu’un commencement de preuve d’une cause étrangère au travail. Cela renforce encore le caractère irréfragable de la présomption d’imputabilité du malaise au travail.
Ne s’agit-il pas d’une atteinte au droit Ă un procès Ă©quitable ou d’une rupture dans l’égalitĂ© des armes entre l’employeur et la CPAM ?Â
Cour de cassation, 2e chambre civile, 3 avril 2025, n° 22-22.634 (le rapport d'autopsie constitue un élément couvert par le secret médical qui, de fait, n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par la CPAM et donc communiqués à l’employeur)
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