Les SMS critiques envoyés depuis le téléphone professionnel ont-ils un caractère professionnel ?

Les nouvelles technologies peuvent engendrer des dĂ©rives et vos salariĂ©s peuvent ĂŞtre tentĂ©s, en certaines occasions, d’adresser des SMS dĂ©nigrants et critiques envers votre entreprise depuis leur smartphone professionnel. PrivĂ©s ou professionnels : ces SMS peuvent-ils justifier le licenciement de son auteur et ĂŞtre utilisĂ©s dans le cadre de cette procĂ©dure ?Â
L’un de mes salariĂ©s a adressĂ© Ă ses proches collègues des SMS critiquant fortement mon entreprise depuis son tĂ©lĂ©phone professionnel, ce que je ne peux tolĂ©rer. Puis-je le licencier pour ce motif et utiliser les SMS qu’il a adressĂ©s ou sont-ils considĂ©rĂ©s comme des Ă©changes privĂ©s ?Â
Retenez que les SMS adressĂ©s par un salariĂ© Ă des collègues ou ex-collègues, contenant des propos critiques Ă l’égard de votre entreprise et dĂ©nigrants Ă l’égard de ses dirigeants, bĂ©nĂ©ficient d’une prĂ©somption de caractère professionnel lorsqu’ils sont envoyĂ©s depuis le tĂ©lĂ©phone mis Ă sa disposition pour les besoins de son travail et dont le contenu est en rapport avec son activitĂ© professionnelle.Â
Dans ces conditions, ils ne revêtent pas un caractère privé et peuvent être utilisés dans le cadre d’une procédure disciplinaire, peu important que ces échanges ne soient pas destinés à être rendus publics.
Dans une affaire jugée le 11 décembre 2024 par la Cour de cassation, un salarié avait été licencié pour faute grave après avoir adressé des SMS depuis son smartphone professionnel. Parmi ses différents messages, on peut retenir :
une critique d’une directive relative à l'obligation faite aux cadres de déclarer leurs heures de travail et celle incombant aux responsables d'unité d'exploitation de remplir leurs chiffres dans un logiciel. L’un des SMS indiquait à un ancien collaborateur que la démarche de ce dernier d'attraire la société devant la juridiction prud'homale lui paraissait ''logique'' et à un autre qu'il y avait de fortes probabilités que la société perde devant cette juridiction ;
un ton sarcastique et contestataire qu'ils soient adressés à son N+1, à ses collègues ou ses collaborateurs ;
il désignait un membre de la société sous une dénomination dénigrante et avait détourné l'appellation « l'EPD » (entretien progrès développement) en répondant à son collègue en ces termes « on peut vraiment dire : le PD » pour désigner le directeur général.
Son employeur l’avait alors licenciĂ© pour faute grave.Â
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir son licenciement jugé comme dépourvu de faute grave aux motifs qu’il jouissait dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché pouvaient être apportées.
La cour d’appel a retenu que les agissements de ce salarié étaient constitutifs d'une faute grave.
La Cour de cassation a alors rappelé qu’il résulte de l'article L. 1121-1 du Code du travail que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression.
Dans cette affaire, elle a jugĂ© que l'emploi de termes injurieux et excessifs caractĂ©risait bel et bien un abus dans l'exercice de la libertĂ© d'expression et ce, peu important le caractère restreint de la diffusion des propos.Â
Vous envisagez de licencier un de vos salariés pour faute ? Pour adopter la bonne méthode et éviter les erreurs, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Gérer le personnel ACTIV » dont est extrait le modèle de notification de licenciement.
Cour de cassation, chambre sociale, 11 décembre 2024, n°23-20.716 (les échanges au moyen d’un téléphone professionnel bénéficient de la présomption de caractère professionnel, et peu important que ces échanges ne fussent pas destinés à être rendus publiques, ils peuvent être retenus au soutien d'une procédure disciplinaire)
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