Heures supplémentaires contractualisées : l’employeur doit les rémunérer même si elles ne sont pas effectuées !

Publié le 10/04/2018 à 07:30 dans Rémunération BTP.

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La détermination et l’exécution du nombre d’heures supplémentaires relèvent du pouvoir de direction de l’employeur. Toutefois, le fait d’inscrire le volume d’heures supplémentaires dans le contrat de travail a pour effet de les transformer en éléments de rémunération dont le montant et la structure ne peuvent être modifiés sans l’accord du salarié.

Heures supplémentaires : régime applicable aux entreprises du bâtiment

Les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de 35 h par semaine civile ou au-delà d’une durée considérée comme équivalente prévue par disposition conventionnelle Elles se décomptent par semaine civile en sachant que, sauf accord d’entreprise contraire, la semaine s’étend du lundi 0 h au dimanche 24 h.

Dans le secteur du bâtiment, la majoration des heures supplémentaires est fixée comme suit :

  • de la 36e Ă  la 43e heure incluse (par semaine) : majoration de 25 % ;
  • au-delĂ  de la 44e heure (par semaine) : majoration de 50 %.

Une majoration différente peut être fixée par accord d’entreprise ou d’établissement sans pouvoir être en deçà de 10 %. Vous pouvez également par accord d’entreprise ou à défaut de délégués syndicaux, par décision unilatérale prise après avis favorable des représentants du personnel (CSE, CE ou à défaut DP) remplacer la majoration financière par un repos compensateur de remplacement.

Par ailleurs, vous ne pouvez pas faire accomplir des heures supplémentaires à un salarié au-delà d’un plafond appelé contingent d’heures supplémentaires :

  • pour les entreprises ne pratiquant pas d’annualisation du temps de travail : 180 heures ;
  • pour les entreprises pratiquant une annualisation du temps de travail : 145 heures.

La prévalence étant accordée à l’accord d’entreprise, vous pouvez toutefois, par accord d’entreprise, fixer un autre contingent d’heures supplémentaires.

Zoom Tissot : Le dépassement d’un tel plafond vient durcir vos obligations. D’une part, vous devez consulter les représentants du personnel pour le dépasser et d’autre part, les heures supplémentaires effectuées au-delà d’un tel plafond impliquent le paiement au taux majoré auquel vient s’ajouter une contrepartie obligatoire en repos. S’il est prévu la substitution du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur, dans ce cas le salarié bénéficiera du repos compensateur de remplacement plus de la contrepartie obligatoire en repos de 100 % (ou de 50 % pour les cadres employés dans une entreprise d'au moins 20 salariés appliquant la convention collective des cadres).

Il est conseillé d’insérer une clause dans le contrat de travail prévoyant les conditions et les limites d’accomplissement des heures supplémentaires (ex : accord préalable de l’employeur, plafond d’heures supplémentaires par semaine). Or, contractualiser le nombre d’heures supplémentaires n’est pas anodin. Cela signifie que vous ne pourrez pas unilatéralement réduire ou supprimer le nombre d’heures supplémentaires prévues. Cette règle vient d’être exposée dans un récent arrêt.

Heures supplémentaires : conséquences de leur contractualisation

Que se passe-t-il lorsque l’employeur décide, sans explications, de réduire ou de supprimer les heures supplémentaires régulièrement rémunérées et prévues dans le contrat de travail ?

Rappelons que dès lors qu’il s’agit d’une modification du contrat de travail (de ses éléments essentiels ou déterminants), le salarié est en droit de refuser la modification opérée. Si les heures supplémentaires sont contractualisées il s’agit alors d’une modification du contrat de travail et non des seules conditions de travail. Le refus du salarié de voir ses heures supplémentaires diminuées n’est donc pas constitutif d’une faute. La Cour de cassation a précisé les conséquences financières résultant d’une telle initiative.

La salariée dont il était question avait toujours perçu un salaire correspondant à 186,33 heures mensuelles décomposées comme suit : 151,67 heures + 17,33 heures supplémentaires majorées de 25 % correspondant à l’horaire contractuel + 17,33 heures supplémentaires majorées de 25 %. Ce dernier versement s’était soudainement arrêté sans raison apparente et sans recueillir l’accord de la salariée. Suite à son licenciement, cette dernière avait opéré une demande de rappel de salaires et de congés payés au titre des heures supplémentaires non rémunérées. Elle soulignait alors que l’employeur ne pouvait pas modifier unilatéralement un élément de la rémunération prévue au contrat de travail et versé régulièrement tous les mois. Les juges du fond, estimant que le salaire ne peut être que la contrepartie d’une prestation de travail l’ont néanmoins déboutée de sa demande.

La Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement. Elle rappelle que l’employeur ne pouvait modifier unilatéralement un élément de la rémunération prévue au contrat de travail. Ainsi, nonobstant le fait que la salariée n’avait pas effectué lesdites heures supplémentaires, l’employeur qui s’était contractuellement engagé, se devait de les rémunérer. Pour modifier le nombre d’heures supplémentaires intégrées au contrat de travail, l’employeur aurait dû recueillir l’accord de la salariée. En effet, selon une jurisprudence constante, l’employeur ne peut modifier le montant ou la structure de la rémunération d’un salarié sans son accord.

Si, le principe veut que le salarié n’ait pas de droit acquis à heures supplémentaires, il existe toutefois une exception lorsque le volume d’heures supplémentaires est mentionné dans son contrat de travail.

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Cour de cassation, chambre sociale, 7 mars 2018, n° 17-10.870 (les heures supplémentaires qui constituent un élément de rémunération prévue au contrat de travail ne peuvent être unilatéralement modifiées par l’employeur)

Leslie Lacalmontie

Juriste-rédactrice