Demande de résiliation judiciaire en raison d’un manquement à l’obligation de sécurité : qui doit prouver quoi ?

Publié le 04/03/2024 à 09:52 dans Sécurité et santé au travail.

Temps de lecture : 3 min

Un salarié est victime d’un accident du travail. Il demande la résiliation de son contrat de travail considérant que vous n’avez pas pris les mesures nécessaires afin d’assurer sa sécurité. Mais, dans une telle situation, revient-il vraiment au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués ?

Résiliation judiciaire : au salarié de rapporter la preuve des manquements de l’employeur

La résiliation judiciaire est un mécanisme de rupture à la seule disposition du salarié. Elle lui permet de solliciter la rupture de son contrat de travail, auprès du juge prud’homal, en raison de manquements suffisamment graves de son employeur.

Sa démarche peut déboucher :

  • soit sur la rupture du contrat de travail qui, le cas Ă©chĂ©ant, produira les effets d’un licenciement nul ou injustifiĂ© ;
  • soit sur la poursuite de l’exĂ©cution de son contrat de travail.

En principe, il revient au salarié de démontrer la réalité des manquements invoqués. Mais il en est tout autrement lorsque celui-ci fonde sa demande de résiliation sur l’inobservation, par son employeur, des règles de prévention et de sécurité à l’origine de l’évènement.

Résiliation judiciaire : une charge de la preuve supportée par l’employeur en cas de manquement à son obligation de sécurité

En vertu de votre obligation de sécurité, vous devez prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de vos salariés.

Pour cela, il vous revient de mettre en place :

  • des actions de prĂ©vention des risques professionnels ;
  • des actions d'information et de formation ;
  • une organisation et des moyens adaptĂ©s.

Depuis 2015, la Cour de cassation assimile l’obligation de sécurité à une obligation de moyens renforcée. De ce fait, en cas de litige, il vous revient de démontrer que vous avez pris toutes les mesures nécessaires pour satisfaire à cette obligation.

Or, qu’en est-il lorsqu’un salarié invoque un manquement à votre obligation de sécurité au soutien d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail ? Ce cas de figure a été récemment soumis à la Cour de cassation.

En l’espèce, un salarié, victime d’un accident sur son lieu de travail, fondait sa prétention sur l’inobservation, par son employeur, des règles de prévention et de sécurité à l’origine de l’évènement.

Sa demande de résiliation judiciaire est cependant rejetée en appel. Les juges motivent leur décision sur le fait que le salarié :

  • n’avait pas expliquĂ© les circonstances dans lesquelles il avait Ă©tĂ© blessĂ© sur son lieu de travail ;
  • ne pouvait pas mettre en avant qu’il revenait Ă  l'employeur de prouver qu'il avait satisfait Ă  son obligation de sĂ©curitĂ© dans la mesure oĂą il revenait, Ă  lui seul, d’en dĂ©montrer la violation.

Cette analyse est cependant cassée par la Cour de cassation qui considère, à l’inverse, que :

  • si l’action en rĂ©siliation judiciaire d’un salariĂ© est fondĂ©e sur un manquement de l'employeur aux règles de prĂ©vention et de sĂ©curitĂ© Ă  l'origine de son accident du travail ;
  • il appartient Ă  l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prĂ©vues pour satisfaire Ă  son obligation.

La cour d’appel avait injustement inversé la charge de la preuve. L’affaire sera donc rejugée.

Vous souhaitez en savoir davantage sur la résiliation judiciaire du contrat de travail ? Pensez à consulter notre documentation « Tissot Social Entreprise ACTIV ».


Cour de cassation, chambre sociale, 28 février 2024, n° 22-15.624 (lorsque le salarié invoque un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime, il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures nécessaires pour satisfaire à son obligation de sécurité)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot