Coupe du monde de foot : et si certains salariés veulent suivre les matchs pendant le temps de travail ?

Publié le 24/11/2022 à 11:36, modifié le 28/11/2022 à 09:46 dans Temps de travail.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus Ă  jour.

Depuis quelques jours, le mondial de football a commencé au Qatar. Malgré les appels au boycott liés au non-respect des droits humains dans ce pays, les Français ont été nombreux à suivre l’entrée en lice des Bleus. Or, certains matchs de cette compétition sont prévus en journée. Entre ceux qui voudront les regarder au travail ou qui risquent d’allumer la télé pendant leur télétravail, comment devez-vous réagir ?

Pendant la phase de poules, les matchs de la coupe du monde de foot ont lieu jusqu’à 4 fois par jour dont certains tombent en matinée ou pendant l’après-midi comme le match France – Tunisie le 30 novembre prochain.

Certains matchs de la phase finale se dérouleront aussi à 16 heures.

De très nombreux matchs tomberont donc pendant les horaires de travail des salariés qui pourraient être tentés de soutenir leur équipe favorite. Le premier match des Bleus mardi 22 novembre étant la meilleure audience de l’année 2022. A vous de choisir entre fermeté et souplesse…

Pas d’obligation de laisser les salariés suivre les matchs

Vous pouvez parfaitement autoriser les salariés à suivre les matchs de la coupe du monde de football au travail. Certaines entreprises organisent même des retransmissions sur le lieu de travail de façon à créer un moment de cohésion et renforcer les liens fragilisés par la crise sanitaire.

Mais rien ne vous y oblige. Pendant le temps de travail effectif, les salariés sont à votre disposition et doivent se conformer à vos directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (Code du travail, art. L. 3121-1).

Vous pouvez donc parfaitement interdire à un salarié de regarder un match pendant son temps de travail et le sanctionner en cas d’abus. La sanction devant bien entendu être proportionnelle à la gravité du manquement (durée de la pause prise, antécédents du salarié, répercussion de cette pause forcée sur l’entreprise, etc.). Il paraît ainsi trop sévère de sanctionner un salarié qui suit juste de loin les résultats via son ordinateur ou son téléphone. D’autant que l’utilisation du téléphone et d’Internet à des fins personnelles au sein de l’entreprise est généralement admise à condition qu’il s’agisse d’un usage raisonnable.

En revanche, un salarié qui s’arrête de travailler 90 minutes en laissant en plan tout son travail est sanctionnable. Les juges ont déjà validé le licenciement d’un vigile qui avait détourné une caméra pour regarder du sport, cas extrême où le salarié ne remplissait plus du tout sa mission et manquait à son obligation de vigilance et de protection des personnes et des biens.

Rien n’interdit par contre à un salarié d’utiliser son vrai temps de pause pour regarder un bout de match.

Rappel

Dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié doit en principe bénéficier d’un temps de pause d’au moins 20 minutes consécutives.

Pour ne pas arriver à l’extrémité d’une sanction, une solution envisageable est de permettre à un salarié d’aménager ses horaires par exemple en partant plus tôt ou en récupérant les heures perdues.

Une autre solution pour les salariés qui souhaitent suivre le mondial de foot est de poser des journées de RTT ou des jours de congés payés. A vous de les valider…

Dans tous les cas, il est conseillé d’aborder le sujet avec les salariés et de fixer un cadre sur ce que vous tolérez ou non.

Bon Ă  savoir

La problématique est différente si vous avez des salariés en forfait jours. Ils sont autonomes dans l’organisation de leur temps de travail et leurs heures de travail ne sont pas décomptées. La Cour de cassation a récemment rappelé que cela ne leur donnait pas le droit absolu de fixer librement leurs horaires de travail. Ils sont en effet soumis aux contraintes liées à l’organisation du travail par vos soins dans l’exercice de votre pouvoir de direction (« Forfait jours : vos salariés disposent-ils d’une liberté absolue dans la fixation de leurs horaires de travail ? »). Mais à partir du moment où vous ne pouvez pas justifier de contrainte particulière et que la charge de travail est remplie, vous ne pouvez pas reprocher au salarié en forfait jours de s’arrêter de travailler pour regarder un match.

Le cas des salariés en télétravail

Les salariés en télétravail restent soumis à l’horaire collectif. Télétravail ne rime en effet pas avec liberté totale de s’organiser. Un salarié ne peut donc pas de sa propre initiative décider de s’arrêter de travailler 90 minutes et reprendre après. Cela nécessite votre accord pour aménager son temps de travail.

Vous pouvez tout à fait envisager une sanction si un salarié n’effectue pas ses tâches (n’est pas joignable à ses heures de travail, n’assiste pas aux réunions en audio ou visio, etc.)

Vous pouvez également décider de contrôler l’activité de vos salariés en télétravail à condition que ce contrôle soit proportionné à l’objectif poursuivi et qu’il ne porte pas atteinte à leurs droits et libertés.

Un contrôle permanent est cependant interdit. La CNIL en donne des exemples : webcam, logiciels qui enregistrent les frappes, obligation pour le salarié d’effectuer très régulièrement des actions pour démontrer sa présence derrière son écran comme cliquer toutes les X minutes sur une application, etc.

Attention, avant tout contrôle vous devez informer les salariés et procéder à une information et une consultation préalable des représentants du personnel.

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social