Conventions collectives : ne pas oublier d'accompagner la clause de non-concurrence d'une contrepartie financière !

Publié le 06/11/2023 à 10:30 dans Conventions collectives.

Temps de lecture : 4 min

Une clause de non-concurrence doit être assortie d'une contrepartie financière. Si le contrat de travail ne prévoit rien, il faut appliquer la convention collective. Mais comment faire en présence de versions successives ?

Conventions collectives : une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière

Une salariée travaillait comme chargée de recrutement au sein d'un cabinet d'experts comptables. Suite à la rupture de son contrat de travail en août 2014, elle avait saisi les prud’hommes de plusieurs demandes, dont un rappel d'indemnité de non-concurrence.

En effet, le contrat de travail de la salariée comportait une clause de non-concurrence. Problème : celle-ci ne prévoyait pas de contrepartie financière. La salariée réclamait donc une indemnité, estimant que le montant qui devait lui être versé était celui prévu par la convention collective applicable (convention collective des experts comptables, art. 8.5.1) :

« Pour être valable, la clause de non-concurrence doit être assortie d'une contrepartie pécuniaire (...). Le contrat de travail définit les modalités de versement de l'indemnité, dont le montant ne peut être inférieur à 25 % de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois. »

Rappel

La validité d'une clause de non-concurrence est subordonnée à plusieurs conditions. Elle doit ainsi être indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, spécifique à l’emploi du salarié, et enfin compensée par une contrepartie financière qui ne doit pas être dérisoire.

Les premiers juges avaient rejeté la demande de la salariée. Ils estimaient :

  • d'une part, que la rédaction des stipulations de l'article 8.5.1 de la convention collective invoquées par la salariée était postérieure à la rupture de son contrat de travail (elles étaient issues d'un avenant du 11 juillet 2014, entré en vigueur le 9 septembre 2014 et étendu par arrêté ministériel du 23 février 2016) ;
  • d'autre part, que les stipulations applicables au moment de la rupture du contrat de travail, issues d'un avenant du 13 janvier 1999, ne fixaient pas le montant de la contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence.

La contrepartie financière applicable est celle prévue par la version de la convention collective en vigueur à la rupture du contrat de travail

L'affaire est arrivée devant la Cour de cassation qui ne l'a pas entendu ainsi.

La Cour rappelle d'abord deux principes :

  • le premier, issu du Code du travail (art. L. 2254-1) : lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ;
  • le second, issu de la convention collective des cabinets d'experts-comptables, dans sa rédaction issue d'un avenant du 22 avril 2003, étendu par arrêté du 2 janvier 2004 : « pour être valable, la clause de non-concurrence doit être assortie d'une contrepartie pécuniaire (…). Le contrat de travail définit les modalités de versement de l'indemnité dont le montant ne peut être inférieur à 25 % de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois en cas de licenciement et à 10 % en cas de démission. »

Pour la Cour de cassation, l'article 8.5.1 de la convention collective, dans sa rédaction issue de l'avenant du 22 avril 2003, instaurant une contrepartie financière de la clause de non-concurrence, était plus favorable que le contrat de travail qui n'en prévoyait pas et devait recevoir application.

En d'autres termes, au moment de la rupture du contrat de travail de la salariée, certes la version actuelle de la convention collective que cette dernière invoquait n'était pas encore entrée en vigueur. En revanche, une version intermédiaire, postérieure à l’avenant du 13 janvier 1999, existait. C'était donc cette version qu'il fallait appliquer.


Cour de cassation, chambre sociale, 11 octobre 2023, n° 21-21.054 (lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables)