Barème Macron : à nouveau écarté par la cour d’appel de Paris

Publié le 28/04/2021 à 07:34, modifié le 07/05/2021 à 07:23 dans Licenciement.

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Le feuilleton relatif au plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse s’était mis en pause ces derniers mois mais il vient tout juste de connaître un nouvel épisode et il est plutôt inattendu : la cour d’appel de Paris admet que le barème Macron soit écarté si la réparation n’est pas appropriée pour le préjudice subi…


MAJ : La Cour de cassation a confirmé l'applicabilité du barème Macron. Pour en savoir plus, consultez notre article « Barème Macron : validé par la Cour de cassation ! ».

Barème macron : qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit de barèmes appliqués pour fixer les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, lorsqu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas de réintégration du salarié, ce dernier a droit à une indemnité fixée par les juges et versée par l’employeur. Pour les licenciements prononcés après le 23 septembre 2017, les juges ne sont en principe plus totalement libres d’attribuer le montant de leur choix mais doivent respecter un barème (le fameux barème Macron) comprenant des planchers et des plafonds obligatoires.

Il n’y a en réalité pas un seul barème mais deux (il en existe un spécifique pour les entreprises de moins de 11 salariés). Ces barèmes tiennent compte à la fois de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise.

Barèmes des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ces barèmes ne s’appliquent pas dans certaines situations notamment en cas de nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement ou suite à une discrimination. Il n’y alors pas de plafond mais seulement un plancher égal aux salaires des 6 derniers mois.

Toutes les exceptions à l’application des barèmes vous sont expliquées dans la documentation « Tissot Social Entreprise ACTIV ».

Barème macron : pourquoi sont-ils remis en cause ?

Le débat a commencé lorsque plusieurs conseils de prud’hommes ont écarté le barème Macron et ont fixé une indemnité plus importante au motif qu’il n’est pas conforme au droit européen. Plus particulièrement à la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à la charte sociale européenne, lesquels prévoient que les juges nationaux doivent pouvoir ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre réparation appropriée.

La Cour de cassation a accepté de rendre son avis sur le sujet en juillet 2019 (voir notre article « Barème Macron : la Cour de cassation dit oui à son application ») en estimant compatible le barème Macron avec la convention de l’OIT. En revanche, elle a écarté d’emblée la charte sociale européenne, celle-ci n’ayant selon elle pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Suite à cette prise de position on pouvait penser que la majorité des juges du fond allaient se rallier à la position de la Cour de cassation car même s’il ne s’agit que d’un simple avis, en cas d’appel puis de pourvoi en cassation, le mot final appartient à la Cour de cassation qui est donc pour l’application du barème des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ça n’a pour autant pas été le cas puisque juste après cette décision la cour d’appel de Reims a admis qu’il puisse être écarté si l’atteinte aux droits du salarié est trop importante (voir notre article « Barème Macron : une cour d’appel admet qu’il puisse être écarté ! »).

La cour d’appel de Paris a aussi participé aux rebondissements d’abord en semblant rejoindre la position de la cour d’appel de Reims en septembre 2019 avant qu’une deuxième décision d’octobre, rendue par une autre chambre, ne se rallie cette fois à la Cour de cassation (voir notre article « Barème Macron : une nouvelle décision de la cour d’appel de Paris dans la lignée de l’avis de la Cour de cassation »).

Après une pause de quelques mois, de nouvelles décisions sont tombées et les cours d’appels continuent de résister. D’abord la cour d’appel de Bourges en novembre dernier, qui estime que même si le barème Macron est un dispositif jugé conventionnel, cela ne dispense pas les juges d’apprécier s'il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché, en l'occurrence l'indemnisation intégrale du préjudice qu'il a subi.

Et récemment, c’est encore une fois la cour d’appel de Paris qui est revenue sur le sujet et qui ce coup-là écarte le barème. Elle s’appuie de nouveau sur la convention 158 de l’OIT et la réparation appropriée. Les juges ont ainsi estimé qu’en appliquant le barème Macron la réparation n’aurait pas été appropriée compte tenu de la situation concrète et particulière de la salariée. En l’espèce la salariée licenciée injustement à l’âge de 53 ans n’avait toujours pas retrouvé d’emploi et avait perdu plus de 32 000 euros depuis son licenciement. Elle ne pouvait en application du barème bénéficier que d’une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire (moins de 18 000 euros), soit à peine la moitié de ce qu’elle avait perdu.

La cour d’appel a donc décidé d’écarter le barème pour allouer à la salariée une somme supérieure (32 000 euros en l’occurrence) compte tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et des conséquences du licenciement à son égard.

Plus que jamais l’incertitude demeure en cas de litige sur l’application du barème Macron. La première décision au fond de la Cour de cassation sur le sujet est attendue peut-être sur cette affaire précise d’ailleurs…


Cour d’appel de Paris, Pôle 6, chambre 11, 16 mars 2021, n° 19/08721 (compte-tenu de la situation concrète et particulière de la salariée, l’application du barème Macron ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi ; il y a donc lieu de l’écarter)
Cour d’appel de Bourges, chambre sociale, 6 novembre 2020, n° 19/00585 (lorsqu'un licenciement est injustifié, le contrôle de conventionnalité ne dispense pas, en présence d’un dispositif jugé conventionnel, d’apprécier s’il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché, en l’occurrence l’indemnisation intégrale du préjudice qu’il a subi)

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social