Avis d’inaptitude : peut-il être remis en cause ?

Publié le 28/02/2023 à 08:16 dans Contrat de travail BTP.

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Un avis d’inaptitude fait courir un délai d’un mois durant lequel vous devrez soit reclasser, soit licencier votre salarié. Passé ce délai, vous devrez reprendre le paiement des salaires. Il se peut toutefois que vous ou votre salarié soyez en désaccord avec l’avis rendu : quelles sont vos possibilités dans ce cas ?

Avis d’inaptitude : modalités de contestation

Un recours spécifique existe en cas de désaccord avec l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail.

Avant 2017, c’était l’inspection du travail qui devait être saisie. C’est à présent au conseil de prud’hommes de se prononcer, celui-ci étant saisi en formation de référé : il s’agit d’une formation du conseil de prud’hommes composée uniquement d’un conseiller salarié et un conseiller employeur qui se prononcera sans passer par la phase de conciliation, dans un délai raccourci. Les juges peuvent désigner un médecin-inspecteur du travail qui pourra demander le dossier médical au médecin du travail, sous réserve d’obtenir l’accord du salarié. Si ce dernier s’oppose à la communication de son dossier, il sera toutefois tenu de se soumettre à un nouvel examen médical.

Pour que cette contestation soit recevable, le conseil de prud’hommes doit être sollicité dans les 15 jours suivant la notification de l’avis d’inaptitude. Le point de départ du délai sera donc le jour de la remise de l’avis contre décharge, de l’envoi du recommandé ou de l’avis électronique. En cas d’envoi électronique, le juge devra estimer si le moyen utilisé permet de donner date certaine à la notification de l’acte. Si vous contestez l’avis médical passé ce délai, vous serez confronté à une fin de non-recevoir.

La saisine du conseil de prud’hommes n’a pas pour effet de suspendre le caractère impératif et exécutoire de l’avis d’inaptitude : le délai d’un mois avant la reprise du paiement des salaires ne se trouve donc pas suspendu.

Les juges vont devoir rendre une décision qui se substituera à l’avis initialement rendu par le médecin du travail et ils ne peuvent pas simplement prononcer l’inopposabilité de cet avis. Ils doivent impérativement rendre leur propre avis qui viendra soit confirmer, soit infirmer l’acte émis par la médecine du travail.

La Cour de cassation a récemment eu à se prononcer sur un cas de contestation tardive d’un avis d’inaptitude.

Avis d’inaptitude : il s’impose aux parties et au juge s’il n’a pas été contesté dans les 15 jours

Dans cette affaire, un maçon avait été déclaré inapte par le médecin du travail et il était précisé que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise. Il a donc été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le salarié conteste son licenciement au motif que le médecin du travail n’aurait pas accompli les diligences qui lui incombait avant le prononcé de l’inaptitude, notamment l’étude de poste, et estime par conséquent que son licenciement est nul, son inaptitude n’ayant pas été régulièrement constatée.

La cour d’appel avait rejeté sa demande puisque l’avis d’inaptitude n’avait pas été contesté dans les 15 jours et à ce titre, la régularité de l’avis du médecin du travail, qu’elle concerne les éléments purement médicaux ou l’étude de poste, s’impose désormais à l’employeur comme au juge.

La Cour de cassation rappelle qu’un employeur ou un salarié peut contester les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail en saisissant le conseil de prud'hommes d'une demande de désignation d'un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel. La formation de référé qui va statuer doit être saisie dans un délai de 15 jours suivant la notification de l’avis rendu par le médecin. La décision de la formation des référés se substitue aux éléments de nature médicale qui ont justifié l’avis du médecin. En l’absence d’un tel recours, l’avis d’inaptitude va s’imposer à toutes les parties.

En l’espèce, l’avis médical mentionnait bien les voies et délais de recours ouvertes au salarié et à l’employeur mais aucune contestation n’avait été émise dans le délai de 15 jours : ainsi, la régularité de l’avis ne pouvait plus être contestée et celui-ci s’impose au salarié, à l’employeur et au juge. La demande de nullité du licenciement ne peut par conséquent pas être accueillie puisque celle-ci était uniquement fondée sur des éléments purement médicaux ou fondés sur l’étude de poste.

Besoin d’aide pour mener à bien un licenciement d’un salarié inapte ? Vous trouverez des informations et des modèles de courrier dans la documentation « Modèles commentés pour la gestion du personnel du BTP ».


Cour de cassation, chambre sociale, 7 décembre 2022, n° 21-23.662 (passé le délai de 15 jours la régularité de l'avis d’inaptitude ne peut plus être contestée et cet avis s'impose aux parties comme au juge, que la contestation concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de poste)

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Camille Kriegel

Juriste droit social en cabinet d'expertise comptable

Master 2 Droit social interne, européen et international - Université de Strasbourg