Mieux accompagner les salariés ayant un trouble bipolaire

Publié le 25/02/2025 à 16:02
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Temps de lecture : 5 min

De plus en plus évoquée par les médias, la bipolarité est presque entrée dans le langage commun, désignant souvent une personne « lunatique », « qui change facilement d’avis ». Or la réalité est toute autre. 

Notions clés sur la bipolarité

Le trouble bipolaire fait partie de la famille des troubles de l’humeur et se caractérise par une alternance de phases dites « dépressives » et « maniaques ». 

En phase dépressive (d’une durée minimum de 15 jours), le salarié se sent triste et ressent une baisse d’énergie et d’intérêt pour ce qui l’anime habituellement. Il peine à se mobiliser dans son quotidien et peut aussi avoir des idées suicidaires. 

La phase maniaque, elle, se traduit inversement par un débordement d’énergie qui amène la personne à ne plus ressentir le besoin de se reposer ou de dormir. C’est comme si son fonctionnement était accéléré, ce qui se traduit notamment par marcher, penser, parler plus vite que d’habitude et, par conséquent, porter moins d’attention et d’écoute aux autres. Au cours de cette phase (d’une durée minimum de 7 jours) la personne peut ressentir un excès de confiance pouvant mener à des conduites à risque (sur les plans financiers, sexuels, professionnels). Pour certains, le burn out sera l’issue de cette phase de débordement d’énergie et d’hyper-investissement. 

On estime que 1 à 2,5 % de la population française souffre de bipolarité. Sachant que ces patients relatent en moyenne une errance diagnostique de 10 ans avant que la bipolarité soit mise en évidence, il y a fort à parier que ce trouble est encore plus fréquent. L’Organisation mondiale de la santé la classe parmi les 10 maladies les plus invalidantes et elle reste corrélée à un taux de suicide élevé. 

Travailler quand on souffre de bipolarité

Si travailler reste un défi pour les 40 à 60 % de personnes en activité souffrant d’un trouble bipolaire, la sphère professionnelle constitue un élément stabilisant, offrant la régularité et les repères journaliers essentiels. 

L’enjeu du maintien dans l’emploi est crucial, d’où la nécessité d’être vigilant à certains signes pour ajuster la conduite à tenir face à ces salariés « aux mille vies », qui ont souvent expérimenté de nombreux métiers et dont les expériences professionnelles peuvent parfois s’avérer douloureuses. 

Ainsi, leur fluctuation d’humeur génère un manque de fiabilité perçu, une instabilité et une sensibilité jugées comme trop fortes au regard des exigences attendues dans certaines équipes. Par ailleurs, leurs collègues peuvent avoir des difficultés à s’adapter à ces changements d’humeur, et les relations risquent dès lors de s’étioler ou de se tendre. 

Ces difficultés inciteront certains à ne rien dire de leurs troubles, même s’il est évident qu’exprimer cette particularité va permettre aux RH de réfléchir aux actions à mener, parfois via un plan d’accompagnement personnalisé. 

Quelques bonnes pratiques pour accompagner ces salariés

Sur la montée en compétences

Apprendre à détecter les signaux précurseurs d’une variation d’humeur : la première astuce est d’évaluer 3 critères : 

  • Y a-t-il un changement chez le salarié ?
  • Depuis plus de 15 jours ?
  • Est-ce que ça s’aggrave ? 

Les signes spécifiques sont aussi la variation du sommeil et de l’alimentation, les conduites à risque, la diminution de la concentration, la baisse d’intérêt et d’énergie.

Permettre l’accès aux formations en soft skills pour le salarié concerné : les formations sur la gestion du stress et la communication constructive sont souvent aidantes pour le salarié concerné et son entourage professionnel. 

Sur l’organisation du temps de travail

Accueillir la « nostalgie de l’hyper-productivité » : stabilisés par un traitement médicamenteux et un suivi psychologique, les salariés peuvent toutefois ressentir une nostalgie à l’égard de leurs phases maniaques, qu’ils décrivent souvent comme des périodes très productives sur le plan professionnel. Cette nostalgie peut être d'autant plus difficile à vivre que les exigences professionnelles sont élevées. Les managers et RH qui accompagnent ces salariés peuvent aussi rappeler que ces périodes d’activité intense sont systématiquement suivies d’une rechute et que celle-ci s’avère risquée non seulement pour eux, mais aussi pour leur entourage professionnel.

Maintenir une régularité dans la mesure du possible : équilibrer la charge de travail, maintenir des horaires stables et plutôt en journée et limiter les déplacements professionnels. Les décalages de rythme peuvent générer une fluctuation de l’humeur, tout comme les grands changements (plan de départ volontaire, PSE, restructuration, déménagement, etc.).

Favoriser une configuration de travail « calme », diminuant le risque de sursollicitations (le bruit est souvent moins toléré avec la bipolarité). 

Sur les relations

Favoriser la régularité des échanges : instaurer des rituels collectifs et individuels d’échanges, tant en présentiel qu’à distance. L’évolution des modes de travail et l’augmentation du télétravail peuvent être des facteurs de stress.

Etre proactif dans la relation et l’accompagnement des difficultés, particulièrement quand le salarié semble plus en retrait et réduit ses interactions (ce qui est souvent le cas en phase dépressive). En phase maniaque, le salarié sera plus expansif, aura tendance à beaucoup parler en écoutant moins ses interlocuteurs.

Sur la gestion de crise

Voir les périodes de crise non comme l’exception mais la règle : l’hospitalisation, bien que vécue comme un échec pour certains, est souvent une vraie ressource pour permettre à ces personnes de récupérer physiquement et mentalement. Les arrêts fréquents mais moins longs permettent de diminuer les risques de désinsertion professionnelle.

Soigner le ré-accueil du salarié après un arrêt : en préparant son retour avec l’encadrement mais aussi avec ses collègues, par exemple en proposant à l’un d’entre eux d’être son référent pendant ses premières semaines.

Si nécessaire, mettre en place un accompagnement personnalisé type « job coaching » afin de favoriser une écoute mutuelle entre le salarié concerné, son manager et ses collègues et leur permettre de fonctionner durablement malgré les troubles. 

A noter qu’au-delà des démarches internes, certaines structures dédiées à la réinsertion professionnelle (Club House France ou Bipolarité France par exemple) peuvent vous aider à aménager les conditions de travail des salariés concernés. 


Haute Autorité de Santé, Troubles bipolaires : repérage et diagnostic en premier recours, juin 2014

Photo profil Claire
Claire Priquet

Psychologue sociale et psychothérapeute

Claire Priquet est psychologue sociale et fondatrice du cabinet Claire Priquet Conseils.

Depuis 14 ans, elle accompagne les entreprises en prévention des risques psychosociaux. Egalement …

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