Infraction routière avec un véhicule de fonction : une cause de licenciement ?

Publié le 10/10/2023 à 14:15, modifié le 22/12/2023 à 09:42 dans Sécurité et santé au travail.

Temps de lecture : 3 min

Le fait de commettre des infractions au Code de la route avec un véhicule de fonction peut justifier une sanction. Mais un licenciement disciplinaire n’est pas toujours justifié.

Le licenciement disciplinaire n’est pas justifié pour un motif tiré de la vie personnelle

Dans cette affaire, un mécanicien autonome sur chantier a commis plusieurs infractions au Code de la route tandis qu'il conduisait un véhicule de fonction sur le trajet de son lieu de travail. L’employeur a considéré que les faits reprochés se rattachaient à sa vie professionnelle puisque le salarié se trouvait sur le trajet le menant au travail, peu important que le temps de travail effectif n'ait pas débuté.

Mais les juges ne suivent pas. Ils rappellent qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Or ici non seulement le salarié n’était pas à la disposition de l’employeur quand les infractions ont été commises mais en plus l’outil de travail mis à sa disposition n'avait subi aucun dommage et le comportement de l'intéressé n'avait pas eu d'incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien.

Le licenciement disciplinaire n’est donc ici pas justifié.

Infractions routières et motif du licenciement

Vous l’avez compris, si les infractions routières ont toutes été commises uniquement dans le cadre de la vie privée du salarié, l’employeur ne doit pas agir sur le fondement d’un licenciement disciplinaire. Dans une telle situation, la Cour de cassation considère que le salarié ne commet pas de faute dans l’exécution du contrat de travail.

En revanche, il est possible de licencier ce salarié si l’infraction qu’il a commise crée un trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise.

Concrètement on pense au cas où le salarié se voit retirer son permis de conduire et qu’il n’y a par exemple aucune possibilité d’aménagement du poste du salarié, ni de reclassement temporaire sur un autre emploi ou qu’il est nécessaire à son travail sur chantier.

Si par contre l’infraction se rattache bien à la vie professionnelle du salarié, envisager une sanction disciplinaire est tout à fait possible. Un manquement aux obligations contractuelles peut être facilement démontré. En outre, si l’infraction commise par le salarié est constitutive d’une conduite dangereuse pouvant mettre en danger la vie d’autrui (alcool, vitesse) alors la faute grave pourra être reconnue.

Bon Ă  savoir

La Cour de cassation a déjà reconnu justifié le licenciement pour faute grave d’un salarié qui provoque un accident avec son véhicule de fonction en ayant bu alors qu’il rentrait d’un salon où il s'était rendu sur instruction de son employeur. Les faits reprochés se rattachaient bien à la vie professionnelle du salarié qui a manqué à une obligation découlant de son contrat de travail (voir notre article « Accident de la route avec un véhicule de fonction : un licenciement pour faute peut-il se justifier ? ».

Cour de cassation, chambre sociale, 4 octobre, n° 21-25.421 (les infractions au Code de la route qui étaient reprochées au salarié avaient été commises durant ses temps de trajet avec le véhicule de l'entreprise mis à sa disposition, lequel n'avait subi aucun dommage, et son comportement n'avait pas eu d'incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail. En sorte que ces infractions ne pouvaient être regardées comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat ni comme se rattachant à sa vie professionnelle)

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social