Perte de la qualité d’établissement distinct : encore faut-il qu’il ait été reconnu comme tel
En principe, le CSE est mis en place au niveau de l’entreprise. Toutefois, lorsqu’il existe au moins deux établissements distincts dans une entreprise d’au moins 50 salariés, des CSE d’établissements ainsi qu’un CSE central d’entreprise peuvent être constitués sous conditions. Qu’advient-il de ces CSE d’établissement lors d’une fusion ?
Établissement distinct : de quoi s’agit-il ?
Pour rappel, le nombre ainsi que le périmètre des établissements distincts sont déterminés :
en premier lieu: par accord d’entreprise majoritaire conclu avec les délégués syndicaux ;
à défaut d’accord d’entreprise et en l’absence de délégué syndical : par accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus ;
si et seulement si la tentative de négociation susvisée échoue, par décision unilatérale de l’employeur ;
en dernier lieu, si litige il y a sur la décision unilatérale de l'employeur, par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dont la décision peut faire l'objet d'un recours devant le tribunal judiciaire.
Dans le cas où il revient à l’employeur de fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts, il doit le faire « compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel » (Code du travail, art. L. 2313-4).
En cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, comme lors d’une fusion, les mandats des reprĂ©sentants du personnel subsistent jusqu’à leur terme, lorsque cette entitĂ© conserve son autonomie juridique (Code du travail, art. L. 2343-10 et L 2314-35).Â
Bon Ă savoir
On parle de "fusion” lorsqu’une ou plusieurs sociétés transmettent leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu'elles constituent.
C’est ainsi que :
si l’entreprise absorbée devient un établissement distinct : le CSE de l’entreprise absorbée deviendra un CSE d’établissement chez le nouvel employeur ;
si la modification porte sur un Ă©tablissement distinct dĂ©jĂ existant qui conserve ce caractère, le CSE d’établissement existant et absorbĂ© restera alors en place.Â
En cas de perte de la qualité d'établissement distinct, les fonctions des membres du CSE de cet établissement cessent, sauf si un accord d’entreprise contraire permet à ces derniers d'achever leur mandat.
Etablissement distinct : de l’importance de sa reconnaissance formelle
La Cour de cassation a Ă©tĂ© rĂ©cemment saisie dans une affaire oĂą un groupe Ă©tait composĂ© d’une holding et de 16 sociĂ©tĂ©s distinctes, chacune dotĂ©e d'un CSE.Â
Il a été décidé de créer une société unique :
afin de fusionner 15 sociĂ©tĂ©s au sein d'une mĂŞme entitĂ© juridique (entraĂ®nant le transfert des contrats de travail des salariĂ©s) ;Â
et d’exclure de la fusion la 16e société.
La CGT, estimant que cette 16e société était un établissement distinct, conteste son exclusion de la fusion, et conteste donc le fait que ne soient pas organisées des élections pour un CSE d’établissement attaché à un CSE central à l'instar des 15 autres sociétés.
Le tribunal judiciaire suspend le processus Ă©lectoral sur l'Ă©lection d'un CSE unique et ordonne Ă l’employeur de nĂ©gocier avec les organisations syndicales de cette 16e sociĂ©tĂ© sur la question de la perte de sa qualitĂ© d'Ă©tablissement distinct de l'Ă©tablissement rĂ©sidence et ses consĂ©quences.Â
Les premiers juges reprochent à l’employeur d’avoir décidé d'exclure, sans négociation préalable, cette société du périmètre de détermination des institutions représentatives du personnel.
L’employeur affirme de son côté que la perte de la qualité d'établissement distinct suppose qu'ait été constatée préalablement, par un acte juridique, l'existence d'un tel établissement distinct ce qui n’a jamais été le cas en l’espèce.
A bon droit pour la Cour de cassation qui constate que cette 16e société ne s'était vue reconnaître la qualité d'établissement distinct ni par décision unilatérale de l'employeur, ni par décision administrative, ni par décision judiciaire, ce dont il résultait que la demande tendant à ordonner une négociation sur la perte d'une telle qualité était bien sans objet et infondée.
La reconnaissance de l’établissement distinct est donc explicite et ne peut être implicite.
Cour de cassation, chambre sociale, 14 novembre 2024, n° 23-18.145 (un établissement distinct qui ne s'était jamais vu reconnaître cette qualité ni par décision unilatérale de l'employeur, ni par décision administrative, ni par décision judiciaire, ne peut faire l’objet d’une demande tendant à ordonner une négociation sur la perte d'une telle qualité)
Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés
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