Présomption de démission en cas d’abandon de poste : une procédure utilisée ou non ?

Publié le 07/11/2023 à 08:02 dans Rupture du contrat de travail BTP.

Temps de lecture : 5 min

Un ouvrier ne se présente plus sur chantier et ne vous donne plus de nouvelles que faire ? Depuis 6 mois vous pouvez utiliser la présomption de démission pour abandon de poste dans ce type de situation malheureusement trop fréquente. Mais d’emblée, la question s’est posée de savoir si les employeurs allaient vraiment utiliser cette présomption de démission ou continuer de passer par le licenciement pour faute en raison de l’absence injustifiée. Des données récentes de la DARES semblent nous donner une première piste de réponse.

Présomption de démission ou licenciement pour faute ?

Désormais, le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un certain délai est présumé démissionnaire (Code du travail, art. L. 1237-1-1).

Lorsque l’employeur constate que le salarié a abandonné son poste et « entend » faire valoir la présomption de démission, il le met en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours (C. trav., art. R. 1237-13).

Ce dispositif, destiné à contrecarrer l’indemnisation par l’Assurance chômage des salariés abandonnant volontairement leur poste et licenciés de ce fait, s’applique depuis le 19 avril 2023. Mais il a fait couler beaucoup d’encre. Principalement sur le fait de savoir si vous deviez nécessairement l’utiliser ou si vous pouviez préférer un licenciement pour faute.

En effet, malgré les premières indications données par le ministère du Travail il n’est mentionné nulle part :

  • que vous avez l’obligation d’y recourir ;
  • que cette possibilitĂ© exclut dĂ©sormais tout recours au licenciement pour absence injustifiĂ©e.

Le ministère du Travail attend désormais l’avis du Conseil d’Etat sur ce sujet (voir notre article « Abandon de poste : le ministère du Travail refuse de se prononcer sur l’exclusivité de la présomption de démission pour l’instant »).

Mais en attendant que faire et que font les autres ?

Les licenciements pour faute semblent baisser…

D’un point de vue purement juridique, à notre sens, vous avez aujourd’hui le choix d’utiliser la présomption de démission ou de recourir au licenciement pour faute. Il n’est d’ailleurs pas juste de dire que l’utilisation de la présomption de démission est forcément moins risquée qu’un licenciement, le salarié pouvant contester son utilisation. A vous de peser les pour et les contres.

La DARES vient de donner des statistiques sur les licenciements de CDI pour faute grave ou lourde. Il en ressort qu’au 2e trimestre 2023 ils sont en baisse de 15 %. Elle relève que le repli des licenciements pour faute grave ou lourde intervient dans un contexte de promulgation de la loi introduisant la présomption de démission pour abandon de poste même si elle reconnait qu’il est difficile à ce stade d’établir si un effet de substitution avec d'autre motifs de fin de contrat, telles les démissions ou les ruptures conventionnelles, peut être à l'œuvre. Au 2e trimestre 2023, le nombre de démissions de CDI augmente légèrement sur un an (+ 0,8 %) et les ruptures conventionnelles sont en légère baisse (-1,1 %). Il sera donc particulièrement intéressant de voir ce que donnent les prochaines statistiques pour s’assurer que la tendance se confirme et que les employeurs s’emparent véritablement du dispositif.

Notez le

La DARES et l’UNEDIC nous avaient déjà délivré des données montrant que l’abandon de poste est le motif de licenciement pour faute grave ou lourde le plus utilisé (voir notre article « Abandon de poste : qu’est-ce que vous pouvez vraiment faire aujourd’hui ? »).

Rappelons qu’avant de mener la moindre action, il est nécessaire de recueillir les explications du salarié sur son absence et de lui demander de reprendre le travail.

Bon Ă  savoir

Les conventions collectives nationales des ouvriers dans le BTP imposent l’information « dans les plus brefs délais » de l’employeur en cas d’absence, et l’envoi, le cas échéant, d’un certificat médical dans les 48 heures.

Si vous décidez d’utiliser la présomption de démission, pensez bien à fixer le délai maximal pendant lequel le salarié peut reprendre son poste sans que son absence puisse être qualifiée de démission.

Il est également utile de préciser les conséquences du refus du salarié de reprendre son poste dans le délai fixé à savoir qu’il sera considéré comme démissionnaire (en précisant à quelle date et comment ça se passe pour le préavis) ainsi que le fait qu’il n’aura pas droit à l’assurance chômage.

Nous vous proposons à cette fin un modèle de courrier présent dans la documentation « Modèles commentés pour la gestion du personnel du BTP » que vous n’avez plus qu’à personnaliser :

Si le salarié reprend son travail dans les délais requis, vous ne pourrez pas utiliser la présomption de démission. Une sanction est en revanche envisageable pour absence non justifiée et là il n’y a pas de débat (!).

Par contre, si le salarié ne fournit pas de justification légitime à son absence et ne reprend pas le travail dans les délais requis par la mise en demeure, il peut être considéré comme démissionnaire. Il est alors recommandé de lui envoyer un courrier de prise d’acte d’une démission suite à abandon de poste pour rappeler au salarié ses obligations en matière de préavis et les modalités de récupération des documents de fin de contrat que vous pouvez trouver toujours dans la documentation « Modèles commentés pour la gestion du personnel du BTP ». Vous trouverez aussi dans cette documentation les modèles nécessaires pour procéder à un licenciement pour absence injustifiée (notamment un modèle de notification).


DARES, Les licenciements de CDI pour faute grave ou lourde refluent depuis l'été 2022, 31 octobre 2023

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social