Mon salarié accepte des cadeaux d’un fournisseur : puis-je le licencier pour faute ?

Publié le 16/11/2020 à 07:48 dans Licenciement.

Temps de lecture : 3 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus Ă  jour.

Les cadeaux d’affaires constituent une pratique courante permettant de consolider un partenariat commercial ou de fidéliser une clientèle. Pour autant, pouvez-vous rompre le contrat de travail d’un de vos salariés au motif qu’il a accepté un tel cadeau de la part d’un fournisseur ou d’un client ?

Je viens d’apprendre qu’un de mes salariés avait accepté d’un fournisseur, un cadeau d’une valeur avoisinant les 800 euros et dont il a demandé la livraison à son domicile. De tels faits peuvent-ils justifier un licenciement, y compris pour faute grave de ce salarié ?

Faute grave : définition

Rappelons que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Ainsi, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

La remise de cadeaux par des fournisseurs ou clients, si elle est une pratique courante, comporte des risques tant pour celui qui offre que pour celui qui le reçoit (redressement URSSAF, pot de vin, tentative de corruption, etc.). C’est pourquoi nous vous conseillons d’établir des règles internes en la matière.

Faute grave : accepter un cadeau d’affaire peut-il conduire au licenciement ?

Dans une affaire soumise à l’appréciation de la Cour d’appel, une salariée avait été licenciée pour avoir accepté, à deux reprises, des cadeaux d’un fournisseur, les faisant livrer à son domicile. La réglementation interne de l’entreprise en matière de cadeaux d’affaires prévoyait que de tels cadeaux pouvaient être acceptés s’ils avaient une valeur raisonnable. Il avait été rappelé, à plusieurs reprises par l’employeur lors de formations internes dispensées sur l’éthique, la déontologie et la lutte anti-corruption :

  • qu’un cadeau de valeur raisonnable est celui dont la valeur se situe autour de 20 euros ;
  • que les cadeaux personnels Ă©taient Ă  proscrire, sauf situations exceptionnelles telle qu’une naissance ;
  • qu’en cas de doute, il convenait d’interroger le responsable hiĂ©rarchique.

Dans cette affaire, la salariée avait accepté deux tablettes numériques dont la valeur s’élevait à 798 euros et dont elle avait demandé la livraison à son domicile et non sur son lieu de travail, tentant sans aucun doute de cacher cette livraison à son employeur.

A la découverte des faits, l’employeur a convoqué sa salariée à un entretien préalable au cours duquel il apprenait que la salariée avait déjà accepté et reçu à son domicile une tablette numérique d’une valeur de 159 euros. Cette dernière a alors été licenciée pour faute grave puis a saisi le juge prud’homal d’une demande tendant à faire juger son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel a jugé que le licenciement pour faute grave de cette salariée était parfaitement justifié car les graves manquements à son obligation de loyauté étaient caractérisés et causaient un préjudice à l’employeur. En effet, en raison de ses faits, la salariée avait :

  • perturbĂ© potentiellement les règles encadrant le choix du fournisseur et ce, nĂ©cessairement au prĂ©judice de son employeur dont l’image est en outre ternie ;
  • privĂ© l’entreprise de gratification qu’elle entendait utiliser pour son compte ;
  • fait peser sur l’entreprise un risque de redressement eu Ă©gard Ă  l’avantage en nature indĂ»ment octroyĂ©, qui demeure soumis Ă  cotisations sociales suivant l’article L 242-1-4 du CSS.


Cour d’appel d’Angers, 29 mai 2020, n°18/00395 (accepter des cadeaux d’un fournisseur en méconnaissance des règles de déontologiques en vigueur au sein de l’entreprise est une faute de nature à justifier une fin immédiate de son contrat de travail)