Emploi des seniors : un avant-projet de loi prévoit une transposition de l’ANI du 14 novembre 2024

Entretiens professionnels renforcés, nouvelles obligations de négocier pour les entreprises, création du contrat de valorisation de l’expérience, rétablissement de la retraite progressive à 60 ans. L’accord sur l’emploi des seniors du 14 novembre 2024 devrait être transposé dans la loi sans modification. C’est ce qu’il ressort du projet qui est actuellement soumis pour avis au Conseil d’Etat.
Le ministère du Travail s’est engagĂ© Ă transposer l’accord interprofessionnel sur l’emploi des seniors.Â
Ainsi, dans le cadre des négociations obligatoires, l’avant-projet de loi intègre le sujet de l’emploi et du travail des salariés expérimentés.
Nouvelle négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés
L’accord interprofessionnel (ANI) sur l’emploi des seniors du 14 novembre 2024 renforce le dialogue social sur l’emploi des seniors au niveau des branches professionnelles et au niveau des entreprises.
Au niveau des entreprises, la nouvelle obligation de nĂ©gocier sur l’emploi, le travail et l’amĂ©lioration des conditions de travail des salariĂ©s expĂ©rimentĂ©s concerne les entreprises et les groupes d’entreprises d’au moins 300 salariĂ©s.Â
Notez le
L’accord conclu au niveau de la branche peut comporter un plan d’action type à destination des entreprises de moins de 300 salariés. Si les négociations n’aboutissent pas, les entreprises pourraient le mettre en place, au moyen d’un document unilatéral, après information et consultation du CSE, s’il existe, ainsi que les salariés, par tout moyen.
Si un accord est conclu, que ce soit au niveau de la branche ou de l’entreprise, la nĂ©gociation devrait avoir lieu au moins tous les 4 ans.Â
A défaut d’un accord de méthode, l’engagement des négociations serait engagé tous les 3 ans. Précédée d’une phase de diagnostic, la négociation devrait obligatoirement porter sur les thèmes suivants :
- le recrutement des salariés expérimentés ;
- leur maintien dans l’emploi et l’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d'accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;
- la transmission de leurs savoirs et compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.
Un dĂ©cret devra prĂ©ciser les modalitĂ©s de cette nĂ©gociation.Â
Elle peut Ă©galement porter sur :Â
- le développement des compétences et l’accès à la formation ;
- les impacts des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;
- les pratiques managériales mobilisables ;
- les modalités d’écoute des salariés concernant l’exercice de leurs missions ;
- la santé au travail et la prévention des risques professionnels, notamment au travers de la mobilisation de dispositifs tels que le fonds national de prévention des accidents du travail, le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle ;
- l’organisation et les conditions de travail ;
- les relations sociales.
Suivi professionnel renforcé
Visite médicale de mi-carrière et entretien professionnel des 45 ans
Afin de préparer la seconde partie de la vie professionnelle des salariés, l’entretien professionnel réalisé autour du 45e anniversaire du salarié serait renforcé, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise.
Ainsi, l’entretien professionnel qui suit ou précède les 45 ans du salarié devrait être organisé dans les 2 mois suivant la visite médicale de mi-carrière.Cela permettrait d’évoquer les préconisations éventuellement faites par le médecin du travail et d’aborder, le cas échéant :
- l’adaptation ou l’aménagement des missions et du poste de travail ;
- la prévention de situations d’usure professionnelle ;
- les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilités ou de reconversion professionnelle permettant d'anticiper et de préparer la seconde partie de carrière.
Notez le
Si un accord de branche prévoit une visite médicale de mi-carrière anticipée, l’entretien professionnel pourrait être également anticipé.
A la demande du salarié, cet entretien professionnel renforcé pourrait être préparé avec l’aide d’un conseiller en évolution professionnelle.
A l’issue de l’entretien, le salariĂ© bĂ©nĂ©ficierait d’un bilan incluant les aspects relatifs Ă sa santĂ©, ses compĂ©tences, ses qualifications, sa formation, ses souhaits de mobilitĂ©, aux actions de prĂ©vention de la dĂ©sinsertion et de l’usure professionnelles.Â
Attention
Une copie de ce bilan devrait être remise :
- au salarié ;
- au service de prévention et de santé au travail.
Entretien professionnel réalisé 2 ans avant les 60 ans
Deux ans avant les 60 ans du salarié, au cours de l’entretien professionnel, il devrait être abordé :
- les conditions du maintien dans l’emploi du salarié ;
- les possibilités d’aménagements de fin de carrière comme le sujet de la retraite progressive.
Expérimentation du contrat de valorisation de l’expérience
Afin de favoriser le retour Ă l’emploi des seniors, l’ANI prĂ©voit, Ă titre expĂ©rimental, la crĂ©ation du « contrat de valorisation de l’expĂ©rience ».Â
Repris par le projet de loi, ce contrat expérimenté pour une durée de 5 ans, serait un CDI ouvert aux demandeurs d’emploi d’au moins 60 ans (voire dès 57 ans si un accord de branche étendu prévoit). Sauf exceptions, le candidat ne devrait pas bénéficier d’une pension retraite.
Ce contrat de travail suivrait les mêmes règles que le CDI, exception faite de celles relatives à la mise à la retraite.
Attention
Le candidat ne devra pas avoir Ă©tĂ© employĂ© au sein de l’entreprise ou, si l’entreprise appartient Ă un groupe, au sein d’une entreprise du groupe au cours des 6 mois prĂ©cĂ©dant la conclusion de ce contrat expĂ©rimental.Â
La mise à retraite ne pourrait être envisagée que lorsque le salarié a atteint l’âge légal de départ ou celui qui lui permet de remplir les conditions de liquidation à taux plein. L’employeur ne pourrait pas procéder avant cette échéance pour bénéficier de l’exonération de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite.
Bon Ă savoir
Lors de la signature du contrat, le salarié remettrait à l’employeur un document transmis par sa caisse d’assurance vieillesse qui mentionne la date prévisionnelle d’obtention de ses droits à liquidation de retraite à taux plein.
Si l’employeur rompait le contrat de travail sans que les conditions de la mise à la retraite ne soient réunies, cette rupture constituerait un licenciement.
Retraite progressive
La retraite progressive permet au salarié de bénéficier d’une fraction de sa retraite tout en exerçant une activité professionnelle réduite et en améliorant ses droits à la retraite.
Actuellement, le dispositif est ouvert aux salariés qui sont à 2 ans, voire moins, de l’âge légal de départ à la retraite et ayant acquis 150 trimestres. Ce qui fait, qu’à terme, le dispositif sera ouvert aux salariés ayant au moins 62 ans.
Sachez que l’ANI prévoit que l’accès à ce dispositif sera ouvert dès 60 ans.
Notez le
Le refus de l’employeur de la demande de retraite progressive doit être justifié par l'incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l'activité économique de l'entreprise. L’avant-projet de loi demande d’être plus précis. Si le projet est adopté sans modification, cette justification devrait notamment tenir compte de l’impact de cette durée de travail sur la continuité d’activité de l’entreprise ou du service dans lequel exerce le salarié ayant fait la demande, et des tensions de recrutement objectives sur le poste concerné.
Le temps partiel de fin de carrière
Pour prolonger l’activité des seniors, l’avant-projet de loi transpose la possibilité pour le salarié de demander à passer à temps partiel (ou au forfait jours réduit) sur son poste ou un autre avec la possibilité, pour l’employeur, de compenser tout ou partie de la perte de revenu du salarié selon des modalités définies par accord collectif d’entreprise ou de branche :
- un accord collectif pourrait prévoir les modalités de ce financement avec l’affectation de l’indemnité de départ en retraite au maintien total ou partiel de rémunération ;
- si le montant de l’indemnité de départ à la retraite est supérieur au montant des sommes correspondantes à la compensation du maintien de la rémunération, le reliquat serait versé au salarié.
Ce temps partiel s’appliquerait jusqu’à la liquidation de la retraite à taux plein, ou jusqu’au recours au dispositif de retraite progressive. Toutefois la réversibilité du temps partiel est possible avec l’accord des deux parties ou selon les modalités définies par accord collectif.
Ce texte sera prĂ©sentĂ© prochainement au Conseil des ministres. Le texte devrait ĂŞtre discutĂ© devant le Parlement Ă partir du mois d’avril pour une adoption dĂ©finitive planifiĂ©e courant juin.Â
Avant-projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
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