Contrat de travail : les chauffeurs VTC qui utilisent Uber sont des salariés

Publié le 06/03/2020 à 11:20, modifié le 09/03/2020 à 09:09 dans Contrat de travail.

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L’existence d’un contrat de travail ne dépend pas de la volonté des parties. Pour la Cour de cassation, les chauffeurs VTC qui utilisent la plateforme numérique Uber ne réunissent pas les critères des travailleurs indépendants. De nombreux éléments dans l’exécution de leur prestation de service caractérisent un lien de subordination. Et qui dit lien subordination, dit contrat de travail.

Contrat de travail : existence d’un lien de subordination

L’existence d’un contrat de travail ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur contrat. Son existence est liée aux conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

Le lien de subordination est le critère essentiel à l’existence du contrat de travail. Un faisceau d’indices peuvent caractériser l’existence d’un lien de subordination.

Ainsi, le pouvoir de donner des ordres et des directives à la personne, de contrôler l’exécution de son travail et de sanctionner ses manquements caractérisent un lien de subordination.

Contrat de travail : requalification de la relation entre un chauffeur VTC et la plateforme Uber

La Cour de cassation vient de juger, pour la plateforme numérique Uber, que peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque la société (donc l’employeur) en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 4 mars 2020, n° 19-13.316

Dans cette affaire, la plateforme numérique Uber signe un contrat de partenariat avec un chauffeur VTC, travailleur indépendant. Ce chauffeur demande la requalification de sa relation contractuelle en contrat de travail.

Ce contrat permet au chauffeur d’être mis en relation, via l’application Uber, avec des clients potentiels en échange d’un versement de frais de service.

Pour la société Uber, le chauffeur est libre de se connecter ou non à l’application, de choisir l’endroit et le moment de sa connexion sans en informer la plateforme avant. De plus, une fois connecté, le chauffeur est libre d’accepter ou non une course, voire de mettre fin à la connexion à tout moment.

La société précise que si plusieurs refus consécutifs entraînent une déconnexion de l’appli, le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment. Cette déconnexion temporaire n’a pas d’incidence sur la relation contractuelle avec le chauffeur indépendant.

Le chauffeur est également libre de travailler pour d’autres plateformes concurrentes, exercer son activité de VTC et développer sa propre clientèle.

Mais les juges ont constaté que le chauffeur Uber est loin d’être libre dans l’organisation de son activité, de la recherche d’une clientèle. Avec ce contrat de partenariat, le chauffeur intègre un service de transport créé et organisé par la plateforme.

Certes, le chauffeur choisit ses horaires et jours de travail mais il ne peut pas fixer librement les tarifs de ses courses. Uber impose des itinéraires, ajuste les tarifs, notamment lorsque le chauffeur choisit un trajet inefficace. Ce qui traduit de sa part qu’il donne des directives et contrôle les prestations du chauffeur VTC.

S’agissant des conditions d’exercice de la prestation de transport, l’application Uber exerce un contrôle en matière d’acceptation des courses. Au bout de 3 refus de sollicitations, le chauffeur reçoit un message « êtes-vous encore là ? ». Uber se réserve également le droit de déconnecter ou de restreindre l’accès à l’application. Ces déconnexions temporaires décidées par Uber relèvent d’un pouvoir de sanction. De plus, ces méthodes incitent le chauffeur à rester connecter pour espérer effectuer une course. Le chauffeur ne peut pas choisir librement la course qui lui convient.

Le travail indépendant se caractérise par la possibilité de se constituer une clientèle propre, la liberté de fixer ses tarifs et les conditions d’exécution de la prestation de service. Ce qui n’est pas le cas dans cette affaire.

La société Uber adresse au chauffeur des directives. Elle en contrôle l’exécution et exerce un pouvoir de sanction. Il existe donc un lien de subordination. La relation contractuelle de la société Uber avec un chauffeur VTC est donc requalifiée en contrat de travail.


Cour de cassation, chambre sociale, 4 mars 2020, n° 19-13.316 (Uber déterminant unilatéralement les conditions d’exécution du service de transport, sa relation avec le chauffeur VTC caractérise un indice de subordination qui établit l’existence d’un contrat de travail)

Isabelle VĂ©nuat

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot