Le compte spécial appartient exclusivement au contentieux de la tarification
Temps de lecture : 5 min
Après plus d’une décennie de garde alternée, le contentieux général n’est plus compétent pour connaitre des questions relatives au compte spécial. La Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence : seules les juridictions tarifaires sont à même de statuer sur l’imputation d’une maladie professionnelle au compte spécial, peu importe la date de notification des taux AT impactés par ladite maladie.
Qu’est-ce que le compte spécial ?
Un arrêté de 1995 dispose que les prestations sont inscrites au compte spécial lorsque : « la victime de la maladie a été exposée aux risques successifs dans plusieurs établissements d’entreprises différentes sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie. » (article 2, quatrièmement, de l’arrêté du 16 octobre 1995, pris en application de l’article D.242-6-3 du Code de la Sécurité sociale).
Autrement dit lorsqu’il est établi que l’assuré a été exposé au risque de la maladie professionnelle chez plusieurs employeurs sans qu’il soit possible de déterminer celui au service duquel les maladies ont été contractées, il y a lieu d’imputer les conséquences financières au compte spécial et non pas sur le compte d’un employeur en particulier.
Ce type de demande doit historiquement être porté devant le contentieux de la tarification.
Un partage des compétences mis en place en 2011
La suite du contenu est réservée aux abonnés à l'Actualité Premium
Essayez l'Actualité Premium
À partir de 9,90€ / mois- Déblocage de tous les articles premium
- Accès illimité à tous les téléchargements
Qu’est-ce que le compte spécial ?
Un arrêté de 1995 dispose que les prestations sont inscrites au compte spécial lorsque : « la victime de la maladie a été exposée aux risques successifs dans plusieurs établissements d’entreprises différentes sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie. » (article 2, quatrièmement, de l’arrêté du 16 octobre 1995, pris en application de l’article D.242-6-3 du Code de la Sécurité sociale).
Autrement dit lorsqu’il est établi que l’assuré a été exposé au risque de la maladie professionnelle chez plusieurs employeurs sans qu’il soit possible de déterminer celui au service duquel les maladies ont été contractées, il y a lieu d’imputer les conséquences financières au compte spécial et non pas sur le compte d’un employeur en particulier.
Ce type de demande doit historiquement être porté devant le contentieux de la tarification.
Un partage des compétences mis en place en 2011
Le 16 septembre 2011 (Cass. civ., 2e, pourvoi n°10-26886), la Cour de cassation lance une petite bombe qui va bouleverser le monde de la tarification : « Les litiges relatifs à l'inscription au compte spécial sont de la compétence des juridictions du contentieux général en l'absence de décision de la CARSAT, c'est-à -dire avant la notification de son taux de cotisation à l'employeur ».
Cette position va être confirmée plusieurs fois par la Haute juridiction et les juges du fond vont bien évidemment suivre cette nouvelle jurisprudence.
Les taux AT impactés par un sinistre n’étant notifiés qu’à partir de l’année N+2, de nombreux employeurs y voient là une belle opportunité : obtenir l’imputation au compte spécial devant le contentieux général puisque le succès d’une telle demande devant la CARSAT et la cour d’appel d’Amiens (juridiction spécialement désignée pour les contentieux de la tarification) est quasi-systématiquement vouée à l’échec.
La cour d’appel d’Amiens fait en effet actuellement peser sur l’employeur, qui ne dispose d’aucun pouvoir d’instruction, une preuve impossible à rapporter ; les éléments produits par ce dernier concernant l’exposition du salarié chez d’autres employeurs n’étant jamais suffisants.
Malheureusement, la lueur d’espoir ne sera que de courte durée puisqu’une stratégie va vite être mise en place par les CPAM et les CARSAT qui refusent cette jurisprudence : dès lors que la CPAM recevait une demande d’imputation au compte spécial, elle transmettait l’information à la CARSAT qui se saisissait d’office de cette demande et rendait une décision, obligeant ainsi l’employeur à saisir la cour d’appel d’Amiens en contestation de la décision de refus reçue.
Les CARSAT entendues
Comme expliqué, les CARSAT ont toujours refusé cette jurisprudence.
D’une part, le Code de la Sécurité sociale et le Code de l’organisation judiciaire prévoient une compétence exclusive de la CARSAT et de la cour d’appel d’Amiens pour toutes les questions relatives à la tarification.
D’autre part, toutes les décisions rendues par la Haute juridiction depuis 2011 l’ont été sans la présence des CARSAT. Elles n’avaient donc jusqu’alors jamais pu faire valoir leur argumentation et leur compétence exclusive. Elles n’ont donc pas hésité à intervenir volontairement dans toutes les affaires de compte spécial portées devant le contentieux général et se sont pourvues en cassation à de nombreuses reprises. En d’autres termes, elles n’ont rien lâché et cela a payé.
Un revirement nécessaire
La position de la Cour de cassation pouvait largement s’expliquer puisqu’elle estimait que tant qu’une imputation n’avait pas encore été effectuée et notifiée (autrement dit que la CARSAT n’avait pas encore été mise dans la boucle), la question relevait de la CPAM et du contentieux général.
Au contraire, lorsque la CARSAT était déjà intervenue en notifiant un taux AT comprenant l’imputation d’un sinistre, il était logique que l’action en contestation soit réalisée auprès d’elle.
Même si la CARSAT ne fait finalement qu’appliquer les directives de la CPAM (c’est la CPAM qui mène une instruction, suite une déclaration de maladie professionnelle, permettant d’identifier le dernier employeur et permettant d’identifier une exposition chez de multiples employeurs et qui communique à la CARSAT les sinistres professionnels qu’elle a pris en charge et qui doivent être imputés sur le compte employeur), cette double compétence était surprenante.
En effet, comme le relève justement la Cour de cassation dans ses nouvelles décisions, les juridictions du contentieux de la Sécurité sociale et de la tarification étaient amenées à connaître des mêmes litiges portant sur la tarification, ce qui créait un risque de divergences de jurisprudence et constituait une source d’insécurité juridique pour les parties. Et ce d’autant que l’article D. 311-12 du Code de l'organisation judiciaire prévoit une compétence exclusive de la cour d’appel d’Amiens pour le contentieux de la tarification.
Cour de cassation, 2e chambre civile, 28 septembre 2023, n° 21-25.719 et n° 22-12.265 (Les demandes de l'employeur aux fins de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles)
Juriste spécialisée en droit de la protection sociale, Aurore a rapidement pris la responsabilité d’un service juridique au sein du Groupe CRIT. En charge des contentieux liés aux accidents du …
- Accident du travail : la suspension du contrat de travail empêche-t-elle sa déclaration ?Publié le 05/03/2024
- Un salarié en arrêt pour cause d’accident du travail peut-il suivre une formation professionnelle ?Publié le 21/02/2024
- AT/MP : la transmission du rapport médical n’est pas de droitPublié le 31/01/2024
- Nouvelles lésions : pas de contradictoire !Publié le 24/01/2024
- Taux AT-MP 2024 : plusieurs nouveautés sont à signalerPublié le 16/01/2024