Analyser l’accident du travail
La DARES a publié, en décembre 2024, les derniers chiffres sur les accidents du travail en France. Sur ces dernières années, ce sont plus de 700 000 accidents qui ont été déclarés en moyenne, soit près de 2 000 par jour. Même si l’on estime que la fréquence des accidents du travail a été divisée par 4 depuis les années 1950, leur nombre reste suffisamment important pour justifier une analyse de leurs causes et la mise en place de bonnes actions.
Cessons de regarder dans le rétroviseur !
Avant de rentrer dans le vif du sujet de l’analyse, je tiens à poser ici un constat important. Au cours de mes 20 années de prévention, j’ai observé (et je l’observe malheureusement encore) que notre attention se porte sur les événements qui ont eu des conséquences réelles : les accidents et non sur les événements qui auraient pu avoir des conséquences dramatiques, les précurseurs.
Combien de fois ma hiérarchie m’a demandé une analyse et un rapport détaillé sur une glissade, un mal de dos ayant engendré un arrêt de travail et en même temps ne s’est pas souciée d’un rapport d’inspection mettant en avant d’importants risques en matière de sécurité incendie. J’avoue ne plus compter et m’efforcer, au quotidien, de ne pas considérer que les conséquences réelles, mais bien les conséquences potentielles.
Ne vous méprenez pas : loin de moins l’idée de ne pas considérer les accidents mais il ne faut pas s’attacher exclusivement aux accidents.
Une démarche de prévention n’est pas un mode de fonctionnement réactif mais bien une démarche proactive !
Combien de prĂ©venteurs passent leur temps Ă agir « en mode pompier », comptant les accidents, focalisant sur les rapports d’enquĂŞte et la mise en place d’actions correctives. Oui c’est utile, mais ce n’est pas suffisant et ne constitue pas une dĂ©marche de prĂ©vention. Stop ! Cessons de regarder dans le rĂ©troviseur, et regardons devant nous. Analysons les situations accidentelles avant qu’elles ne se produisent.Â
Pas d’analyse à chaud
MalgrĂ© toute volontĂ© d’anticiper, l’accident peut survenir et demande une rĂ©action proportionnĂ©e. Gardez en tĂŞte le pire scĂ©nario crĂ©dible et non le scĂ©nario et les consĂ©quences rĂ©elles que vous allez avoir Ă affronter.Â
Nous voici donc face à l’accident. Le téléphone sonne, une sirène retentit… Le temps n’est pas encore venu de décomposer, d’investiguer. La priorité reste la gestion de l’événement : sécuriser, porter secours.
Pas de réaction à chaud, encore moins d’analyse, il convient de dérouler votre procédure ou plan d’urgence en fonction de l’événement. Une fois l’urgence gérée, nous entrons dans le temps de l’analyse avec une première étape : la collecte des faits.
Sortez votre loupe et votre calepin
Je vous l’accorde, l’expression fait « has been ». Sortez votre smartphone et partez à la pêche aux informations. Mieux encore, définissez un système ou un premier niveau d’information dès l’urgence gérée, les fameuses checklists ou formulaires : rapport d’événement, fiche d’accident, déclaration d’incident.
Un seul mot d’ordre : restez factuel ! Pas de place Ă l’interprĂ©tation ou Ă la subjectivitĂ©. Il convient de rĂ©pondre au QQOQCP : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?Â
Et j’ajouterai Ă©galement de se questionner sur les consĂ©quences. Sommes-nous face Ă la pire consĂ©quence ? Quelles auraient pu ĂŞtre les Ă©volutions des faits que nous relatons ici ?Â
La réponse nous permettra de pondérer le niveau d’analyse à associer à l’événement. Est-il nécessaire de déployer une analyse complète et détaillée pour une coupure avec une feuille de papier ?
Quel est le meilleur outil d’analyse ?
J’entends de nombreux dĂ©bats sur les outils d’analyse : arbre des causes, 5 pourquoi, Ishikawa (arĂŞte de poisson), DMAIC, etc.Â
J’ai depuis longtemps cessé de débattre face à un constat : le meilleur outil d’analyse est celui qui est réellement utilisé dans l’entreprise.
Je suis un fervent partisan d’un unique outil d’analyse adopté par l’ensemble de l’organisation : événement sécurité, défaut qualité, résolution de problèmes, réclamations clients… Les thématiques sont variées mais il est possible de tendre vers un outil unique inscrit dans le fonctionnement de l’entreprise.
L’analyse des accidents n’est pas la chasse gardée des préventeurs et des spécialistes en santé-sécurité au travail. Toute personne formée à la méthode définie au sein de l’entreprise peut investiguer. Eh oui, ici encore je milite pour la disparition de mon métier avec l’intégration totale des considérations santé, sécurité et environnement dans le quotidien des activités. Le jour où nous y parviendrons, cela me donnera plus de temps pour prendre du recul et partager mes réflexions, mes « tranches de prévention » avec vous.
Car il m’arrive moi aussi de tomber dans le mode pompier/réactif, le tout est d’en avoir conscience et de vite repartir sur le mode proactif !
Né en 1982 à Lille, Julien MAREELS exerce depuis plus de 20 ans des fonctions dans les domaines de l'Hygiène, la Santé, la Sécurité, la Sureté ou encore l'Environnement. Julien a débuté sa carrière …
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