Discrimination syndicale : une grande rigueur attendue des juges du fond
Temps de lecture : 3 min
Le juge saisi d’un litige dans lequel le salarié invoque une discrimination syndicale est tenu d’examiner l’ensemble des éléments invoqués de nature à laisser supposer l’existence de cette discrimination.
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L’interdiction des discriminations syndicales
Aux termes de l’article L. 1132-1 du Code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de ses activités syndicales.
De même, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail (C. trav., art. L. 2141-5).
Toute mesure discriminatoire adoptée en raison des activités syndicales du salarié se trouve donc frappée de nullité et ouvre droit à réparation.
La preuve des discriminations syndicales
En matière de discrimination, le régime de la preuve est aménagé pour que la charge soit partagée entre les parties : le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que la décision en cause était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (C. trav., art. L. 1134-1).
Il appartient donc au salarié de produire devant le juge prud’homal un faisceau d’indices susceptibles de caractériser une discrimination syndicale, par exemple une évolution de carrière ralentie par rapport à un panel de salariés dans une situation équivalente mais sans engagement syndical, la prise en compte défavorable au salarié de ses absences pour l’exercice d’un mandat dans les évaluations professionnelles, ou encore la notification d’une sanction disciplinaire concomitante à une action collective.
Comme le préconisait la Défenseure des droits dans une décision-cadre publiée en août 2022, face aux blocages persistants, le juge doit veiller dans le contentieux des discriminations à permettre l’égal accès des parties à la preuve en adoptant un rôle actif, au besoin par des mesures d’instruction.
La Cour de cassation s’inscrit dans la droite ligne de cette recommandation. Dans un arrêt récent, le juge du fond avait relevé que l'appartenance syndicale du salarié était un élément connu de la direction de longue date sans qu'aucun fait spécifique et utile ne puisse permettre de retenir un lien entre cette appartenance et le licenciement, et il n’avait pas retenu de discrimination syndicale. Censure de la Cour de cassation : dans cette affaire, le juge prud’homal aurait dû examiner « l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et le syndicat de nature à supposer l'existence d'une discrimination, notamment le retard d'évolution salariale, le lien entre les mises à pied disciplinaires notifiées au salarié et son appartenance syndicale et l'exercice de son droit de grève ».
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Cour de cassation, chambre sociale, 6 septembre 2023, n° 22-11.046 (l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et le syndicat de nature à supposer l'existence d'une discrimination, notamment le retard d'évolution salariale, le lien entre les mises à pied disciplinaires notifiées au salarié et son appartenance syndicale et l'exercice de son droit de grève, doivent être examinés par le juge)
Décision-cadre n° 2022-139 du 31 août 2022 relative aux conditions d’accès à la preuve de la discrimination en matière civile
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