Prime d’arrivée : peut-on prévoir un remboursement en cas de départ anticipé ?

Publié le 16/05/2023 à 09:34 dans Contrat de travail.

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La Cour de cassation vient de se prononcer sur la validité d’une clause qui prévoyait une prime à l’embauche conditionnée à une certaine durée de présence sous peine d’un remboursement partiel. Le salarié était dans cette affaire resté un peu plus d’un an. Une telle clause destinée à fidéliser le salarié est-elle valable ou constitue-t-elle une atteinte à la liberté du travail ? Pour les juges c’est bel et bien possible. Une décision particulièrement intéressante dans le contexte actuel de difficultés de recrutement…

Possibilité de prévoir au contrat de travail des clauses particulières comme une prime d’arrivée

Un contrat de travail peut contenir des clauses très variées, pour coller parfaitement aux spécificités de l’entreprise, au poste à pourvoir et au profil du salarié recruté.

Si certaines clauses sont indispensables (qualification, rémunération, durée du travail, etc.) des clauses facultatives peuvent s’envisager dès lors qu’elles ne sont pas contraires à l’ordre public. Certaines sont très connues comme la clause de mobilité ou de non-concurrence. D’autres beaucoup moins mais ont tendance à se développer.

C’est le cas de la clause fixant un prime d’arrivée ou un bonus de bienvenue (parfois appelée « golden hello »).

Une difficulté particulière de recrutement ou la volonté d’attirer un bon profil peut en effet vous pousser à verser une prime lors de l’embauche.

Mais peut-on assortir cette prime d’arrivée à une condition de présence dans l’entreprise pendant une certaine durée pour fidéliser le salarié ? Cette question vient d’être débattue par les juges.

Validité d’une clause prévoyant une prime d’embauche sous condition de remboursement

Dans cette affaire le salarié, opérateur sur les marchés financiers, a reçu 150 000 euros en guise de prime d’embauche. Son contrat de travail prévoyait le versement de cette prime dans les 30 jours de son entrée en fonction mais aussi son remboursement partiel (au prorata du temps restant à faire) en cas de démission dans les 36 mois suivant la prise de poste. Or ce salarié démissionne 14 mois après. Dans la semaine qui suit, l’employeur exige alors le remboursement partiel de la prime (près de 80 000 euros) par mise en demeure. Face au refus du salarié, il finit par aller en justice. S’il obtient d’abord gain de cause aux prud’hommes, la cour d’appel rejette sa demande au motif que la condition que le salarié ne démissionne pas après le versement a pour effet de fixer un coût à la démission, portait ce faisant atteinte à la liberté de travailler du salarié.

Mais la Cour de cassation prend une position inverse. Elle rappelle que certes nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Mais pour elle, une clause destinée à fidéliser le salarié avec lequel on veut collaborer dans la durée peut subordonner une prime d’arrivée à une condition de présence (et prévoir un remboursement au prorata du temps qui n’aura pas été passé dans l’entreprise du fait de la démission) sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail. La prime d’arrivée doit être indépendante de la rémunération de l'activité du salarié.

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La clause en question prévoyait aussi un remboursement en cas de faute grave ou lourde. Reste à savoir si la décision aurait été dans la même lignée si c’est l’employeur qui avait rompu le contrat…

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Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2023, n° 21-25.136 (une clause dont l'objet est de fidéliser le salarié dont l'employeur souhaite s'assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l'acquisition de l'intégralité d'une prime d'arrivée, indépendante de la rémunération de l'activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l'entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n'aura pas passé dans l'entreprise avant l'échéance prévue)

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social