Muter un salarié : insérer une clause de mobilité dans le contrat de travail et l’appliquer

Publié le 03/03/2009 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:20 dans Contrat de travail BTP.

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Vous venez d’ouvrir un établissement secondaire et souhaitez y muter certains de vos salariés. Leurs contrats de travail contiennent-ils une clause de mobilité ? Comment doit-elle être rédigée et appliquée ?
Muter un salarié : insérer une clause de mobilité dans le contrat de travail et l’appliquerLa clause de mobilité est une clause qui oblige un salarié à rejoindre un nouveau lieu de travail.

Sa mise en œuvre correspond en principe à un simple changement des conditions de travail et non à une modification du contrat de travail.

Le salarié n’a pas vraiment le choix. L’employeur peut lui imposer de rejoindre sa nouvelle affectation. Il n’a pas à lui demander son accord. Si le salarié refuse, il commet une faute pouvant justifier son licenciement.

Encore faut-il que la clause de mobilité soit valable et que sa mise en œuvre par l’employeur soit mesurée.

Attention : la clause de mobilité concerne un déplacement du lieu de travail à long terme. Elle ne doit pas être confondue avec les fréquents déplacements professionnels, nécessaires à l’exécution du travail, que vous pouvez imposer à vos ouvriers non sédentaires.


Dans quel document figure la clause de mobilité ?

La clause de mobilité ne figurant pas dans les conventions collectives du secteur du BTP, elle doit être prévue dans le contrat de travail.

La clause de mobilité est un élément essentiel du contrat. Il n’est donc pas possible de l’imposer au cours de l’exécution du contrat, sauf à recueillir l’accord préalable du salarié. Il sera alors nécessaire de conclure un avenant au contrat de travail initial.

L’accord d’entreprise, le contrat de travail ou son avenant peut apporter des précisions sur différents points : délai de prévenance, frais engendrés par le changement du lieu de travail, etc.

Elle ne peut pas résulter d’un usage d’entreprise.


Les conditions de validité d’une clause de mobilité

La clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et proportionnée au but recherché, compte tenu de l’emploi occupé.

La clause doit définir de façon précise sa zone géographique d’application. Le salarié doit en effet savoir par avance où il sera susceptible d’être muté.

L’employeur ne peut pas étendre unilatéralement la portée de la clause, même si cette possibilité était envisagée dans le contrat de travail.

Exemple :
Une salariée affectée à Bourges (Cher) a refusé d’être mutée à Tarare (Rhône) en application d’une clause de mobilité. Cette clause stipulait que « la salariée acceptait, par avance, une fois sa formation terminée, d’être affectée dans un établissement en fonction des nécessités ». Elle a été licenciée. Mais selon la Cour de cassation, la clause n’est pas valable. Conséquence : le refus de mutation n’est pas un motif de licenciement.

La clause de mobilité ne doit pas avoir d’impact sur d’autres éléments du contrat. La clause de mobilité consiste seulement en un changement du lieu de travail du salarié. Elle ne doit pas impacter d’autres éléments du contrat tels que la rémunération ou le niveau de responsabilité, faute de quoi le salarié peut refuser sa mise en œuvre sans commettre de faute.

Exemple :
Ainsi, lorsqu’elle s’accompagne d’un passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour ou d’un horaire de jour à un horaire de nuit, la mise en œuvre de la clause de mobilité suppose que le salarié accepte cette modification d’horaire, y compris si la clause prévoyait cette possibilité.

Si vous décidez de muter un salarié à titre disciplinaire en application d’une clause de mobilité contenue dans son contrat de travail, il faudra respecter la procédure disciplinaire (convocation à entretien préalable, etc.).
Comment mettre en œuvre correctement la clause de mobilité ?

La mise en œuvre de la clause ne doit pas être abusive. La clause de mobilité doit être dictée par l’intérêt de l’entreprise. Si ce n’est pas le cas, il reviendra au salarié de démontrer que la décision de le muter a en réalité été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise.

Pour apprécier l’existence d’un éventuel abus de droit, les juges prennent aussi en compte les incidences de la mise en œuvre de cette clause sur la vie privée du salarié, ses conditions de vie et ses contraintes familiales.

Exemple :
Peut constituer un tel abus, la mise en Å“uvre de la clause :
  • ne permettant plus à la salariée de s’occuper de son enfant handicapé à l’heure du déjeuner alors que le poste qu’elle occupait antérieurement à un arrêt de travail était toujours disponible (Cass. soc., 6 février 2001, n° 98–44190) ;
  • entraînant une perturbation de la vie familiale, sauf à l’employeur d’apporter la preuve que la mutation est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. Dans cette affaire, l’employeur avait décidé de muter d’Annecy à Chambéry une mère de 4 enfants à son retour de congé parental 3 semaines avant son retour, alors que ce poste était libre depuis 3 mois. Cette information tardive mettait la salariée dans l’impossibilité de tenir le délai fixé et justifiait son refus.


Mieux vaut laisser au salarié un délai de prévenance suffisant. Aucun délai particulier n’est prévu pour prévenir le salarié.

Mais les juges demandent de tenir compte de l’éloignement du nouveau poste de travail au regard de la situation familiale du salarié. En pratique, il convient toujours de fixer un délai raisonnable permettant au salarié de s’organiser : recherche d’un nouveau logement, d’une nouvelle école pour ses enfants, etc.

Exemple :
L’employeur :
  • ne peut pas demander, par télégramme, à un salarié occupant ses fonctions depuis 4 ans de gagner son nouveau poste distant de 150 kms dans les 24 heures ;
  • ne peut pas imposer à un salarié dont l’épouse était enceinte de 7 mois de rejoindre son nouveau lieu de travail sous un délai de 3 jours.


Que faire en cas de refus du salarié d’appliquer la clause ?

Normalement, le salarié n’a pas d’autre choix que d’accepter de rejoindre sa nouvelle affectation.

Sauf abus de l’employeur, le refus du salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute grave.

Par ailleurs, en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, l’employeur est en droit d’exiger que le préavis soit exécuté dans le nouveau lieu d’affectation.

Si le salarié refuse pour des raisons sérieuses, vous pouvez revenir sur votre décision ou bien essayer de rechercher si le poste pourrait être pourvu par un autre salarié. Il conviendra, dans ce cas, de confirmer par écrit votre décision prise à titre exceptionnel au vu de sa situation particulière.


En collaboration avec Caroline Gary, chargée de relations humaines en entreprise



Pour en savoir plus sur la clause de mobilité, les Editions Tissot vous proposent leur ouvrage « Formulaire Social BTP commenté ».


Article publié le 3 mars 2009