CDD : le recours successif voire permanent au CDD de remplacement n’est pas un motif automatique de requalification

Publié le 05/03/2018 à 12:10, modifié le 06/03/2018 à 09:49 dans Embauche BTP.

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Afin de limiter les situations d’emploi précaire, la loi comme la jurisprudence encadrent strictement l’usage des CDD successifs. En effet, si vous ne respectez pas les règles de conclusion du CDD, vous vous exposez à une requalification du contrat en CDI. Or, une récente jurisprudence rappelle que le recours successif voire permanent aux CDD de remplacement n’engendre pas toujours la requalification des contrats.

CDD : ne peut être utilisé en cas de besoin structurel de main d’œuvre

Vous pouvez valablement conclure avec le même salarié une succession de CDD de remplacement à condition que ces contrats n’aient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (Code du travail, art. L. 1242-1 et L. 1244-1). Pour qualifier ce recours systématique, les juges emploient généralement l’expression de « besoin structurel de main d’œuvre ». Dès lors que ces contrats ont pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, le salarié peut demander la requalification de son contrat en CDI.

L’indemnité de requalification octroyée par le juge est au moins égale à un mois de salaire. Dans le cadre du travail temporaire, cette indemnisation n’est due que par l’entreprise utilisatrice et non l’entreprise de travail temporaire.

Attention
Le fait de recourir illégalement au CDD est également passible d’une amende de 3750 € et d’une peine d’emprisonnement de 6 mois.

Vous ne pouvez opposer le fait que le salarié ait accepté à plusieurs reprises de conclure des CDD ou qu’il ait refusé de signer un CDI pour échapper à cette requalification.

Face à un recours systématique aux CDD de remplacement pour pallier des besoins structurels de main d’œuvre, les juges procédaient généralement à la requalification des contrats. Or, une jurisprudence du 14 février dernier vient changer la donne. Les juges devront être beaucoup plus précis sur les motifs justifiant la requalification du contrat.

CDD : durcissement des conditions de requalification

En 3 ans, une salariée avait contracté 104 CDD pour remplacement de salariés absents. De façon classique, elle avait demandé la requalification de ses contrats au motif que ces contrats avaient pour effet de pouvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’association en cause. La cour d’appel considérait que l’association qui avait un nombre conséquent de salariés était nécessairement confrontée à des absences impliquant des remplacements prévisibles et systématiques qui constituaient un équivalent à plein temps pour faire face à un besoin structurel. Les CDD devaient donc être requalifiés en CDI.

La Cour de cassation change de perspective. Elle relève que les motifs étaient insuffisants pour caractériser, au regard de la nature des emplois successifs occupés par la salariée et de la structure des effectifs de l’association, que ces contrats avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’association.

Selon les Hauts magistrats, le seul fait pour l’employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente ne permet pas de requalifier les contrats en CDI. En effet, cela ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux CDD pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Les juges s’alignent sur une décision de la Cour de justice de l’Union européenne interprétant l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999. Elle avait à cette occasion précisé que le seul fait qu’un employeur soit obligé de recourir à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente et que ces remplacements puissent également être couverts par l’embauche sous CDI n’implique pas l’absence de raison objective de recourir au CDD (CJUE 26-1-2012 aff. 586/10, 2e ch., Bianca Z... c/Land Nordrhein-Westfalen). En vertu de cet accord-cadre les Etats membres doivent en effet prévoir les raisons objectives justifiant le renouvellement des CDD.

La Cour de cassation vient donc considérablement durcir les recours en requalification du contrat à durée déterminée. En soi le recours successif voir permanent à des CDD de remplacement n’est donc pas illégal. Pour autant, veillez à ce que ces recours n’aient pas pour finalité de répondre à un besoin structurel de main d’œuvre.

Pour ne pas commettre d’impair en embauchant un salarié en CDD, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Gestion pratique du personnel et des rémunérations du BTP ».

Cour de cassation, chambre sociale, 14 février 2018, n° 16-17.966 (le seul fait pour l’employeur de recourir à des CDD de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux CDD pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre)

Leslie Lacalmontie

Juriste-rédactrice