QUESTION, RÉPONSE

Ai-je le droit de licencier pour faute un salarié ayant bénéficié d’un non-lieu sur le plan pénal ?

Publié le 07/03/2024 à 07:00 dans Rupture du contrat de travail.

Temps de lecture : 4 min

Faute du salarié : lorsque le cap infractionnel est franchi

L’agissement fautif d’un salarié peut vous autoriser à exercer votre pouvoir de sanction dans le cadre d’une procédure de licenciement.

Il se peut que cette faute adopte une nature infractionnelle et vous conduise, parallèlement, à engager des poursuites pénales à son encontre (ex : vol, faux en écritures, atteinte aux personnes, etc.).

Dans une telle situation, vous n’êtes pas tenu d'attendre l'issue de la procédure pénale pour notifier au salarié son licenciement.

Bon Ă  savoir

Mais qu’en est-il du droit à la présomption d’innocence ? La Cour de cassation juge qu’en raison de l’indépendance entre la procédure disciplinaire et pénale, le licenciement prononcé par l’employeur n’y porte aucune atteinte.

Pour autant, si les faits le justifient, vous pouvez également opter pour la tempérance en :

  • prononçant, de prime abord, une mise Ă  pied conservatoire pour la durĂ©e de la procĂ©dure ;

  • dĂ©terminant, Ă  son issue, la suite disciplinaire Ă  donner.

Cette dualité de procédures peut ainsi découler, si le salarié conteste son licenciement devant le conseil de prud’hommes, sur l’application du principe de : l’autorité, au civil, de la chose jugée au pénal.

Ceci signifie, plus concrètement, que le juge prud’homal sera parfois tenu de prendre en considération la décision définitivement rendue par le juge pénal s’agissant :

  • de l'existence du fait incriminĂ© ;

  • de sa qualification ;

  • et de la culpabilitĂ© ou de l'innocence du salariĂ©.

Ce principe pourrait donc, en cas d’analyses divergentes, impacter le bien-fondé de votre licenciement.

Exemple

Par le passé, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la relaxe d’un salarié :

  • fondĂ©e sur le caractère non Ă©tabli des faits reprochĂ©s privait le licenciement de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse ;
  • fondĂ©e sur le seul dĂ©faut d'Ă©lĂ©ment intentionnel ne privait pas le licenciement de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.

Mais qu’en est-il si la procédure pénale que vous avez engagée se solde par une ordonnance de non-lieu ?

Ordonnance de non-lieu : sans effet sur votre pouvoir de licenciement

L’ordonnance de non-lieu est la décision par laquelle une juridiction d’instruction déclare qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’instruction contre le salarié inculpé :

  • soit parce que les faits ne constituent ni crime, ni dĂ©lit, ni contravention ;

  • soit parce que l'auteur est restĂ© inconnu ;

  • soit parce qu’il n’y a pas de charges suffisantes contre lui.

Ce cas de figure, comme l’a déjà indiqué la Cour de cassation, n’emporte pas l’application du principe de l’autorité de la chose jugée.

Et pour cause, le fond de l’affaire, dans une pareille circonstance, ne sera pas jugé.

Par conséquent :

Oui, vous pouvez, sur la base de ces mêmes faits, licencier le salarié pour faute.

Cette solution s’applique également en cas de classement sans suite, et ce, qu’importe le motif de la décision.

En cas de litige, il reviendra donc au juge prud’homal d’apprécier souverainement le comportement fautif reproché ainsi que le caractère réel et sérieux du licenciement.

Pour en savoir davantage sur le licenciement disciplinaire, les Editions Tissot vous suggèrent leur documentation « Gérer le personnel ACTIV » dans laquelle vous pourrez retrouver la procédure interactive « Sanctionner un salarié : de l'avertissement au licenciement disciplinaire ».

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot