Suspension du permis de conduire : pas d’indemnité compensatrice de préavis

Publié le 16/03/2018 à 14:15, modifié le 19/03/2018 à 15:04 dans Sanction et discipline BTP.

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Dans le BTP, les déplacements sur les chantiers avec les véhicules d’entreprise nécessitent la détention d’un permis de conduire. Sa suspension peut alors compromettre la poursuite du contrat de travail pour un motif disciplinaire ou non disciplinaire selon les circonstances. Alors qu’il se trouve dans l’impossibilité d’exécuter son préavis, le salarié peut-il prétendre à une indemnité compensatrice de préavis ?

Suspension du permis de conduire : conséquences sur la poursuite du contrat de travail

En principe, les faits relevant de la vie personnelle ne peuvent pas constituer une faute dans les relations de travail. Dès lors, si le salarié perd son permis de conduire dans le cadre de sa vie personnelle, vous ne pourrez pas le licencier pour un motif disciplinaire. Néanmoins, une cause réelle et sérieuse de licenciement peut être invoquée en cas de trouble objectif causé au bon fonctionnement de l’entreprise. Ainsi, un salarié pourra être licencié pour un motif non disciplinaire s’il est empêché d’exercer ses missions en raison de la suspension ou du retrait de son permis.

Dans le secteur du BTP, certains salariés occupent des fonctions exigeant la conduite d’un véhicule et donc la détention du permis de conduire approprié. Or, hormis en insérant dans son contrat de travail une clause de détention du permis de conduire, rien n’oblige le salarié de vous informer du retrait ou de la suspension de son permis de conduire. Il est donc vivement recommandé d’insérer cette clause qui permet de rappeler que d'une part, l'exercice des fonctions implique la conduite d'un véhicule et donc la détention d'un permis approprié et, d'autre part, que toute mesure privant, même temporairement, le salarié de son permis pourrait rendre impossible le maintien de ce dernier à son poste.

Attention
Votre lettre de licenciement ne doit pas être exclusivement motivée par l’application d’une clause du contrat de travail autorisant la rupture en cas de suspension du permis de conduire du salarié.

Il convient de ne pas prendre de décision à la hâte. Si la suspension du permis est de courte durée, vous pouvez proposer au salarié de suspendre son contrat de travail. Rappelons toutefois que vous n’avez aucune obligation de privilégier une mesure de suspension provisoire du contrat de travail ou de mise en congés pendant la durée de suspension du permis.

Notez par ailleurs que les conventions collectives des ETAM des travaux publics (art. 7.1.6) et des cadres des travaux publics (art. 6.1.6) vous imposent de souscrire à une assurance pour les ETAM et les cadres qui utilisent leur véhicule personnel pour l’exercice de leurs fonctions.

Suspension du permis de conduire : une indemnité compensatrice de préavis est-elle due ?

Sauf en cas de commission d’une faute grave, le salarié qui n’exécute pas son préavis a droit à une indemnité compensatrice (Code du travail, art. L. 1234-5). Ainsi, dès lors que le licenciement d’un salarié est prononcé pour cause réelle et sérieuse, celui-ci devrait logiquement pouvoir prétendre à une indemnité compensatrice de préavis s’il ne l’exécute pas. Mais, qu’en est-il lorsque du fait de la suspension de son permis de conduire, le salarié est dans l’impossibilité d’exécuter son préavis puisque ses fonctions impliquent la conduite d’un véhicule ?

Selon la Cour de cassation, à partir du moment où le permis de conduire était nécessaire à l’activité professionnelle du salarié et que celui-ci, du fait de la suspension de son permis de conduire était dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, y compris durant la durée de préavis, l’employeur n’est pas redevable de cette indemnité.

Dans l’affaire jugée, le salarié avait fait l’objet d’un avertissement à la suite d’un excès de vitesse puis d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de la suspension de son permis de conduire à la suite d’un nouvel excès de vitesse.
Débouté de sa demande de complément d’indemnité de préavis, le salarié indiquait que seule la faute grave était de nature à supprimer l’indemnité compensatrice de préavis et que, dès lors que l’entreprise avait refusé de le reclasser sur un autre poste l’impossibilité d’exécuter le préavis n’était pas de son fait.

Ce n’est pas ce que retient la Cour de cassation qui rappelle que l’employeur n’est pas tenu de verser l’indemnité compensatrice de préavis, ni de reclasser le salarié dont le permis de conduire est suspendu.

L'insertion d'une clause de déplacement et de permis de conduire dans le contrat de travail permet à l'employeur de s'assurer de la détention d'un permis de conduire valide par le salarié et de rappeler au salarié ses obligations en la matière. Les « Schémas et tableaux commentés du BTP » des Editions Tissot vous guide dans cette démarche.

Cour de cassation, chambre sociale, 28 février 2018, n° 17-11.334 (la suspension du permis de conduire prive le salarié de l’indemnité compensatrice de préavis dans la mesure où le permis était nécessaire à l’activité professionnelle et que le salarié était dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, y compris durant la période de préavis).

Leslie Lacalmontie

Juriste-rédactrice